La Belle époque


La Belle époque
2019
Nicolas Bedos

Partant avec un mauvais à priori sur l’homme entre son père qui m’a toujours insupporté, et lui dont les interventions télévisuelles laissaient paraître un homme froid et atrocement hautain, le film ne partait pas gagnant. Alors certes, le long-métrage avait fait pas mal parler, jouissant d’excellentes critiques aboutissant à un joli succès (près de 1,3 millions d’entrées), mais pas assez pour réellement faire passer le cap du visionnage. Mais voilà, ce faisait parti des films notés « pour plus tard », et que j’avais pratiquement fini par en oublier l’existence. Puis vint un soir à la télévision.

Semblant presque être un préquel à la toute meilleure série de l’histoire, Westworld, le film part d’un principe similaire, mais transposé avec les moyens d’aujourd’hui. Antoine (Guillaume Canet) est ce qu’on appelle un vendeur de nostalgie, de rêves, mais réels. Disposant de locaux aménageables à l’image de studios de cinéma de grande ampleur, il possède tout, peut tout créer et mettre en scène selon les envies, grâce à des costumiers, décorateurs et acteurs. Vous voulez vivre une soirée à la Downton Abbey ? C’est possible. Revivre la fougue des années 60 ? Tout est faisable, il suffit d’y mettre le prix. Une passion pour redonner vie au passé qui va trouver un écho formidable en son mentor, l’homme qui a fait de lui celui qu’il est devenu : Victor (Daniel Auteuil). Père d’un de ses amis d’enfance qu’il a toujours admiré, de le voir en pleine dépression face à un monde moderne de plus en plus triste, à une femme l’ayant quitté, il va décider de lui redonner goût à la vie en le plongeant dans la période la plus heureuse qu’il n’ait jamais connu : les années 70, où il était jeune, heureux, et rencontrant tout juste l’amour de sa vie.

Le principe est juste génial. Certes, pouvoir faire tout ce que l’on veut, y compris tuer ou violer des gens comme dans Westworld serait l’étape ultime, mais nécessitant de fait de faux humains synthétiques, donc voir comment on pourrait déjà dans la pratique à l’heure actuelle proposer ce genre de plongée, c’est juste incroyable. Eh puis cessons la mauvaise fois deux minutes. Oui, on a aujourd’hui tous les progrès technologiques et médicaux, mais ça n’est que poudre aux yeux face au plaisir de vivre, qui paraissait si simple et naturel il n’y a encore pas si longtemps. Donc oui, qui ne rêverait pas de pouvoir s’y replonger ? Le film le fait avec tellement de justesse, de noblesse, de poésie, et le casting est incroyable, chaque acteur jouant à la perfection. Un fait évident pour des vétérans comme Fanny Ardant, Pierre Arditi ou Denis Podalydès, mais Doria Tillier est une fabuleuse révélation, participant d’autant plus à cette fascination nostalgique. La mise en scène est réussie, le scénario est bien pensé, nous surprenant toujours sur le niveau de perfectionnisme. Alors oui, l’histoire reste assez simple, mais son charme nous emporte totalement et il faut saluer une telle originalité si qualitative dans le paysage cinématographique français.

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L’Incroyable Voyage à San Francisco


L’Incroyable Voyage à San Francisco
1996
David R. Ellis

Il est vrai que si L’Incroyable Voyage était un petit bijoux d’aventure, d’émotion et d’humour, il fut aussi un bon succès commercial, avec notamment près de 42 M$ aux Etats-Unis et huit cent mille entrées en France. Même si l’histoire ne s’y prêtait pas forcément, l’idée d’une suite pouvait se poser, et l’axe était tout trouvé : le pitch du premier film était-il justifié ? Autrement dit, des animaux peuvent-ils s’épanouir dans une grande ville comme San Francisco ? Oui mais non, refaisons plutôt un quasi remake dans la « belle » tradition des Maman j’ai encore raté l’avion

Qu’est-ce qui a fait le succès du premier film ? Les animaux s’échappent et doivent survivre en milieu hostile. Eh bien voilà que cette fois, alors qu’ils partaient bien en voyage avec leurs maîtres, ayant peur de la cage dans laquelle Chance devait faire son voyage, ce dernier va croire que c’est bien le retour à la fourrière pour lui, et va préférer se faire la malle. Sachant qu’il ne survivrait pas seul, Shadow et Sassy vont alors s’évader à leur tour.

Quand je dis que le film nous fait une Maman j’ai encore raté l’avion, c’est que vraiment on assiste à un quasi remake du premier film, à ceci près qu’on troque les magnifiques paysages par de l’urbanisme terne. Pire, et j’ai même cru pendant longtemps que le film était une suite au rabais, dans la tradition des sous-production atterrissant directement en support physique sans passer par la case cinéma, puisque la VF est tout simplement rebootée. Exit le casting de prestige, et je n’ai pas tenu cinq minutes, préférant basculer sur la VO où Michael J. Fox reprend bien son rôle de Chance, seul Shadow ayant changé en VO, faute au décès de son doubleur. Et pourtant, il s’agit bien d’un film étant sorti en salles, ayant même fait un score pas si déshonorant (la seule donnée étant celle des US où il retenu les 3/4 du public du premier film avec près de 33 M$ au compteur). Et passé la consternation de la VF bien moins reluisante, et cassant la continuité, de même que le manque de ressemblance entre le Chance du premier film (avec des tâches noires) et celui du second film (bien plus marron et avec un museau bien différent) ou encore la trop grande similitude dans les péripéties (évasion, le coup du grillage, sauvetage, suspense sur le retour, réutilisation parfois abusive du mythique thème musical du premier film), le film n’est pas non plus une catastrophe. Michael J. Fox fait le taf, donnant beaucoup d’énergie dans son interprétation, l’humour marche pas trop mal, et puis surtout cette suite trouve un argument imparable pour à nouveau faire battre notre petit cœur fragile : Delilah (Carla Gugino). Chienne sauvage qui n’a jamais connu le bonheur d’une adoption humaine, elle est assurément l’atout charme de cette suite. Suffisant pour relancer à elle seule tout l’intérêt ? Non, mais elle permet d’éviter le naufrage, ce qui est déjà beaucoup.

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L’Incroyable Voyage


L’Incroyable Voyage
1993
Duwayne Dunham

Sans l’ombre d’un doute, il s’agit sans conteste de l’un des films les plus marquants de ma jeunesse et de bon nombre (tous ?) des enfants nés depuis les années 80. Un grand classique des films familiaux Disney comme on semble ne plus savoir en faire, et impossible de penser à ce film sans être envahis par cette aura nostalgique si réconfortante. Mais comme toujours avec ce genre de doudou du passé, intouchable dans notre esprit, est-il réellement et toujours ce vibrant film qui autrefois nous faisait fondre en larmes devant des animaux si attendrissants ? Oui.

Inspiré librement d’histoires sur le fameux sixième sens d’animaux capables de retrouver leur chemin sur plusieurs centaines de kilomètres, le film nous raconte la folle aventure de trois animaux de compagnie : Shadow (Jean Réno), Chance (Christian Clavier) et Sassy (Valérie Lemercier). Alors que le père va devoir partir pour une mission à San Francisco, pensant que la ville n’est pas faites pour les animaux et que le séjour ne serait que temporaire, il va choisir de confier les chiens des fils et le chat de la fille de sa nouvelle femme à un ranch. Mais persuadés d’avoir été oubliés et que leurs maîtres avaient besoin d’eux, les trois animaux vont se mettre en tête de traverser les rocheuses pour les rejoindre.

Plus que Man Vs Wild, on a là trois animaux de compagnie sans défense face à l’immensité des montages américaines, avec tous les dangers, que ce soit, la distance, les conditions terribles ou les prédateurs. Dans ce film d’aventure mettant en vedette des animaux animés par l’amour de leurs maîtres, on parcourra toute la richesse des paysages américains dans une odyssée visuellement superbe, et portée par une grande musique vraiment magnifique. Et plus que cela, le casting vocal a été le pilier du succès du long-métrage, que ce soit aux Etats-Unis où Michael J. Fox prêtait sa voix à Chance, mais surtout en France où trois des plus grands noms de l’époque ont rendu ce voyage encore plus incroyable, avec des dialogues accrocheurs, drôles, mémorables. Parfois un peu trop rocambolesque, l’histoire reste potentiellement crédible sur certains points, et globalement on sera tellement happé par les personnages et leurs péripéties qu’on excusera les quelques coïncidences et folies. Même presque 20 ans plus tard, de par la beauté de l’histoire, la qualité d’écriture des dialogues et une VF mythique, le charme est toujours aussi fou et j’espère que ce film continuera de marquer les enfances de nombreuses générations.

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Thor Love And Thunder


Thor Love And Thunder
2022
Taika Waititi

Dire que le film était attendu serait un doux euphémisme. Après la douche froide qu’a été la suite de Doctor Strange qui promettait beaucoup trop et ne faisait quasi rien, Marvel n’avait pas le droit à l’erreur, et c’est pour ça que suite à l’excellent succès commercial de Thor Ragnarok, il a été confié à son réalisateur un quatrième opus pour le dieu nordique, une première dans le MCU alors que la liste des postulants pour avoir droit à son film ne cesse de s’allonger. Vu le nombre de protagonistes grossissant toujours plus avec de nouvelles franchises adaptées et des séries sur Disney+ qui espèrent passer un jour par la case cinéma, avant que le film ne sorte, les chances de voir le dieu de la foudre prospérer ad vitam aeternam et avoir encore et toujours d’autres films solo étaient quasi nulles, donc il fallait un bouquet final magistral, et entre l’un des meilleurs comics adapté et un budget pharaonique de 250 M$, sans compter des bande-annonce clairement prometteuses, malgré une phase IV très certainement la pire de toutes jusqu’à présent, l’espoir de voir l’un des tous meilleurs films du MCU était bien là. Trop comme toujours.

Mesdames et messieurs, tremblez car voici l’une des plus grandes menaces de toute l’histoire des comics : le surpuissant et déterminé Gorr (Christian Bale), le boucher des dieux. Après avoir imploré ses dieux de sauver sa fille (pas de femme ici), à la mort de cette dernière, le simple et inoffensif Gorr va être choisi par la Nécrolame, la lame tueuse de dieux. Une épée qui s’est forgée elle-même dans la haine des dieux, et qui se nourrit de créatures mortelles partageant sa haine des dieux pour les posséder et que leurs mains deviennent celles qui abattront son courroux. Après avoir sillonné l’espace avec les Gardiens de la Galaxie (Peter Quill (Chris Pratt), Rocket-Raccoon (Bradley Cooper), Groot (Vin Diesel), Drax (Dave Bautista), Nebula (Karen Gillan) et Mantis (Pom Klementieff)) pour trouver un sens à sa vie, Thor (Chris Hemsworth) va apprendre que Gorr sillonne lui aussi l’espace en quête de dieux à tuer, et qu’il s’apprête à frapper New Asgard sur Terre, désormais protégée par Valkyrie (Tessa Thompson) et Jane Foster (Natalie Portman), devenue Mighty Thor.

Comme toujours, trop d’attente mène à une grande déception, et elle fut rude pour de nombreux fans du MCU, au point que le film a tout simplement les pires critiques en 29 films. Il faut dire que les sujets de mécontentement sont légions, et le ressenti est d’autant plus fort que le sujet risque de ne plus jamais être adapté du vivant de tous, car entre la hype autour des prochains projets et des annonces incroyables promettant un nouvel âge d’or en 2025, laissant encore une bonne décennie de profit avant peut-être un déclin hypothétique dans 20 ans, et il faudrait alors au moins 30 ou 40 ans pour voir le MCU être rebooté puisque les nouvelles têtes d’affiches sont très jeunes, voir des enfants, et que le comics sur Gorr le boucher des dieux est trop colossal pour être adapté dès l’épisode 1 ou 2, donc non, sauf grande surprise, personne ne verra une autre adaptation de son vivant.

Alors tout d’abord, en quoi est-ce un ratage ? Commençons avec Gorr : la menace est tout sauf palpable. Mise à part la scène d’ouverture dont on reparlera après, il ne tue tout simplement aucun dieu de tout le film, et ne fera qu’une seule attaque sur Terre, assez faiblarde, et ne ripostera que mollement deux fois suite à des assauts de Thor. C’est risible, il aurait fallu au minimum une ou deux attaques massives pour montrer toute sa violence, et pourquoi pas une scène de meurtre de masse avec la mort d’un personnage important, voir Thor lui-même (j’y étais préparé personnellement vu que la menace n’est pas loin d’égaler Thanos dans les comics). Ensuite, on a le cas des « Asgardiens de la Galaxie », un arc de reconstruction du bro-Thor vendu à la fin d’Avengers Endgame, et qui finalement sera balayé très vite ici, comme à peu près tout. La transformation de Jane en Migthy Thor aurait dû être un événement dantesque, et ce n’est pas le cas, la première transformation sera même coupée. Tout l’arc sur Omnipotencecity ne servira qu’à introduire Hercule, dont le père incarné par Russell Crowe est lamentable. L’incroyable passage en noir et blanc vendu comme le climax du film ne l’est pas, c’est une courte séquence peu épique, et pas de gros combat épique de tout le film d’ailleurs, aucun combat mémorable ou même un tant soit peu sympathique. De même, nombreux se sont plaint de l’humour, très marqué et ayant tendance à faire des ruptures de ton parfois déplacé.

Passez votre chemin, c’est donc une sombre merde ? Eh bien malgré tout ça, loin s’en faut même. Alors oui, Gorr n’a ni la puissance ni l’aura des comics, mais la scène d’ouverture est dantesque et Christian Bale fait un travail remarquable avec le peu de matière qu’il a. Honnêtement, s’il n’y avait pas la déception de la comparaison avec le comics, on serait sur un assez bon méchant du MCU, dans le top 10 des films sortis jusqu’alors. La disparition éclair des Gardiens de la Galaxie n’est pas si dérangeante, même si oui, on aurait aimé plus de complicité, et pourquoi pas les revoir venir aider lors d’un affrontement final. L’arc sur Jane est touchant, voir très bon lors de certains flashback, et il faut bien dire que le traitement de Mjolnir (le marteau) comme un vrai personnage, au même titre que Stormbreaker (la hâche) est un pur régal. Probablement ce que j’ai préféré du film tant l’humour est efficace, souvent juste à propos, et la relation entre Thor et ces armes est à la fois touchante, drôle, et importante par rapport au développement psychologique du personnage. C’est globalement riche visuellement, plein d’idées et dynamique, mais ça reste si dommage pour un tel potentiel non exploité, et pitié arrêtons avec la technologie pitoyable des murs écran, c’est peu détaillé et sans la moindre profondeur de champ, donc sans le moindre grandiose. On aurait dû avoir un chef-d’œuvre, on devra se contenter d’un bon film.

 

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Moonfall


Moonfall
2022
Roland Emmerich

Que se passe t-il avec Roland Emmerich ? Habitué des stratosphères du box-office, l’expert en films catastrophes a été couronné de succès pendant 13 ans entre 96 et 2009, de Independance Day à 2012. Depuis, c’est la descente aux enfers, ayant d’abord subit un coup du sort avec White House Down, sortant à peine quelques mois après le bien meilleur Chute de la Maison Blanche qui de fait avait un scénario pratiquement identique, annihilant l’intérêt des spectateurs. Ont suivi ID Resurgence, suite du mythe mais qui n’atteint pas la moitié des chiffres de l’orignal malgré 20 ans d’inflation (donc moins du tiers des entrées) et aussi Midway, un film de guerre qui fut là encore un échec commercial, et qui aurait pu être le pire de sa carrière sans ce dernier film en date. Environs 60M$ dans le monde en fin de carrière pour un budget avant marketing de 150M$, soit un déficit de près de 170M$ une fois enlevé les frais de distributions et ajouté les coûts de publicité.

Après les aliens, les dinosaures géants, le froid ou encore la liquéfaction de nos plaques tectoniques, la Terre va affronter une menace toujours plus grande, toujours plus folle : la Lune. En effet, une force mystérieuse semble propulser notre satellite tout droit vers notre planète. Les anciens astronautes Fowler et Harper (Halle Berry et Patrick Wilson) vont alors faire équipe avec le scientifique amateur Houseman (John Bradley) pour comprendre l’origine de l’imminent cataclysme et potentiellement sauver l’humanité.

Alors oui, comme d’habitude le scénario est une catastrophe absolue sur le plan scientifique, et on atteint des sommets de connerie en la matière. Oui, encore et toujours les personnages sont des stéréotypes en puissances d’un niveau de bravitude égal à un patriotisme des plus exacerbé. On pourrait prendre un carnet de note, réfléchir à tous les clichés les plus flingués du genre, les poncifs les plus éculés de l’histoire de la science-fiction, et ce serait assurément un grand chelem tant le film fait ce qu’on attend de lui à la nanoparticule près. Mais est-ce si consternant ? Est-on réellement en droit d’attendre autre chose de ce genre de film ? Le problème reste l’art et la manière, et plus le temps passe et plus la répétition devient pesante, sujette à la critique facile. Par rapport à il y a 20 ans en arrière, le spectateur n’est plus aussi facilement impressionnable, et pour du grand spectacle de destruction il faut aller bien au delà. Il paraîtrait que les sociétés d’effets spéciaux sont débordées de par les reports liés au covid, et que c’est pour cela que nombre de blockbusters récents déçoivent visuellement. Toujours est-il que nombre de fonds verts sont bien trop criards, comme si le film n’avait utilisé strictement aucun décors naturel et que chaque grand espace était numérique. Les sorties spatiales ne sont pas au niveau d’un Ad Astra, les séquences de destruction sont en dessous de 2012, et globalement le film manque ironiquement d’envergure. On reste sur du très grand spectacle assez jouissif par certains moments, mais pas assez impactant et l’écriture paresseuse fini par peser.

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Uncharted


Uncharted
2022
Ruben Fleischer

Qu’est-ce que serait une bonne adaptation de la saga de jeux-vidéo Uncharted ? Aucune idée, n’ayant jamais touché à un seul des jeux ni vu le moindre let’s play dessus. Et en vrai tant mieux, puisqu’importe la qualité des jeux, il est ici question de la version cinéma, qui se doit de se suffire à lui-même.

Orphelin ayant grandit en rêvant du récit de l’or perdu des espagnols conquistadors, Nathan Drake (Tom Holland) va avoir la chance de poursuivre ce rêve grâce à un certain Victor Sullivan (Mark Wahlberg), chasseur de trésors. Pour Nathan, c’était un rêve, pour lui c’est un projet en passe d’aboutir, mais pour ce faire il devra faire face à Moncada (Antonio Banderas) et Braddock (Tati Gabrielle), eux aussi sur la trace de l’or. Une piste qui les mènera tout d’abord à Barcelone où les attend Chloe Frazer (Sophia Ali).

Autant dire que la surprise est immense quand vient l’heure du constat. Annoncé en 2010 pour une sortie en 2012, le film a connu une bonne dizaine de réécritures, partant d’abord sur une adaptation avant de pencher pour un préquel, et ce ne sont pas moins de cinq réalisateurs qui furent rattaché au projet, et le casting lui-même changea plusieurs fois, notamment du fait du changement d’époque choisi. Souffrant d’une réputation de film maudit, reposant sur une saga populaire mais représentant le tiers des ventes des Tomb Raider à titre de comparaison, et sortant dans une période pas si facile, peu sont ceux qui auraient parié un billet sur le film. Et pourtant, peut-être porté par le succès historique de Spider-Man no way home créant de fait une certaines fan-base autour de l’acteur, le film a explosé les compteurs en frôlant les 400 M$ dans le monde. Une sacrée réussite et qui s’avère même totalement méritée car non seulement les films d’aventures à la Indiana Jones ou Benjamin Gates sont pratiquement inexistants dans le paysage cinématographique, mais c’est en plus une cuvée particulièrement bonne. La quête a une réelle envergure, on parle de plusieurs milliards en or avec du bon gros délire où ça part très loin avec des clés servant à tout dans des lieux historiques invraisemblablement passés entre les mailles des chercheurs, mais plus c’est gros plus ça passe et c’est justement du grand spectacle décomplexé qui fait plaisir. Beaucoup de décors réels, certains très impressionnants, on a la fameuse scène de l’avion, donc que ce soit le scénario ou la mise en scène, c’est réellement spectaculaire. Et côté acteurs, que ce soit l’écriture des personnages ou les performances, on sent des acteurs investis et décomplexés, charismatiques et rendant l’expérience vraiment fun. De l’aventure fraîche et décontractée comme on voit pour ainsi dire plus jamais et dont les rares représentant n’étaient pas toujours aussi efficaces, donc je ne peux que le conseiller.

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Doctor Strange in the Multiverse of Madness


Doctor Strange in the Multiverse of Madness
2022
Sam Raimi

Après Spider-Man no way home qui avait déchaîné les foules de par la possibilité officialisée qu’avec le multivers tous les rêves des fans pouvaient devenir réalité, le monde s’est tourné vers cette suite de Doctor Strange comme le futur messie absolu du MCU. Et pour cause, ce dernier se vendait comme l’exploration folle du multivers avec à la barre nulle autre que Sam Raimi à qui l’on doit la trilogie originelle de Spider-Man qui a révolutionné le milieu du cinéma grand spectacle en mettant en premier plan les super-héros. Une attente hallucinante donc, exultée par des rumeurs toutes plus folles les unes que les autres, laissant espérer, outre le grand spectacle, un multivers vraiment pleinement exploité, trouvant le prétexte ultime au plus grand déballage de fan service de tous les temps. Et évidemment, qui dit espoirs démesurés, dit terribles désillusions.

Faisant plus suite à la série Wandavision qu’à Doctor Strange étant donné que l’histoire de Mordo (Chiwetel Ejiofor) est balayée comme une simple blague, le film se concentre sur la détresse et le désespoir de Wanda Maximoff (Elizabeth Olsen), dévastée d’avoir perdu ses deux enfants (par contre aucune nouvelle de Vision, pourtant recréé et réinvesti de tous ses souvenirs, notamment sa femme Wanda). Porte spirituelle des autres univers, les rêves lui rappellent sans cesse que ces enfants existent toujours, mais dans des réalités alternatives. Pour les revoir, elle va se mettre en quête du pouvoir de America Chavez (Xochitl Gomez), capable de voyager dans le multivers. Pendant ce temps, Stephen Strange (Benedict Cumberbatch) va justement essayer de sauver la jeune fille des griffes de terribles monstres lancés à sa poursuite.

Place maintenant aux spoilers

Ce film aurait pu être dantesque, mais son écriture est catastrophique et son style a été pour moi un immense répulsif. On s’en doutait, la sorcière rouge allait bien devenir la méchante du film, et comme annoncé l’élite ultime, le conseil supérieur au dessus de tous les Avengers de tout le multivers, les Illuminatis sont là. On pourra reprocher l’absence d’empathie de Strange face à sa propre mort d’une réalité alternative, l’absence de réflexion ou d’écoute générale puisque probablement que America Chavez aurait pu aider Wanda à trouver un monde où ses enfants pleurent leur mère disparue, et tous les problèmes aurait été réglés. Mais autrement le début du film n’a pas grand chose de foncièrement regrettable, excepté le déluge d’effets spéciaux un peu facile et le manque d’inspiration en la matière. Que l’autre univers cherche à étudier avant toute chose et se prémunir de possibles virus ou bactéries d’un autre monde est louable, mais à partir de la présentation des Illuminatis le film n’a eu de cesse que de me décevoir. Alors que les rumeurs étaient une escalade aux retours tonitruants et guests hallucinants, la réalité est plus fade : l’équipe des Illuminatis est simplement composée d’un autre Mordo, d’une version Captain America de Peggy Carter (Hayley Atwell) déjà vue dans la série What if, d’une version Captain Marvel de Maria Rambeau (Lashana Lynch) du film Captain Marvel, d’un Black Bolt (Anson Mount) de la série normalement non canon d’ABC Les Inhumains, si mauvaise et décriée qu’elle fut annulée dès le premier tiers de sa première saison qui ne fera que 8 épisodes au final, de Mr Fantastic mais incarné par John Krasinski (donc aucun des deux protagonistes l’ayant incarné au cinéma avant), et enfin Charles Xavier (Patrick Stewart). Pas de suprême Iron Man ni Magneto donc, peut-être coupés au montage de part la durée finale inférieure de 22 minutes à la première durée annoncée, mais d’un certain point de vue tant mieux.

Rentrons donc pleinement dans l’énorme problème du film : son écriture mauvaise et la vacuité de son scénario. Passé l’introduction des Illuminatis, tout se met à partir en vrille. Moins de cinq minutes après leur introduction, alors qu’ils se présentaient comme la protection ultime de tous les multivers, que Wanda n’est pas un problème mais que Strange est lui une menace, l’équipe va aller à la rencontre de Wanda, venant de pénétrer le sanctuaire par la force. Faisant preuve d’une arrogance folle, les Illuminatis présentant Black Bolt comme l’arme absolu, Mr Fantastic comme le génie ultime, on va assister à un déchaînement d’une rare violence et d’un gore absolu, où tour à tour Wanda va faire exploser Black Bolt, réduire Mr Fantastic en morceaux et le décapiter avant de couper Peggy en deux et broyer le corps de Monica. Une scène surréaliste où l’élite du multivers va assister à la mort de chacun des ses membres sans une once d’émotion ou de frayeur, n’accordant aucune importance aux autres et ne prenant aucunement conscience ni du danger ni de l’écart phénoménal de puissance. Même Charles Xavier sera prit au piège de son propre jeu télépathique, subissant le même sort funeste. Sérieusement ? A quoi bon introduire une entité si importante dans cet univers, en dévoilant des personnages encore jamais vus dans ce MCU au cinéma, si c’est pour tous les faire mourir de façon atroce et totalement graphique littéralement cinq minutes après ?! Une déferlante de violence gratuite, de gore traumatisant, et tout le film laissera cette même impression de choc et de vacuité.

Le seul autre multivers exploré brièvement est celui apparu dans What if où Strange devient fou et provoque la destruction de son propre univers face à la mort inévitable de Christine Palmer (Rachel McAdams). Et là encore cela soulève le problème cross-média du MCU post Disney+ : il est désormais indispensable de regarder les séries, en l’occurrence Wandavision et What if, pour comprendre ce qu’il se passe. Et que penser de l’affrontement improbablement gagné par le Strange de notre univers face au sorcier ultime ayant absorbé tant de puissance ? Avec là encore, une violence graphique qui n’a pas sa place ici. N’étant pas fan d’horreur, le stress et l’angoisse n’étant pas des sensations agréables, y voir tant de références ne m’a étrangement pas plus. Et au final quel est le but du film ? Aucun : les deux seuls multivers explorés sont désormais condamnés sans que cela ne dérange qui que ce soit, et dans notre univers de base, mise à part quelques sous-fifres de Kamartage, rien à signaler, car nul doute que Wanda reviendra, ou alors c’est vraiment le pire traitement de personnage jamais vu. Et comme d’habitude, on nous tease encore et toujours la suite, cette fois avec Clea (Charlize Theron), nièce de Dormamu (que quoi ?). S’il faut bien reconnaître que America Chavez est un bon personnage, que l’action fuse, que la réalisation est nettement au dessus de la mêlée et qu’au niveau de l’ambiance le film ne ressemble à aucun autre du MCU, l’écriture est catastrophique, le style m’a personnellement totalement déplu, et si qualitativement c’est loin d’être le pire, face aux attentes et au potentiel incommensurable, la déception est immense et ce fut l’une des plus douloureuses séance cinéma de ma vie, et clairement je ne reverrais probablement jamais ce film.

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Spider-Man : No Way Home


Spider-Man: No Way Home
2021
Jon Watts

Le temps a un peu décanté, et alors que demain sort la tant attendue suite de Doctor Strange qui se veut comme un événement dantesque au sein du MCU, retour sur le précédent film de cet univers qui continue de marquer l’histoire du cinéma. Assurément la séance de cinéma la plus mémorable de ma vie de part les réactions euphoriques du public, le film a été un tournant majeur dans le retour en salle post-covid puisque non seulement il fut le premier a atteindre le milliard de dollars dans le monde depuis un an et demi, mais il a signé le second meilleur démarrage de l’histoire aux Etats-Unis et tutoie les deux milliards en fin de course sans même être sorti en Chine, ce qui de facto le place dans le reste du monde comme le troisième plus gros succès de l’histoire hors inflation (mais de fait de cette censure majeure ses 1,9 milliards le placent sixième). Reste que pour Sony, et ce même en tenant compte de l’inflation, le film est très largement leur plus grand succès historique. Mais pourquoi un tel engouement ?

Considérant que le film est sorti depuis près de six mois et que les réseaux sociaux ont largement dissipés les surprises depuis, la suite de cette critique va comporter nombre de spoilers, donc soyez prévenus. Avant même de parler du film, parlons de son marketing, un tour de force sans commune mesure. Alors que le personnage est une figure de proue du MCU, les deux premiers opus ont quelque peu déçu, ne comptant pas parmi les meilleurs de la saga et faisant même pâle figure comparé à la trilogie des années 2000 et au diptyque reboot des années 2010. Pour faire l’événement, le film a mit en avant dans ses bande-annonce des méchants des cinq films Spider-Man non rattachés au MCU puisque antérieur à sa création, pouvant piocher dedans grâce à la pirouette du multivers introduit avec la série Loki. Seulement voilà, jusqu’au jour de la sortie du film, aucune trace des héros des deux autres dans la campagne marketing, assurant même être désolés de ne pas être dans le film. Mais les fans voulaient y croire, les voir réunis serait trop beau et le film d’animation New Generation a prouvé qu’un Spiderverse fonctionne. Les rumeurs enflaient de cette frustration de l’incertitude, voir de la promesse de la déception qu’ils ne seraient pas là. Et voilà comment le studio a créé une attente si démesurée que quelle que soit la qualité du film au final, si les fans avaient bien ce qu’ils cherchaient, ils applaudiraient à s’en faire saigner des mains. Et c’est justement ce qu’il s’est passé, mais que vaut réellement le film au final une fois passé l’excitation du moment ?

Suite à l’affrontement contre Mysterio, les choses ont quelque peu mal tourné pour Peter Parker (Tom Holland), dont l’identité a été révélée au grand jour et exposée par Jonah Jameson (J.K. Simmons). Coupable, non coupable ? Le problème est que la question se pose pour certains, et pour éviter d’être liés à un individu suspecté de meurtre ou à son entourage comme MJ (Zendaya), les différentes universités vont leur barrer la route, mettant un point d’arrêt à leur avenir professionnel. Et si tout le monde pouvait oublier cette histoire ? Dans l’espoir de sauver son avenir et surtout celui de ses proches, Peter va contacter Stephen Strange (Benedict Cumberbatch). Mais en voulant remodeler un sort d’amnésie en cours d’invocation, ce dernier va avoir des effets indésirables en ramenant sur Terre pas moins de cinq ennemis du tisseur de toiles d’univers parallèles : le bouffon vert / Norman Osborn (Willem Dafoe), docteur Octavius (Alfred Molina), l’homme sable / Flint Marko (Thomas Haden Church), le lézard / Curt Connors (Rhys Ifans) et électro / Max Dillon (Jamie Foxx).

La promesse était folle, la plupart des espoirs ont été comblés, mais ça aurait pu être tellement mieux. Alors oui, Matthew Murdock (Charlie Cox) est présent, mais moins de deux minutes. Donc pas de grand procès passionnant, ce point est vite évacué sous le tapis. Oui Andrew Garfield et Tobey Maguire sont de retour, ça fait un bien fou et ça n’est pas juste un caméo, ils sont là pendant un gros tiers du film (45 minutes environs), mais on en apprend si peu sur ce qu’ils sont devenus, l’histoire se concentrant sur la version de Tom Holland, qui il faut bien l’avouer, est tellement moins charismatique et intéressant. L’histoire entre tante May (Marisa Tomei) et Happy (Jon Favreau) est si peu impactante, vouloir sauver les méchants est raccord avec l’esprit du héros et promet de belles choses dans les deux autres univers, mais on les trimballe comme des jouets sans envergure ni enjeux. Il y avait tellement mieux à faire, et au final le scénario déçoit, faisant plus dans le fan service gratuit qu’autre chose, sans compter les incohérences de tailles entre les identités secrètes de chacun connues des univers alternatifs sans logique, ou pire encore, le caméo de Eddie Brock (Tom Hardy) qui laisse un bout de Venom, non sens absolu. Certains se réjouissent du retour quasi case départ de Peter, devenant enfin un héros solitaire et sans le sou en fin de film, comme dans le comics, mais pourquoi ? On a déjà eu deux univers sur ce même héros fauché et galérien, le voir en fils adoptif de Stark bras droit des Avengers était justement quelque chose de nouveau qui participait à donner une identité propre à cette troisième saga sur l’homme araignée. Comme bien trop souvent avec Marvel donc, on a un film sympathique, divertissant, mais aux enjeux propres moindres, ne faisant que teaser du toujours plus fou dans la suite. Passé l’exultation du fan service, la pauvreté de la mise en scène et du traitement scénaristique empêchent le film de briller autant que ce qu’il aurait pu avec un telle réunion événementielle.

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Impardonnable


Impardonnable
2021
Nora Fingscheidt

Adaptation d’une mini série britannique appelée Unforgiven sortie en 2009, le film partait donc avec deux à priori assez importants : son statut d’adaptation d’une œuvre jugée médiocre, et son statut de film Netflix, plus réputé pour la qualité de ses séries que de ses films. Plus encore, à une lettre près son titre donnait Impardonnables, soit l’un des pires films de l’histoire de l’humanité.

L’histoire est celle de Ruth Slater (Sandra Bullock), une femme qui a passé 20 ans de sa vie en prison pour le meurtre d’un shérif, qui tentait de l’expulser de chez elle à l’époque. Avoir passé plus du tiers de sa vie en prison laisse des marques, et il est difficile de se reconstruire quand on a un casier aussi chargé que « tueuse de flics ». Mais outre le fait de se reconstruire, elle souhaite surtout savoir ce qu’il est advenu de sa petite sœur, placée dans une famille d’accueil et dont elle n’a jamais eu de nouvelles depuis.

Avec une patte d’auteur plus marquée, une lumière désaturée et un rythme plus contemplatif, un tel rôle d’écorchée nous plongeant dans une grande misère humaine aurait sans doutes valu à minima une nomination aux Oscars pour son héroïne, et il fallait quelqu’un de charismatique pour parvenir à montrer à la fois la faiblesse extrême d’une telle situation, mais toute la détermination et le courage d’une femme cherchant à s’en sortir. D’autant que le doute n’était pas vraiment permis, mais la situation n’a rien de méritée. On suivra donc d’un côté la tentative de retrouver un travail et un semblant de vie sociale aux côtés de Blake (Jon Bernthal), et de l’autre la recherche de la sœur perdue de vue grâce à l’aide d’un avocat (Vincent D’Onofrio). L’histoire se suit très bien et les acteurs sont excellents, reste que le scénario a quelques défauts. Par exemple, les quasi 30 ans d’écart entre les deux sœurs n’est pas expliqué puisqu’il est improbable qu’une même mère reste fertile trente ans après son premier enfant (en admettant qu’elle ait à peine 20 ans pour l’aînée, ça ferait une cinquantaine pour le second, or la ménopause est en moyenne vers 45 ans). De plus, l’attitude protectrice des parents d’adoption et le comportement de la sœur elle-même ne semble pas coller avec la vie d’une femme de 25 ans, ce qui nous fait constamment perdre le fil tant on cherche à comprendre comment tout cela peut tenir debout. On notera également que tout ce qui concerne le centre, le chantier, la boucherie ou les gens qu’elle y croise, tout n’est qu’exposition sans la moindre conséquence pour l’histoire dans sa globalité, ce qui prouve là encore des soucis d’écriture importants. L’histoire reste donc intéressante mais pas si aboutie, et la fin abrupte laisse trop de choses en suspend. Le potentiel était là, mais le résultat reste mitigé.

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99 Homes


99 Homes
2016
Ramin Bahrani

Après la crise du subprime vécu dans une agence de trading la nuit où tout a explosé (Margin Call), au travers d’un trader français qui a vu la crise arriver (L’Outsider), le comment du pourquoi expliqué au travers des shorteurs américains (The Big Short), voici venu le temps des conséquences.

Pour ceux qui ont vécu dans une grotte ou qui sont trop jeunes, la crise du subprime fut la plus grande dérive du marché économique américain de l’histoire moderne. Dans un monde où les sociétés sont côtés en bourse, où tout a une côte soumise au marché de l’offre et de la demande, la folie capitaliste a fait en sorte qu’au delà du marché immobilier, un marché de la dette immobilière fut créé, c’est-à-dire littéralement un marché basé sur du vent, sur créer un marché sur des prêts de sociétés et particuliers ayant un prêt immobilier. Or en 2006 avant que tout n’explose l’année suivante, le marché de la dette avait atteint 20 fois la valeur de l’immobilier, c’est-à-dire que si chaque personne possédant un bien immobilier le vendait, cela ne couvrirait que le vingtième du marché de la dette. Une situation impensable rendue possible grâce au fait que les banques vendant ce genre de produit possédait aussi les agences de notation censées garantir la fiabilité des produits. En clair ? Du jour au lendemain les gens se sont rendu compte que soit leurs placements financiers étaient du vent, soit le financement de leur maison reposait sur du vent, donc il fallait réguler le marché, soit baisser de 95% la valeur des biens/prêts. Comme une partie fut prise en charge par la faillite de compagnie comme la plus grande banque du monde et autres aides de l’état, le pays entier ne s’est pas retrouvé en faillite, mais en moyenne la valeur des biens immobiliers ont été divisés par 3-4, et comme aux Etats-Unis tant que le dernier centime n’a pas été remboursé la banque reste propriétaire du bien immobilier, une très grande majorité des gens se sont retrouvés avec un prêt nettement supérieur à la valeur de la maison et ont ainsi préféré rendre les clés à la banque. Voilà pour ce qui est de la mise en contexte.

Le film nous place donc peu après la crise, alors que Dennis Nash (Andrew Garfield) et sa mère (Laura Dern) se retrouvent à la rue, incapable de rembourser le prêt de leur maison (puisque pour éviter la faillite, certaines banques ont aussi monter les tarifs de remboursement pour couvrir l’écart entre le marché immobilier et le marché des prêts). Vivant dans une zone sinistrée où nombre de gens ont rendu leurs clés, Dennis va finir par se tourner vers le seul employeur restant de la région, le peu scrupuleux Rick Carver (Michael Shannon) qui a fait fortune sur des contrats d’expropriation pour impayés et rachats aux banques de logements à prix cassés. L’homme qui a viré sa famille va se retrouver à leur rendre le pain volé, une situation difficile à vivre.

Jusqu’où iriez-vous pour éviter la misère ? A combien se vend votre honneur ? Dans un contexte de grande pauvreté et de drames humains, le film nous met devant un dilemme qui n’en est pas vraiment un : tuer ou être tué, c’est-à-dire se laisser sombrer dans la misère ou s’en sortir en exploitant celle des autres. Et c’est aussi là que le film se montre d’un cynisme absolu et donc particulièrement impactant et pertinent : modèle du capitalisme outrancier et destructeur, au lendemain du plus grand drame économique depuis près d’un siècle, les Etats-Unis replongent instantanément dans leurs pires travers en exploitant directement cette même misère que leur système vient de créer. Appréciant beaucoup l’humour noir et la moralité trouble, j’ai trouvé donc le milieu du film très réussi, mais le reste peine un peu plus à convaincre. Le début nous rappelle l’inconscience collective avec cette famille irresponsable refusant d’admettre qu’elle fait n’importe quoi et vit au dessus de ses moyens, faisant qu’on créera plus d’empathie pour un cynique profiteur que pour cette famille expulsée de chez elle. Or je doute que c’était l’effet voulu, mais on récolte ce que l’on sème. La fin est elle aussi décevante, rétropédalant pour apporter une certaine morale, mais c’est un plein échec : là encore, je n’ai aucune empathie pour les débiles surendettés qui s’accrochent à quelque chose d’aussi futile qu’un bien matériel quand partir est la seule chose censée à faire, et attendre le dernier moment jusqu’à l’expulsion est juste écœurant d’irresponsabilité. Dans la vie on assume ses choix, ses conneries, et on ne parle pas de SDF luttant pour sa vie mais de gens qui doivent simplement accepter de baisser en standing car ils n’ont plus les moyens d’une telle maison, et cette logique capitaliste du toujours plus est juste insupportable. Cinématographiquement le film est très bon pendant une grosse moitié, tout le milieu, mais certains aspects de l’introduction et de la conclusion sont justes nuisibles au message, et dans l’ensemble selon mes convictions personnelles, ce film m’est insupportable.

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