Les Trois Mousquetaires : D’Artagnan


Les Trois Mousquetaires : D’Artagnan
2023
Martin Bourboulon

Première partie d’un diptyque qui serait finalement une trilogie (semble t-il que l’histoire est toujours en suspend à l’issue du second opus) mais qui n’est pas sûre de voir le jour. Doté d’un budget de 72 M€, les deux films ont respectivement fini avec 3,5 millions d’entrées pour le premier et sur le point de finir avec 2,6 millions d’entrées pour le second, avec tout juste dans deux millions cumulés en dehors de la France, soit un total de huit millions de spectateurs dans le monde en deux films. C’est un score assez honorable, mais pas forcément suffisant pour convaincre les investisseurs à financer un nouveau volet. Sachant donc que le projet n’aura pas nécessairement de conclusion, j’y allais donc à reculons, d’autant que l’histoire est déjà bien trop connue.

Déjà adaptée une trentaine de fois, que ce soit au cinéma ou à la télé, l’œuvre d’Alexandre Dumas nous revient une fois de plus pour nous conter les manigances de Milady (Eva Green) et surtout du Cardinal Richelieu, se rêvant de renverser Louis XIII (Louis Garrel) et prendre le pouvoir, mais qui sera déjoué par les trois mousquetaires, Aramis (Romain Duris), Porthos (Pio Marmaï) et Athos (Vincent Cassel), rejoints par une nouvelle recrue, D’Artagnan (François Civil).

Beaucoup n’ont pas su apprécier à sa juste valeur la proposition épique et baroque de la version de 2011 de Les Trois Mousquetaires, mais je n’ai eu que ça en tête tout du long, et la comparaison fait mal. Malgré tout le talent de François Civil, il est bien trop vieux pour le rôle, donc le côté jeune premier passe moins bien, et désolé de le dire, mais le scénario est moins bien construit. La triple provocation en duel est ici bien moins naturelle, presque calée maladroitement pour coller au livre sans vraiment savoir qu’en faire. Toute la narration dans son ensemble est moins fluide, moins pertinente, et surtout inachevée de par son statut de première partie, ce qui avec Accros the Spider-Verse et Dead Reckoning a le don pour me lasser ces derniers temps. Faites des films complets qui tiennent la route en solo bordel ! Eh puis bon, les dirigeables avaient une sacrée gueule, tandis que là, ni scène épique ni sentiment d’aventure : du conflit politique ennuyeux, et quelques combats à l’épée illisibles entre une caméra trop bourlinguée, une image terne, et un gros souci sur les personnages et décors. Tout est aberrant de saleté. Les vêtements sont des torchons, les cheveux gras, et tout le monde – hors bourgeoisie – est continuellement crasseux, le visage plein de terre. C’est quoi le délire ? Okay, les gens d’antan n’avaient pas la même hygiène, mais à ce point là, ça semble abusif. C’est bien de faire preuve d’ambition en France, mais cette énième revisite du mythe manque de personnalité, transpose au lieu d’adapter, et malgré une volonté de bien faire, l’ennui est présent.

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L’Amant de Lady Chatterley


L’Amant de Lady Chatterley
2022
Laure De Clermont-Tonnerre

Malgré le vide créatif assez problématique de 50 Nuances de Grey, le film fut un succès colossal, donnant des idées à beaucoup. Pour Amazon, ce fut la saga After, qui après avoir trop perdu de spectateurs en salles était facile à continuer à produire pour pas cher. Côté Netflix, ils avaient déjà fait carton plein avec l’ode au viol et au kidnapping, de très saines passions, avec l’extraordinaire 365 Dni, chef d’œuvre inoubliable. Il y a visiblement une forte demande pour le genre sulfureux, anciennement qualifié d’obscène.

On remonte cette fois aux origines du genre avec une dixième (oui oui, déjà) adaptation du roman éponyme de D. H. Lawrence, écrivain anglais qui tenta de publier son roman en 1928, mais mourus deux ans plus tard sans savoir qu’il aura fallu attendre 1932 pour une première publication, et que son pays d’origine aura réussi à en bloquer la parution sur son territoire jusqu’en 1960 tant le monde n’était visiblement pas prêt.

On y suit les tourments de Lady Chatterley (Emma Corrin), une aristocrate de bonne famille ayant épousé un très riche noble, mais qui malheureusement rentrera de la Première Guerre Mondiale en fauteuil roulant. Et qui dit paralysie des jambes, dit paralysie des parties génitales. Dans la fleur de l’âge, elle ne souhaitait clairement pas se morfondre dans une vie d’abstinence, et son mari ne le lui souhaitait pas non plus, y voyant là l’occasion de peut-être assurer indirectement sa descendance. En quête d’un bel étalon pour épancher sa libido, elle trouvera en le garde-chasse (Jack O’Connell) le parfait amant, loin de se douter de jusqu’où la fougue la portera.

Voici dont ce récit si transgressif et choquant qu’il a été interdit pendant plus de trois décennies ? Si brillant – et mal adapté par contre pour juger une nouvelle itération pertinente – qu’il fallait impérativement – et éternellement – à nouveau l’adapter ? Fait amusant d’ailleurs, la domestique protectrice et confidente de Lady Chatterley est interprétée par Joely Richardson, qui se trouve avoir campé ce même rôle dans un téléfilm en 1993. L’histoire m’a beaucoup fait penser à la romance entre Edith et le paysan vers la saison 3 ou 4 de Downton Abbey, eh puis il y avait surtout eu la benjamine des Crawley avec le chauffeur, donc le mélange des classes, une aristocrate avec un homme du bas peuple, le livre a peut-être été un précurseur en la matière, mais comme la dernière adaptation en date est de 2022, le thème n’a plus rien de novateur. L’époque est toujours agréable à s’y replonger, et la romance reste mignonne dans l’ensemble, donc on passe un plutôt bon moment, mais rien de mémorable ni spécialement sulfureux : c’est moins démonstratif que n’importe quel épisode de Outlander, et la pauvre Lady n’est pas très appétissante tant sa maigreur est maladive. C’était probablement une œuvre choquante et obscène à son époque, mais l’intérêt de la revisiter encore et encore n’a que peu de sens de nos jours, lui faisant presque frôler la vulgarité tant la nudité n’apporte pas grand chose, si ce n’est souligner l’obsession pour la chair au détriment du cœur, ce qui nuit au message romantique global.

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Le Procès Goldman


Le Procès Goldman
2023
Cédric Kahn

L’exercice de style qu’est le film de tribunal est une scène de théâtre où l’art oratoire est maître, où le charisme est un impératif du métier. Nombre de films du genre ont été d’immenses succès artistiques, notamment récemment avec la claque des Sept de Chicago, qui trouve là un sacré challenger dans le domaine du procès. Une année décidément exceptionnelle pour le cinéma français que la cuvée 2023.

Affaire qui avait secoué l’actualité des années 70 en France, le film s’intéresse à l’histoire vraie derrière le procès pour divers méfaits, notamment un double assassinat de deux jeunes pharmaciennes en 1969, dont le suspect était Pierre Goldman (Arieh Worthalter), un révolutionnaire et malfrat notoire. Reconnu coupable et condamné à perpétuité en première instance dans ce qu’il dénonce comme un simulacre de justice, il compte bien faire éclater la vérité avec la deuxième instance.

N’étant pas né à l’époque, je n’avais jamais entendu parlé de cette affaire, dans le fond assez « banale » : un braquage qui tourne mal, deux témoins éliminés, selon la partie civile, et un odieux double meurtre bien gratuitement attribué au premier malfrat venu sans l’ombre d’une preuve ou d’une vérité selon la défense. Certes, on parle d’un juif proche du mouvement révolutionnaire cubain, d’accointance avec des noirs des DOM-TOM, avec d’un certain point de vue le débat sur une forme d’antisémitisme et de racisme, mais c’est extrêmement secondaire, voir hors sujet. On est plus sur du délit de sale gueule, de petit con dont les méfaits ont tellement fatigué les forces de l’ordre que l’occasion de le foutre au trou était trop belle. Mais il semblerait que les années l’aient calmé, transformant le jeune turbulant avide de chaos en un homme confirmé, cultivé et jubilant de cette tribune pour en faire sa scène politique. Un personnage haut en couleurs, radical, qui n’a pas sa langue dans sa poche, qui ose, qui bouscule le politiquement correct et tape là où ça fait mal. Entre le jeu extraordinaire des acteurs, outre le fameux Golman qui mériterait tellement de remporté son César pour lequel il est nominé et les maître Kijman (Arthur Harari) et le président juge (Stéphan Guérin-Tillié) presque aussi bluffant, et aussi l’écriture ciselée des tirades mémorables, les joutes verbales sont d’une puissance infinie. Avant le verdict, la réplique « je ne voudrais pas de moi qu’on dise que j’ai agi comme un juif déclarant implicitement que ceux qui ne sont pas juifs n’ont pas le droit de penser qu’un juif soit un tueur, et s’ils le pensent c’est qu’ils sont antisémites » est d’un tel impact et d’une telle honnêteté intellectuelle que l’admiration n’en est que plus grande. Pas un temps mort, pas un témoignage non percutant, le rythme est maîtrisé de bout en bout. Même la réalisation est d’une rare pertinence : un 4:3 très resserré sur les personnages, et un choix de pellicule à l’ancienne pour nous plonger dans l’époque. Une histoire prenante, des personnage forts, des acteurs parfaits, des dialogues d’une rare intensité : un niveau de qualité comme on en voit que trop rarement.

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The Fabelmans


The Fabelmans
2023
Steven Spielberg

Projet des plus personnels pour le géant Steven Spielberg, s’attaquant ni plus ni moins qu’à sa propre histoire, en version quelque peu romancée d’après ses propres dires. L’idée de raconter le parcours de l’un des réalisateurs les plus renommés de l’histoire du cinéma, c’était particulièrement alléchant, et les critiques de la presse notamment furent quasiment unanimes pour le porter aux nus, mais l’ère post-covid est une catastrophe pour la légende, enchaînant coup sur coup deux des pires plantades de sa carrière, avec cette fois tout juste 43 M$ dans le monde, alors même que le film a frôlé la barre du million de spectateurs en France, c’est dire le niveau abyssal partout ailleurs…

Le jeune Steven Sam a grandi dans les années 40-50 en plein âge d’or d’Hollywood, se découvrant très jeune une passion pour le cinéma. Après avoir vu le premier film de sa vie au cinéma, stupéfié par le réalisme d’une scène de train percutant divers obstacles, il n’aura plus qu’une obsession : avoir son propre train miniature et y simuler le même genre de scène épique. A mesure qu’il va s’éveiller à la vie, il va également s’éveiller à l’art de la réalisation.

Les critiques adorent quand on parle de cinéma, alors quand un maître du genre nous sort une œuvre autobiographique, pas étonnant que toute l’industrie se soit à ce point enthousiasmée. Mais face à un échec commercial si violent, elle semble avoir fait machine arrière en cours de route, le film n’ayant reçu aucun prix aux Oscars malgré une dizaine de nominations. Il faut dire que si le film est dans l’ensemble une belle réussite avec son lot de pépites, dans ses bien trop longues 2h31 de métrage, nombre de passages sont soit trop communs, soit pas intéressants. On commence tout d’abord crescendo avec le film sur le train, puis on passe sur de la débrouillardise impressionnante avec l’attaque de la diligence, à carrément du film professionnel et abouti avec la séquence de guerre. Et quand le film parle de trou d’épingle pour simuler un flash, de coup de génie pour faire avec les moyens du bord, c’est à la fois impressionnant et inspirant. Voilà comment un tel génie a émergé. Seulement au milieu de tout ça, les problèmes familiaux avec la mère (Michelle Williams), le père (Paul Dano) et le meilleur ami (Seth Rogen) sont fades en comparaison, et le pire viendra en seconde moitié : on basculera dans du teen movie pas très inspiré, avec en prime un film de vacance pas passionnant. Il faudra attendre la toute fin pour avoir à nouveau un éclair de génie, cassage de quatrième mur, mais c’est faiblard. Si on enlève les clichés familiaux, la première moitié est incroyable, montrant tout le génie créatif et l’envers du décor de façon brillante, mais la seconde moitié est convenue, voir ennuyeuse par moments. Dommage que tout le film ne se soit pas concentré sur les projets créatifs, on aurait eu là un projet autrement plus palpitant.

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Mon Inconnue


Mon Inconnue
2019
Hugo Gélin

Il y a les bons et les mauvais remakes. On parle souvent des films français adaptés aux Etats-Unis, mais l’inverse est aussi vrai. Comme pour Camille Redouble, remake minable du très bon Peggy Sue s’est mariée, on va là aussi voyager dans une réalité alternative « et si ? », en reprenant le principe mais sans être complètement un remake de Family Man, mais pour cette fois proposer quelque chose de plus abouti, et pas une simple repompée plan pour plan. Je ne dirais jamais assez de mal de Camille Redouble, remake le plus fainéant et honteux qu’il m’ait été donné de voir, et c’est d’autant plus agréable de voir un film réussir avec panache dans le périlleux exercice du remake.

Raphaël (François Civil) et Olivia (Joséphine Japy) ont eu le coup de foudre au lycée, puis sont restés ensemble dix ans durant. Elle était promise à une belle carrière de pianiste, lui rêvait de percer comme écrivain, et en une décennie les choses se sont inversées : Olivia a vu sa carrière décliner, n’étant plus qu’une simple professeur de piano vivant surtout sur l’immense succès de son mari, dont le dernier roman est un carton phénoménal. Il enchaîne les plateaux, les interviews et rendez-vous mondains, et elle reste à la maison à l’attendre, sombrant en dépression. Un soir le couple va se déchirer entre jalousie et manque d’attention, au point de remettre en question leur amour. Le lendemain au réveil, Raphaël va basculer dans une réalité alternative où il n’a jamais fini son roman, étant simple professeur comme son ami Félix (Benjamin Lavernhe), mais où surtout il n’a jamais rencontré Olivia, désormais célèbre pianiste.

Pour 90% du scénario, on a là vraiment un remake de Family Man : un homme ayant fait fortune bascule dans une réalité où il n’a jamais percé, mais pour mieux y apprendre les priorités de la vie, comprendre l’importance de ce qu’il a perdu, mais surtout ce à côté de quoi il est passé, sauf que là il est fautif d’avoir laissé les choses se détériorer, et il sera plutôt question de raviver sa propre flamme que de découvrir l’amour, déjà présent à la base. Et il faut bien dire que le film fait tout mieux que Family Man : les relations sont mieux développées, le personnage principal est beaucoup moins obnubilé par une richesse illusoire usante, la romance est plus belle, moins facile, et surtout le film ose. Le concept est plus maîtrisé et se permet d’aller plus loin. Drôle, touchant, émouvant, le film nous emporte. Une grande réussite, tout simplement.

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Le Règne animal


Le Règne animal
2023
Thomas Cailley

Le cinéma fantastique est des plus rares en France, et c’est logique tant les investisseurs ont de quoi être frileux : les quasi seuls films rentables en France sont des comédies, pour peu qu’on les trouve au milieu de toutes les productions américaines qui trustent le haut des charts (dans le top 30 de 2023, en dehors des comédies françaises, films d’animation ou blockbusters américains, seuls deux films d’aventures français, et tout en bas du classement Anatomie d’une chute, l’anomalie). Malgré des critiques dithyrambiques, des vacances de la Toussaint très favorables permettant un maintient quasi parfait un mois durant, Le Règne animal a su arracher un succès d’estime, mais ne déroge pas à la règle : 1,1 millions d’entrées pour 16 millions d’euros de budget, soit la moitié de ce qu’il aurait dû faire pour atteindre l’équilibre. Si la démarche d’un tel projet est louable, il faut dire que le résultat n’est clairement pas tout public.

Et si la nature animale de l’homme se réveillait ? C’est justement le fléau qui ravage l’humanité : une mutation d’origine inconnue plonge notre monde dans le chaos en transformant certaines personnes en bêtes, jusqu’à perdre toute notion de civilisation. Pour rester proche de sa femme qui a subit ce changement, François (Romain Duris) va partir dans le Sud de la France avec son fils (Paul Kircher) pour se rapprocher d’elle, un centre pour « monstres » y ayant ouvert.

J’avais clairement envie d’y croire et de donner raison à l’engouement général, et par principe il faut encourager ce genre d’ambition qui ne peut qu’enrichir le paysage cinématographique. Et par bien des aspects, le film est une franche réussite, revisitant le mythe d’un monde divisé à la X-Men à la sauce « retour à la nature ». L’amourette du fils touchante, les effets spéciaux dans l’ensemble plutôt convaincants, et il faut saluer le travail sur la musique, littéralement haletante. Pour autant, beaucoup de points m’ont dérangé : pas d’explications sur le pourquoi du comment, une Adèle Exarchopoulos d’habitude parfaite mais cette fois carrément effacée, l’évolution physique de la mutation est trop peu traitée (on a soit les premiers symptômes, soit une forme déjà totale), des soucis de rythme (peu de changements, puis une accélération très brutale en toute fin) ou encore une foire aux monstres assez glauque (on se croirait dans Splice par moments) dans sa direction artistique, créant quelques soucis de débat. Là où X-Men était plus un film politique faisant écho à la Guerre Froide où deux camps pas vraiment identifiés ont peur d’une force qui les dépasse ou qu’ils souhaiteraient contrôler, justifiant à la fois la peur de se dévoiler d’un côté et la peur de citoyens dangereux de l’autre, le bilan est ici inversé. Alors même que toute forme d’humanité semble disparaître au bout d’un moment chez la personne mutante, il semblerait que ce retour à la nature soit quasi euphorique. Mais de fait, cette déshumanisation les rend dangereux, et c’est prouvé à plusieurs reprises, justifiant les appréhension de beaucoup, or le film le traite comme du racisme. Donc soit le film ne comprend pas ce qu’il fait, soit il le fait mal, mais dans les deux cas c’est incohérent. Il est bon de vouloir proposer quelque chose de radicalement différent dans une industrie française trop précautionneuse, mais j’ai eu un peu de mal à rentrer dedans.

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Cargo


Cargo
2018
Ben Howling, Yolanda Ramke

Film australien estampillé Netflix, on nous propose ici ce que l’on appelle une aventure à échelle humaine, ou plus exactement du post-apo zombie mais minimaliste, se concentrant sur un père (incarné par Martin Freeman) et son enfant. Négligente, la mère se sera fait mordre, et en cherchant de potentiels secours, la famille subira un accident de voiture, tuant la mère, qui de fait deviendra zombie, puis mordra le père, qui n’a donc plus que 48 heures à vivre « normalement », et va donc se donner pour mission de trouver un foyer pour sa fille avant qu’il ne soit trop tard.

Le postulat du film est assez affligeant : connerie sur connerie, amenant un tout jeune bébé à la certitude de devenir orpheline sous deux jours. On se retrouve un peu sur du scénario similaire à La Route, dans le sens où un père essaye de tenir bon dans un monde en ruines pour le bien de son enfant. Outre l’aspect émotionnel et psychologique que représente l’avancement inexorable d’une maladie destructrice pour l’esprit, la principale carte maîtresse du film sera son rapport avec la nature australienne, ces paysages peu représentés au cinéma, et cet aspect mythologique de la tribu locale. Cela donne un semblant de caché et d’originalité sur la forme, et on se raccroche à ce que l’on peut vu que le reste est classique au possible, loin de la violence d’un 28 jours plus tard ou des dérives de Waterworld. Un film assez lambda et peu marquant donc, à l’image des productions dites de consommation issus de Netflix, mais qui se laissent regarder.

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Killers of the Flower Moon


Killers of the Flower Moon
2023
Martin Scorsese

Je dois avouer que je ne suis pas du tout un grand connaisseur du cinéma du porté aux nus Martin Scorsese, ayant pourtant très largement apprécié l’intégralité de ses films vus aux cours des quinze dernières années, notamment Gangs of New-York qui est jusqu’à présent mon préféré pour sa façon de raconter un pan de la grande histoire au travers de personnages à taille humaine. Il faut dire que le bougre a la fâcheuse tendance à se perdre dans des narrations flirtant voir dépassant les trois heures, et qu’avec carrément près de trois heures trente dans le cas présent, il m’aura fallu cumuler quatre jours de temps libre, c’est dire.

L’intrigue nous plongera au cœurs des années 1920, alors que la ville d’Osage County connaît une vague de meurtre à cause du pire des fléaux : l’envie. Terre bénie débordant de pétrole, elle aura fait de ses habitants amérindiens les personnes les plus riches de la planète, et dans une époque où l’homme blanc était censé tout posséder, se retrouver à jouer les larbins pour des pachas avec des plumes, ça ne passait pas. Shérif du conté, William Hale (Robert De Niro) avait déjà commencé un grand nettoyage en faisant tuer à tour de bras les locaux, se servant ensuite de son autorité pour étouffer toute forme d’enquête. Mais au retour de son neveu Ernest (Leonardo DiCaprio), son plan allait enfin trouver une pleine solution pour mettre la main sur l’argent des peaux-rouges : le pousser dans les bras d’une Osage pur sang, Mollie (Lily Gladstone), pour faire en sorte que l’argent retombe dans sa famille.

Dès le début, le film m’a pleinement cueilli, au point de crier un peu trop vite au chef d’œuvre absolu. L’idée d’un racisme décomplexé embrassant à la fois le judaïsme, le kkk et carrément la franc-maçonnerie, c’est du génie. Magouilles et compagnies, en mode ordures totales adeptes des coups de couteaux dans le dos, c’est d’un niveau de monstruosité juste parfait. Avec en plus un Leonardo DiCaprio demeuré à contre-emploi mais brillant toujours, dont la romance forcée est en fait assez mignonne, car même dans la saloperie, un semblant d’honnêteté et d’intégrité peut apparaître sans crier gare, et on sentirait presque le personnage se retourner pour vérifier si ça vient bien de lui ou que son oncle ne va pas lui taper dessus pour réellement éprouver des sentiments pour son quasi mariage forcé. Mieux encore, le film sera redynamisé à deux reprises avec l’arrivée de Tom White (Jesse Plemons), venant mettre un bon gros coup de pression, puis le jeu de joute et de sauvetage de plumes avec John Lithgow et Brendan Fraser. Alors oui, près de 3h30, c’est une épreuve, mais le film se suit assez bien, du fait aussi des prestations remarquables, déjà saluées dans la plupart des cérémonies, surtout Lily Gladstone, ultra favorite dans la course aux Oscars. En revanche, histoire vraie oblige, certains pans de la vérité déçoivent pour la toute fin, et pour ma part, le passage méta remplaçant les habituels panneaux de texte est une purge, cassant l’immersion. Petit mot également sur le budget aberrant de 200M$, classant directement le film dans le top 10 des plus gros flops de l’histoire du cinéma : il faut arrêter de filer 50 M$ à chaque grosse tête d’affiche et de laisser un homme de plus de 80 ans seul aux commandes, prenant sept mois à tourner un film quand la moyenne est de trois semaines. Bref, une histoire très prenante, un grand savoir-faire pour un résultat vraiment excellent, sans pour autant marquer outre mesure.

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Kingdom Hearts III


Kingdom Hearts III
2019
PS4

On aurait tendance à dire que le jeu s’est fait attendre 14 ans puisque Kingdom Hearts II est sorti en 2005, mais ça serait oublier tout ce qui est sorti entre-temps. Car non, le jeu apportait une « fin » aux aventures de Sora, et l’histoire annoncée à la fin était celle de Birth By Sleep, sorti pour sa part en 2010. Il aura fallu attendre ensuite 2017 pour avoir un semblant de suite aux errances de Ven, Aqua et Terra avec II.8, puis ce troisième opus, mais un opus majeur est sorti en 2012 : Dreams Drop Distance, vraie suite de la saga principale avec l’examen de Maître Keyblade pour Sora et Riku. Et autant dire qu’avec les remix / remake / compilation I.5, II.5 et II.8 sortis entre 2013 et 2017, les fans de la saga ont eu de quoi faire. Oui mais voilà, fini de s’éparpiller, de multiplier les projets annexes, il était grand temps de faire se croiser tous les chemins, tâche aussi ambitieuse que périlleuse à laquelle était confronté ce Kingdom Hearts III, que j’ai enfin pu découvrir avec cinq ans de retard.

Graphismes : 17/20

Point assez difficile à juger tant le jeu est disparate, et mon point de comparaison sera surtout Final Fantasy VII R, assez supérieur sur pratiquement tous les points. Tournant aussi sous l’Unreal Engine 4, le jeu n’a pas la même ambition réaliste, affichant des décors moins fournis, et surtout des personnages plus cartoonesques avec des animations faciales frôlant souvent la fameuse vallée de l’étrange. Certes, la direction artistique est marquée, mais le jeu est assez inégal. On trouvera l’Olympe à se damner, faisant défiler des panoramas incroyables, les Caraïbes sont de toute beauté (point pourtant plutôt raté dans Kingdom Hearts II, on revient de loin, le pire univers du second devient le meilleur du troisième) et on sera surtout sur le cul face à la fin du monde ou Scala ad Caelum (quelle tristesse que de ne pas s’y attarder), mais le reste est au mieux oubliable. Le moteur est capable de merveilles, mais probablement à cause du manque d’intérêt des univers choisis, le résultat n’est pas la claque de tous les instants qu’il aurait pu être. A noter aussi les balades en Gummi, pas beaucoup plus évolués en 14 ans et deux consoles d’écart (voir trois avec le boost PS5), c’est quand même dommage. Au moins le jeu est d’une fluidité incroyable, ultra dynamique, virevoltant et sans jamais le moindre lag.

Gameplay : 15/20

La masterclass du second semble loin malgré l’envie d’en faire un jeu monde avec absolument tout, ou presque. Les commandes visées issues de Birth By Sleep font plaisir, les changements de forme inspirées par ce dernier également, mais les invocations sont toujours inutiles, les liens ramenant les créatures de Dreams Drop Distance bof, les manèges contextuels sont trop forts et cassent le rythme, et tout le reste est Kingdom Hearts II en moins bien. Difficile de trouver les magies puissantes quand les trois protagonistes de Birth By Sleep lâchaient des sorts destructeurs autrement plus puissants. La fusion de commandes et le Monopoli manquent tellement… Le sentiment de puissance est bien plus faible, comme si Sora régressait continuellement, n’ayant aucune fusion à offrir, et ce qui s’en rapproche est post-game ou en DLC. Triste. La course libre donnerait une bonne verticalité si ça ne faisait pas au détriment de la cohérence des décors (bravo les zones en surbrillance… ) et que le level design n’était pas si honnêtement mauvais. Qui dit plus grandes maps dit beaucoup de vide, de temps perdu, d’exploration laborieuse. Certes, sur l’univers de Pirates des Caraïbes, l’exploration est très appréciable, mais pour tous les autres ce fut plus une corvée qu’autre chose, et là où il me manquait une toute petite poignée de coffre sur l’ensemble du jeu Kingdom Hearts II, c’est pour près d’une centaine que j’ai dû regarder la soluce pour les trouver, et il m’aurait manqué près du tiers des emblèmes fétiches sans également, dont la moitié était déjà dû à un coup de chance. Terminons avec les balades en vaisseau Gummi : on regrettera amèrement celles du modèle absolu, Kingdom Hearts II. Cartes infinies, bordéliques, vaisseau à la maniabilité catastrophique, missions nulles sans grandiose : rien ne va, une tannée. Même les mini-jeux de game and watch étaient plus funs… On part sur des bases tellement solides que le jeu reste dans l’ensemble très agréable, mais tout est trop foutraque, moins poussé à force de trop tout vouloir faire, et les absences comme les fusions sont dommageables.

Durée de vie : 17/20

J’aurais tendance à dire que l’équilibre est bon : comme le jeu est plutôt facile, on peut foncer et finir en environs 25 heures. Si l’on veut tout explorer et finir le plus accessible, en 40 heures on pourra avoir débloqué les deux tiers des trophées. Au delà, le platine est débile à aller chercher entre les photos, mini-jeux et cuisine, sans compter la forge plus difficile que jamais tant elle n’est naturellement pas possible à compléter. Pour un RPG si dense, c’est une durée de vie très bonne dans les deux cas, que ce soit pour les acharnés ou ceux qui veulent parcourir rapidement l’univers.

Bande son : 16/20

Ô drame, ô infamie ! Déjà enlevée des compilations, la VF apportait tellement aux deux premiers opus sur PS2. Personne ne regarde les Disney en VO, donc nous avons tous grandi avec les voix des doubleurs iconiques français. Ne pas les retrouver enlève beaucoup de l’intérêt de parcourir les univers des classiques de l’animation – ou non d’ailleurs, et Star Wars est confirmé pour la suite – donc c’est assurément un gros point noir. D’un autre côté, j’avais déjà revu les Pirates des Caraïbes en VO, et rejoué aux précédents jeux sur les compilations en VO, donc l’habitude commence à se faire, mais c’est tellement dommage. Concernant les thèmes musicaux, c’est évidemment incroyable, avec enfin une relève à Simple and Clean. Il était temps !

Scénario : 16/20

Seul point sur lequel cet opus est incontestablement le meilleur. Toujours trop dilué et surtout présent en toute fin des jeux, le lore est ici présent dès le début, avec de nouveaux éléments tout du long comme les différentes quêtes pour ramener les sept protecteurs de la lumière. Dès que l’on quitte un monde, on aura soit une avancée sur la récupération d’Aqua, soit sur Roxas / Naminé (d’ailleurs seul simili dont le nom n’est pas un anagramme de l’humain d’origine avec le X d’union), soit sur l’entraînement de Lea et Kairi. En parlant de Lea, sa quête d’identité est touchante, se demandant si Axel n’était pas tout autant lui. Tout avance continuellement jusqu’à un final orgasmique de croisement ultime de tous les chemins, du pur bonheur. Les joueurs de X chi ont dû pleurer en voyant leurs pseudos défiler lors de l’invocation des anciens maîtres de la première guerre d’antan. En revanche, les univers Disney parcourus sont parmi les plus oubliables jamais traversés. Sans vouloir gâcher la potentielle surprise de certains hormis le déjà cité Pirates des Caraïbes et l’incontournable Hercule, mais sans Colysée malheureusement, aucun autre ne mérite qu’on s’y attarde, très frustrant. Espérons des choix plus ambitieux la prochaine fois.

Note générale : 16/20

On espérait le jeu ultime, mais ça ne sera au final qu’une très bonne cuvée, n’arrivant pas à égaler l’excellence du modèle Kingdom Hearts II, encore et toujours. Le jeu se veut d’une générosité monstre, voulant tout y incorporer, faire tout plus grand. Pour l’histoire principale, c’est un oui absolu, pour le reste, c’est juste le bordel. Le système de combat est parfois illisible, à l’image des décors trop grands, trop fournis, juste trop. On est submergé de commandes contextuelles triangle, la plupart sont abusives et cassent le rythme. Le level design nous perd, et la plupart du temps ça n’est pas agréable dans la mesure où le catalogue de mondes traversés est le plus pauvre des trois jeux principaux. A une exception près, trois autres correctes, les autres sont vides ou oubliables. Pire, parcourir ces mondes de notre enfance n’a plus la même saveur sans la VF qui allait avec. Le concept de base était de mélanger l’univers de Final Fantasy et Disney. Quel terrible constat d’échec que de voir que les personnages de Square Enix ont été tous supprimés et que les mondes de Disney sont devenus parfois un fardeau. Sur ce dernier point, le choix de la sélection est le seul fautif, le potentiel reste immense sur cet aspect, reste à se montrer plus pertinent. Annoncé il y a presque deux ans pour une sortie à horizon 2025-2026, Kingdom Hearts IV garde toutes les cartes en mains pour enfin mettre tout le monde d’accord, à voir s’ils feront les bons choix.

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Élémentaire


Élémentaire
2023
Peter Sohn

Sans parler de « succes story », le score final du film était totalement imprévisible à ses débuts. Doté d’un budget massif de 200 M$, le film n’en avait récolté que 29,5 M$ sur son premier weekend aux Etats-Unis, et même moins que ça dans le reste du monde, laissant présager une fin de carrière cataclysmique vers les 150 M$ quand le seuil de rentabilité était d’environs 500 M$ (du fait des coûts marketing non compris dans le budgets, mais surtout des frais de distribution, car les scores annoncés ne les prennent pas en compte). Certes aidé par un été désertique en matière de cinéma d’animation ou plus généralement de film familial, le maintient fut tout simplement le meilleur de la décennie en la matière, passant d’un minable quatre cent mille entrées en France (ce qui aurait dû le faire ramer pour passer la barre du million) à plus de 3,3 millions de spectateurs, et au niveau mondial, l’impossible rentabilité fut à un cheveux d’arriver avec 496 M$. Et entre les sorties physiques, VOD, Disney+, télé et produits dérivés, autant dire que commercialement le projet revient de loin, passant de bide gigantesque à succès modéré, mais réel. De quoi donner envie de se pencher dessus.

Le film nous plonge dans un univers où se mêlent les quatre éléments : l’eau, la terre, le feu et l’air. L’histoire se concentre sur la famille Lumen, de type feu, qui a débarqué à Elementalcity il y a quelques décennies pour échapper aux terribles tempêtes de Flammeville. Jeune femme censée reprendre le magasin familial, Flam (Adèle Exarchopoulos) va un jour faire la rencontre impromptue de Flack (Vincent Lacoste), un élémentaire de type eau, qui menacera de faire fermer leur magasin. Un problème qui pourrait être en fait bien plus qu’un élément perturbateur.

J’avoue que le projet ne m’emballait pas du tout : l’idée des quatre éléments devient vite chaotique quand se pose la question de la cohérence, et graphiquement le style me semblait raté. Et effectivement, si on fait abstraction des décors superbement modélisés, il n’y a guère que les éléments de feu qui soient pas mal inspirés (on sent une vibe très Maghreb), le reste étant assez médiocre. Une technique impressionnante, mais au service d’une direction artistique insipide, voir mauvaise pour la plupart des personnages en dehors de ceux de feu. Côté histoire, c’est classique à outrance, sans grand enjeux ni méchants, glissant sur un fil prévisible au possible. C’est néanmoins mignon par moments, la poésie finie par nous emporter, mais rien de vraiment marquant. On notera au passage que Adèle Exarchopoulos a décidément un talent fou, brillant même dans l’art du doublage, bien que Vincent Lacoste soit aussi très bon en looser débile au grand cœur. Un petit mot tout de même concernant la musique, pas incroyable mais qui a le mérite d’être originale, dont les sonorités quasi indiennes rajoutent à ce gloubi-boulga culturel dont la mixité est décidément au centre du récit. Pour ma part, un peu trop lambda tant au niveau de la DA que de son histoire, mais le film ne démérite pas et sera sans doutes très apprécié des plus petits.

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