The Batman


The Batman
2022
Matt Reeves

Voilà un film qui avait tout pour être le messie. Alors qu’à la base le Batfleck devait avoir droit à son film, l’échec critique et financier du précédent film écrit et réalisé par son interprète et la destruction du Snyderverse suite au naufrage de la version charcutée du studio de Justice League avait mit fin au projet, le film avait été mis à la trappe. On pensait le film mort, mais il fut finalement reprit par Matt Reeves à qui ont doit notamment les opus 2 et 3 de la très bonne trilogie simiesque initiée en 2011 avec La Planète des Singes : les origines. Puis vint le trailer d’août 2020 alors que le film devait sortir en octobre 2021 avant d’être finalement décalé de quelques mois faute de covid, rassurant à peu près tout le monde sur le potentiel du long-métrage. Il est vrai que la trilogie du Dark Knight avait mit la barre tellement haut que passer après était quasi impossible, et c’est bien là le problème.

Le film nous place dans un Gotham ayant vu débarquer le Batman (Robert Pattinson) depuis deux ans, suffisamment pour que son seul nom fasse trembler les criminels de la ville et que sa présence soit déjà devenue indispensable au commissaire Gordon (Jeffrey Wright), d’autant que la ville est en proie aux menaces d’un homme mystérieux (Paul Dano) laissant derrière lui des cadavres et des énigmes.

Le plus grand drame de ce film est de sortir si tard, alors que la trilogie Dark Knight est déjà passée par là. Alors oui, l’histoire n’est pas passionnante, les énigmes sont nulles, la plupart des personnages pas intéressants et le méchant peine à convaincre au final, mais c’est surtout la comparaison qui fait le plus mal. Tous les méchants de la précédente trilogies étaient excellents, voir prodigieux comme le Joker, or ici on a un Penguin (Colin Farrell) et un Falcon (John Turturro) oubliables, et Edward Nigma n’arrive à la cheville d’aucun des précédents, que ce soit Bane ou l’épouvantail. Même constat alarmant pour Alfred (Andy Serkis), inexistant alors qu’il fut l’un des tous meilleurs acolytes de l’histoire du cinéma, Jeffrey Wright n’est pas du tout le Bernard incroyable de Westworld et semble ici absent, et même si Selina Kyle (Zoë Kravitz) est un des points forts du film, on préfèrera largement la version du Dark Knight Rises plus aboutie. La musique est bien, la mise en scène jolie, mais là encore tellement en deçà des envolées orchestrales et des plans vertigineux de la trilogie Dark Knight. Le plan uniquement éclairé par des fusillades ? C’était sympa, mais on avait déjà eu cette même scène presque vingt ans avant dans Equilibrium !  La scène éclairée au feu de détresse ? Dark Knight Rises avait la même ! Tous les points forts du film sont moins bons que dans les précédentes aventures du personnages, et foncièrement le scénario est poussif, comme le rythme global de ce long-métrage qui frôle les 3 heures. Alors oui, le film a des solides arguments et aurait pu proposer quelque chose de novateur avec une vraie peur profonde comme dans l’introduction, mais cet aspect s’efface d’emblée pour un film noir classique, mou, et souffrant terriblement de la comparaison avec ses illustres prédécesseurs. Je voulais y croire, mais cette revisite du personnage peine à trouver sa place.

 

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Tenet


Tenet
2020
Christopher Nolan

Le sauveur ! Alors que le monde était plongé dans une pandémie terrible et que les compagnies sacrifiaient à tour de bras leurs films pour gonfler leurs catalogues de streaming dans un avenir qui semblait voir la fin des cinémas arriver au profit des plateformes en ligne, ce qui s’annonçait comme un blockbuster événement a eu le courage de sortir dans une période difficile de réouverture timide des salles. Dans l’absolu oui, c’était un acte courageux et risqué, mais de là à parler de sauveur des salles alors qu’il n’était pas le seul et que deux ans plus tard la situation semble à peu près rentrée à la normale, à ceci près que la Chine n’est plus du tout l’eldorado qu’il était, privilégiant désormais des productions locales et boycottant grandement les films américains, le film n’a clairement eu aucun impact. D’ailleurs, avec 205 M$ de budget brut, plusieurs décalages et autant de campagnes marketing, les quelques 362 M$ récoltés ont sonné comme un gadin, mais hors Chine ce fut le plus gros succès sur la période de mars 2020 à avril 2021, donc peut-être que d’une certaine manière le film a sauvé quelques cinémas et dans tous les cas l’effort fut à saluer. Mais maintenant que les choses se sont décantées et l’effet événementiel est passé, il est temps d’analyser plus froidement l’œuvre et ce qu’elle vaut réellement.

Le monde est-il condamné ? Pour le futur, aucun doute. Pour le présent, le futur est un problème et il faut agir contre. Plus que le voyage dans le temps, une technique d’écoulement du temps en sens inverse a été inventée. Le but ? Pour ceux du futur, revenir à une époque où les ressources n’étaient pas épuisées et où l’on pouvait vivre tout simplement. Pour ceux du présent, cela permet d’éviter les catastrophes et empêcher le monde de sombrer. A la tête d’une sorte de brigade temporelle, Neil (Robert Pattinson) va recruter un homme (John David Washington) pour mettre un terme aux agissements de Andrei Sator (Kenneth Branagh), mafieux collaborant avec ceux du futur souhaitant piller les ressources du passé.

Présenté comme révolutionnaire, d’une ambition folle, le film est tout simplement décevant. Qui dit voyage temporel dit soucis de paradoxes à éviter, et le film s’y vautre pleinement malheureusement. Comment des gens du futur peuvent piller des ressources du passé ? Car sans ces ressources leur futur n’existerait pas tel quel, donc modifier le passé n’a aucun sens, ou alors ils ne sont dès lors plus dans la même réalité, ce qui là encore n’a pas grand sens. On a aussi le souci de l’œuf ou la poule avec des cycles de causes-conséquences directement corrélés, mais comme le début n’est possible que grâce à la fin, quel a été l’élément déclencheur dans la première itération ? C’est là aussi un beau paradoxe temporel, donc d’un point de vue général le scénario ne fonctionne tout simplement pas, et il s’avère pourtant décevant de simplicité. Vendu comme un thriller tortueux et difficile d’accès, il est finalement d’une grande linéarité : premier acte dans le sens normal, second avec un écoulement inverse, puis la fameuse guerre finale où tout se mélange mais pas tant que ça (seulement deux équipes).

Reste ensuite tout ce qui est casting et visuel. Concernant les intervenants, comme le film est assez long il peut se permettre de présenter beaucoup de personnages avec à la clé beaucoup de stars connues (Michael Caine, Elizabeth Debicki, Clémence Poésy, Himesh Patel ou encore Aaron Taylor-Johnson), mais en vrai leur écriture est au mieux caricaturale (le mafieux russe), au pire inexistante (le héros s’appelant littéralement « Le Protagoniste »). Côté visuel, le réalisateur nous avait habitué à des plans vertigineux, dantesques, et le concept laissait présager du lourd, mais la déception est de mise. Les effets « marche arrière » font bizarre, saccadé, et pas d’exploitation grandiose à l’horizon. La mise en scène en ressort presque prétentieuse par moments, mais pas autant que son héros qui restera insipide de bout en bout. Un concept des plus mal exploité donc, pour un film à la James Bond sans grande profondeur ni envergure malgré tout le potentiel. Un divertissement honnête tout de même, mais laissant un goût amer d’inachevé.

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CODA


CODA
2021
Siân Heder

Sorti dans l’indifférence générale le 13 août 2021 sur la plateforme de streaming Apple tv+ qui peine à s’imposer, surtout en Europe où certains des fers de lance comme l’exclusivité de diffusion du baseball n’intéresse personne, ce remake américain de La Famille Bélier racheté 25 M$ à Sundance (un record), a finalement surpris tout le monde en se retrouvant nominé aux Goldens Globes, où il est reparti bredouille, puis aux Oscars, où entre deux scandales il rafla meilleur scénario adapté, meilleur acteur secondaire pour le père, et consécration ultime, meilleur film.

Remake oblige, le film raconte peu ou prou la même histoire que le film français de 2014. On suit donc la jeune Ruby (Emilia Jones), seule enfant « normale » dans une famille de sourds et muets, cherchant sa place dans un monde incertain alors qu’à l’aube de la fin de son lycée, elle doit décider de la vie qu’elle mènera, tiraillée entre une famille handicapée se reposant beaucoup sur elle comme un pont vers les autres, et sa passion pour le chant, concept que ne peut comprendre sa famille.

Amour, passion, famille et quête identitaire sont donc comme pour le film original les pivots d’une histoire sympathique mais cousue de fils blancs, à laquelle vient se greffer ici une histoire de travail sur un bateau de pêche. Mais si l’histoire de la pêche rajoute des enjeux et une plus-value au niveau décors, c’est assez nocif sur l’image des sourds puisque le film le dépeint bien plus comme un handicap majeur rendant quasi impossible le vivre-ensemble tant ils se reposent sur leur fille, et ça va à l’encontre du message souhaité. Et dans sa globalité, ce scénario d’enfant incompris voulant réaliser ses rêves malgré le rejet parental, c’est vieux comme le monde, et c’était mille fois mieux traité dans le Cercle des poètes disparus par exemple. Donc oui, l’opposition chant / surdité est cocasse, mais si en France le film a tant marché c’est en très grande partie de part le talent et la beauté ahurissante de Louane. Si l’actrice chante également bien ici, force est de reconnaître qu’elle ne se démarque pas tant que ça voir pas du tout par rapport à ses camarades très talentueux, et côté charme l’impact est moindre. Il faudra aussi faire avec le style Sundance, c’est-à-dire un rythme très lent et une propension accentuée pour le drame, donc même si le film est visuellement plus ambitieux et recèle quelques bonnes idées d’adaptation, certains choix sont contre-productif et le résultat est incontestablement moins bon que l’original. On a déjà vu des Oscars plus scandaleux comme Nomadland, mais c’est probablement là encore le film le moins intéressant de la sélection qui a reçu le sacre suprême…

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Ride Your Wave

Ride Your Wave
Ride Your Wave
2021
Masaaki Yuasa

Si certains se sont ouvert aux productions japonaises dès les années 80 grâce au club Dorothée, pour le grand public il y aura eu ensuite deux grandes vagues d’élargissement du public : tout d’abord les films du grand maître Miyazaki avec le premier succès mondial massif avec Le Voyage de Chihiro, puis il y a eu ensuite plus récemment le second souffle de l’animation japonaise au travers de films comme Summer Wars puis Your Name. C’est ainsi que nos distributeurs se laissent de plus en plus tentés par des productions plus modestes, et qu’importe au fond la qualité des films, la variété de choix et de genres est toujours quelque chose de positif. Et pour le coup, le résultat est vraiment très différent.

L’histoire est celle de la jeune Hinako, étudiante en océanographie qui avait deux passions dans la vie : le surf, et celui avec qui elle partageait cette passion, son amoureux Minato. Sa vie était parfaite, habitant proche de l’océan, vivant de sa passion pour l’eau et ayant une vie sentimentale épanouie et toute tracée, jusqu’à ce que la mort les sépare. Le perdre la fera sombrer, au point qu’au fond du trou elle en perdra la raison, s’imaginant que son Minato est toujours là, dans l’eau, et qu’il lui suffit de chanter pour qu’il vienne à elle.

Alors tout d’abord soyez prévenus : le film est sombre, très sombre. Le pitch ne laissait guère de doutes, mais pour peu que vous fonciez sans savoir de quoi il en retourne, ayez bien conscience que le but n’est clairement pas le divertissement. Entre drame humain et questionnement sur le surnaturel, le film sera sans pitié pour son héroïne, mais l’histoire est plutôt pas mal, jouant sur l’ambiguïté de la situation. Est-elle vraiment si folle ? Les personnages sont caricaturaux, notamment la petite sœur de Minato, et le film a des relents de télé Novella avec tout le monde amoureux de tout le monde, mais ça se laisse regarder. Concernant la technique, les décors sont parfois jolis, parfois très vides, les personnages simplistes au possible avec un style qui en laissera septique plus d’un, mais le plus gros problème réside dans l’animation : on sent que le budget est très faible, et le moins que l’on puisse dire c’est que ce n’est pas fluide du tout, à la limite de l’honteux sur certains passages. Il ne faut donc pas avoir des attentes trop fortes de ce côté là, et mieux vaut être dans une bonne période pour encaisser cette histoire loin d’être joyeuse, mais saluons l’originalité de l’histoire et l’efficacité narrative.

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Matrix Resurrections


Matrix Resurrections
2021
Lana Wachowski

Officiellement annoncé en 2012 pour une sortie fixée en 2014, la suite de la trilogie Matrix a connu bien des changements, avant même de subir de plein fouet la crise du covid avec de longs mois d’interruptions. Si tout le monde ou presque est d’accord pour dire que le premier était un précurseur, toujours aussi abouti plus de deux décennies après, les deux suites ont beaucoup plus divisé, sombrant dans la surenchère de spectacle et délires pseudo philosophiques. C’était donc avec nostalgie, impatience mais surtout anxiété que le monde attendait ce nouvel opus, arrivant 18 ans après Matrix Revolutions, et au final pas du tout : entre des critiques glaciales, un Spider-Man plébiscité en face, et surtout la disponibilité en VOD immédiate, et donc du téléchargement illégal massif, le film est déjà entré dans l’histoire comme l’un des fours les plus violents de tous les temps, peinant à faire le tiers des entrées du dernier volet, déjà en chute libre par rapport au second opus. Et bigre que c’est mérité.

Le cycle a-t-il donc bien été brisé ? Oui, mais seule une partie des machines a décidé de laisser vivre l’humanité, et vu l’état du monde, la majorité de l’humanité continue de préférer vivre dans une matrice, ce qui arrange bien toutes les machines qui continuent d’exploiter les humains pour en tirer leur énergie. Dans cette optique, les machines ont finalement sauvé Néo (Keanu Reeves) et Trinity (Carrie-Anne Moss), mais se doutant qu’ils ne sont pas heureux dans la nouvelle matrice, une humaine éveillée (Jessica Henwick), son équipage et le programme recyclé de l’agent Smith devenu gentil, tous vont tenter de les ramener dans le vrai monde.

Dès le début les craintes s’amplifient. Les effets de ralentis sont immondes, les incrustations de flashback maladroites, et le message « ouin la Warner a mit la pression pour faire une suite » est d’une finesse digne d’un mammouth… Le parallèle jeux-vidéo / monde virtuel de la matrice est tout sauf fin, et si les blagues sur Keanu Reeves en mode chucknorrisfact passent dans un Expendables 2, c’est ici malaisant à outrance, de même que le tour de table sur la trilogie qu’on fait passer pour des jeux-vidéo qui fait le tour des théories comme une vaste blague en crachant à la gueule des spectateurs en se foutant d’eux, en crachant sur les sagas en se plaignant que le studio leur a mit la pression pour faire une suite. Le personnage de l’analyste (Neil Patrick Harris) marche assez bien, donc les techniques utilisées pour maintenir Néo dans la matrice sont intéressantes, mais tout le reste du scénario est vide à outrance. Aucun enjeu autre que ramener les deux tourtereaux dans le monde réel, on ne parle quasi pas de la guerre entre les machines, pas de grand changement dans aucun des mondes, et tous les thèmes abordés l’ont déjà été dans les trois précédents en mieux. Le film ne raconte rien, le rythme est catastrophique, les ralentis sont immondes, la réalisation terriblement décevante, Néo est vieux, fatigué, ne faisant qu’utiliser le même pouvoir en boucle, les combats sont affreusement mous, mal chorégraphiés, et les dialogues sont quasi nanardesques. Mon dieu que le personnage du Mérovingien (Lambert Wilson) est souillé ! Et le principe de la purge n’est de fait pas respecté, donc le peu que le film raconte n’est même pas cohérent avec lui-même. Si c’était pour faire ça, il valait mieux passer son tour ou laisser la main à quelqu’un d’autre, ça aurait difficilement pu être pire…

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Love And Monsters


Love And Monsters
2020
Michael Matthews

Voilà qui prouve que le streaming n’a rien de néfaste pour le cinéma, au contraire, cela donne souvent une seconde vie à des œuvres. On pense notamment à la série La Casa de Papel, vaste bide sur la télé espagnole, puis racheté par Netflix et comptant désormais parmi les séries les plus connues au monde. Dans le même ordre d’idée, ce film est sorti au pire moment possible : fin 2020 quand toutes les salles se mirent à fermer à nouveau, avec dans la foulée une vente en VOD inexistante, au point que tout le monde croyait que le film était une production Netflix quand le service le proposa à ses abonnés en avril 2021, devenant très vite l’un des plus gros succès de tous les temps de leur catalogue.

Le postulat du film est ou prou le même que celui d’After Earth : un futur où la nature sur Terre aurait évolué pour devenir hostile à l’être humain, au point de l’avoir fait déchoir de son statut d’espèce dominante. Les humains restants se terrent dans des bunkers, espérant survivre un jour de plus avec la menace des créatures si dangereuses qui vivent au dessus de leurs têtes. Membre le plus inutile de son bunker, Joel (Dylan O’Brien) est de loin le plus terrifié par les créatures, et pour les autres aucun doute qu’il ne tiendrais pas deux minutes à la surface. Pourtant, en apprenant que son amour (Jessica Henwick) d’avant cataclysme n’est qu’à 150 km de lui, il va décider d’entreprendre un voyage de sept jours à la surface. L’amour contre les monstres, qui l’emportera ?

Si le film dans sa globalité marche à peu près scénaristiquement parlant, sa base est une énorme blague : un astéroïde a été bombardé pour éviter une collision fatale, mais trop proche de la Terre, faisant retomber une quantité folle de radiations (car missiles nucléaires). Alors déjà, des radiation la Terre en encaisse des quantité phénoménales tous les jours, et c’est justement là qu’intervient le bouclier naturel à base d’ozone. Ensuite, le phénomène est censé avoir transformé des créatures terrestres en monstres géants surpuissants en sept ans. En SEPT ANS ???!!! Même en mille ans ça n’aurait aucun sens, il faudrait des dizaines de milliers d’années pour voir apparaître de tels changements. Eh oui mais sans ça, pas d’amourette d’avant cataclysme, donc pas de voyage en quête du grand amour, donc pas de film. Il faudra aussi passer sur le fait que sans une intervention extérieure tenant du miracle, et ce deux fois de suite, d’emblée l’aventure aurait dû s’arrêter, c’est donc en demander beaucoup trop à la suspension d’incrédulité. Le film est-il donc mauvais ? Clairement pas, une fois passé une mise en place poussive, on se laisse porter par cette aventure romantique dans un monde aux mille dangers. Le chien est trop mimi, le père et sa fille sont badass, drôles et attachants, les décors sont quasi totalement naturels et ça fait un bien fou de n’avoir quasi aucun fond vert, le design des créatures est réussi, les séquences d’action prenantes, et le film gère bien le suspense et alterne efficacement entre moments d’angoisse, d’action, de drame, de romance ou plus légers. Mieux vaut ne pas trop se poser de questions, mais c’est typiquement le genre de film fun, feel good et hautement divertissant, et avec en plus un bon sens du système D, une vraie volonté de faire le plus possible avec des effets pratiques et des décors en dur, le résultat est assez solide.

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Reminiscence


Reminiscence
2021
Lisa Joy

Ne jamais avoir trop d’espoirs sur un film… Réalisé et écrit par Lisa Joy, il lui manque cependant sa moitié, son mari Jonathan Nolan avec qui elle a fait l’extraordinaire série Westworld, scénariste qui a fait ses preuves, et c’est justement là où ce film va pêcher le plus.

Se passant dans un futur où inexplicablement (car incohérent) la température et les eaux ont drastiquement montées, les gens se sont réfugié dans leurs propres souvenirs. Nick (Hugh Jackman) et Watts (Thandie Newton) sont justement des vendeurs de souvenirs, proposant aux gens de revivre leurs anciens souvenirs pour échapper à la dure réalité, et c’est justement Nick lui-même leur client le plus assidu, n’arrivant pas à se remettre de la disparition de sa fiancée Mae (Rebecca Ferguson). L’a t-elle simplement quitté sans un mot, ou cela cache t-il quelque chose ?

Parlons tout d’abord du scénario. Outre le fait qu’une machine permettant de revoir ses souvenirs, voilà qui rappelle beaucoup Minority Report, notamment avec la cuve et le casque, et que globalement l’histoire est un polar archi lambda et peu passionnant, prévisible à souhait, l’univers proposé n’a aucun sens. On parle de chaleur et de montée des eaux, or pour qu’une montée des eaux soit possible, il faudrait que la glace des pôles fonde, or cela provoquerait un rejet colossal d’eau glaciale, ce qui refroidirait drastiquement les côtes et les terres en général avec des courants d’air océaniques bien plus froids. Donc pour avoir en plus une chaleur nettement supérieur, il faudrait vraiment des événements improbables qui mériteraient qu’on s’y attarde, ce qui n’est pas le cas. De plus, comment croire à cette « chaleur » quand cela ne se traduit pas le moins du monde à l’écran ? Pas de soleil écrasant, pas de moiteur torride, et surtout pas de répercutions : les gens continuent de porter des pantalons, manches longues et manteaux ! Et que dire de la fameuse « guerre » qu’on rabâche sans jamais l’expliquer ou la décrire réellement. La mise en scène est correcte et les acteurs prestigieux, mais le film est vraiment plombé par un scénario pas toujours cohérent, superficiel sur de nombreux points comme la nouvelle drogue, la propension de terres immergées ou la guerre (qui, comment, pourquoi ?), et surtout banal à outrance. Aucun des thèmes abordés n’est original, pas plus que la façon de faire, et on est sans cesse à trop en espérer, comme pour quand Watts massacre un réseau mafieux seule, ce qui est d’un bêtise absolue tant on n’explique jamais d’où lui vient cet entraînement militaire de malade, donc on remet constamment en doutes une réalité qui est finalement premier degré. Le rythme est également mal dosé, proche d’une série prenant son temps pour poser son histoire, mais qui fonctionne beaucoup moins bien dans le cadre d’un long-métrage. On aurait presque tendance à parler d’œuvre prétentieuse tant le film essaye de se donner des airs de film de SF qui retourne le cerveau, et on ne s’étonnera donc pas que le public a massivement déserté les salles, affichant péniblement 15 M$ dans le monde pour un budget hors marketing de 68 M$. Le potentiel était là, mais bien moins que l’ennui.

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Encanto, la fantastique famille Madrigal


Encanto, la fantastique famille Madrigal
2021
Byron Howard, Jared Bush, Charise Castro Smith

Genre le plus durement touché par la crise sanitaire, le cinéma d’animation peine à se relever alors même que c’est là où le besoin d’argent est le plus grand tant plus aucun Disney animation n’arrive à se boucler pour moins de 150 M$ de nos jours. Avec un score quasi définitif de 225 M$ dans le monde, et ce sans VOD payante en parallèle avant sa mise en ligne sans supplément sur Disney+ à peine un mois après sa sortie pour Noël qui a stoppé net son parcours en salles, difficile d’y voir un quelconque succès. Et sans mascotte ni potentiel produit dérivé sur lequel capitaliser, c’est sans conteste le plus gros revers financier depuis deux décennies pour le studio. Et contrairement à Raya où on ne peut que déplorer son rayonnement limité tant il s’agit d’un des meilleurs films de l’histoire, l’insuccès est ici beaucoup moins regrettable.

Toujours en quête d’une nouvelle culture, Disney nous plonge cette fois en Colombie avec la famille Madrigal, une famille qui a la particularité d’être dotée de pouvoirs magiques. Tous ? Eh bien non, alors qu’à l’adolescence chaque nouveau membre de la famille est censé découvrir son pouvoir, Mirabel n’en a pas reçu, faisant d’elle une pariât inutile. Pire, un beau jour elle va découvrir que son oncle disparu (José Garcia) avait eu une vision d’elle détruisant la source de pouvoir de la famille.

Certains seront ravis, ce fut pour moi un cauchemar : le retour des chansons. Le Miraculeux Raya nous en avait exhorté, nous en sommes ici submergés, et c’est objectivement une catastrophe (en VF tout du moins). Les textes sont pauvres, les voix tout juste correctes, et la musique est sympa mais rien d’inoubliable. Mon Dieu que la présentation de « la famille Madrigal » est une torture ! Grosse douche froide également concernant les enjeux : il n’y en a pas, aucun méchant, rien, juste la peur de perdre leurs pouvoirs. On dirait un film sur un trader en pré-retraite qui a peur de ne toucher que douze milliards de bonus à la fin de l’année. Les personnages sont caricaturaux à outrance sans once de développement faute d’une famille trop nombreuse, à l’image de la cousine qui entend tout et qui aurait pu être géniale, mais faute de présence seule l’héroïne se révèle attachante. L’univers coloré combiné avec des pouvoirs magiques, notamment ceux de la sœur fleurs, aurait pu être grandiose, mais ça reste gentillet. Et puis pardon, mais quand on dit « Bruno » avec l’accent, je m’imagine Brüno dans sa combi jaune prêt à se faire empaler par un asiatique à peine pubère. La magie passe tout juste, on se laisse vaguement emporter mais ça reste une comédie musicale bien trop superficielle.

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Godzilla vs Kong


Godzilla vs Kong
2021
Adam Wingard

Dans l’univers du fan service ou univers cinématographique, les « Vs » ne sont pour ainsi dire jamais une bonne idée, ou tout du moins jamais la meilleure puisque que ce soit dans Civil War, Batman V Superman ou ici, il s’agit de faire s’affronter les gentils entre eux, donc même si les deux autres films nommés sont bons, voir excellent pour le second dans sa version longue, ça reste une idée à la con où les enjeux réels sont ailleurs. Lancé en 2014 avec Godzilla, énorme potentiel mais décevant, le monsterverse s’est poursuivit en 2017 avec Kong Skull Island, pour le coup pas loin d’être mauvais et narrativement inutile puisque se déroulant plus de 40 ans avant, donc mise à part rappeler qu’un gros singe géant existe, c’est la seule chose que cette « introduction » ait fait. En 2019 enfin, un second opus Godzilla 2 a vu le jour, là aussi énorme visuellement, mais bien trop creux scénaristiquement. A peine trois films pour préparer le crossover ultime, aucun très qualitatif et avec même un semi-gadin au box-office pour le dernier en date. Budget en baisse, réalisateur inconnu au bataillon et divers reports pour cause de pandémie, puis sortie dans le mouroir de la reprise en mars 2021 avec même une absence de sortie en France. Un destin scellé pour la saga naissante ? L’absence de scène post-générique laisse supposer que la Warner ne croyait même plus au projet, balançant le film en simultané sur HBOMax, et pourtant aux Etats-Unis ce fut le premier à dépasser la barre des 100 M$ (de justesse) et grâce à un succès tonitruant en Chine (188 M$), le film fut au final un joli succès (468 M$, soit avec le streaming une rentabilité supérieure à n’importe quel des trois précédents films). L’effet « premier grand spectacle » à la réouverture probablement.

L’histoire, si on peut appeler cette blague un scénario, nous conte que d’un coup d’un seul, Godzilla a senti – alors qu’il est présent depuis au moins un demi-siècle – la présence de Kong, qui serait aussi un titan alpha, et il faut donc que le lézard massacre le singe pour que sa domination ne soit pas remise en question. Du coup, des scientifiques (Alexander Skarsgard et Rebecca Hall) vont se dire « tient, et si on le mettait dans la terre creuse ? » parce que oui elle existe et y’a même une inversion gravitationnelle.

Je crois que mise à part Fast & Furious 9, je n’ai pas mémoire d’un scénario – hors nanar – aussi claqué. Bon, le besoin d’être l’alpha, admettons, mais tout ce qui entoure la terre creuse est à hurler de désespoir, chaque semblant de justification est juste lamentable, on croise vaguement Kyle Chandler et Millie Bobby Brown du précédent film pour rappeler que c’est une saga censée se suivre et être cohérente, mais rien n’est cohérent, surtout ce qui touche à l’informatique ou à la science, et on a rarement vu des personnages aussi inutiles. C’est bien simple : toutes les histoires humaines sont inutiles voir nuisibles, excepté la petite, et en plus Kong empiète quasi totalement sur un Godzilla qui a semble t-il perdu presque tous ses neurones. Reste alors le visuel, sympa et avec de bonnes bastons, mais à des années lumières d’un Pacific Rim, qui en plus avait un bon scénario. Au moins le film est bien rythmé et on pouvait difficilement s’attendre à autre chose, donc le divertissement minimum est assuré, mais qu’il est loin le gigantisme haletant d’un parachutage sur un Godzilla vertigineux…

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Raya et le dernier dragon


Raya et le dernier dragon
2021
Don Hall, Carlos Lopez Estrada, Paul Briggs, John Ripa

Snobé par beaucoup de monde ayant tôt fait de le cataloguer comme une tentative de Disney d’aller draguer le marché Chinois, alors qu’au final le film y a fait 20 M$, soit le tiers du score d’un Disney Animation habituel, le film a surcroît prit de plein fouet la très faible réouverture des salles en mars 2021 avec le streaming qui tend éloigner les gens des salles. Et pourtant, on tient là l’un des tous (voir le ?) meilleurs Disney de l’histoire.

Dans un monde où régnait la magie des dragons, un mal ancestral avait été réveillé par la cupidité et l’avidité des hommes qui n’a pu être endigué que par le sacrifice des dragons. 500 ans plus tard, la paix s’est progressivement fragilisée, l’histoire est devenue simple légende, et la pierre de dragon protégeant du mal suscitait la convoitise de tous, lui prêtant des pouvoirs rendant surpuissant quiconque la posséderait. Et alors que la nation protégeant la pierre a voulu rassembler toutes les nations pour plaider le retour de Kumandra, l’union de toutes les nations, ces dernières vont toutes tenter de s’emparer de la pierre, finissant par la briser et libérer le fléau, changeant toutes les personnes sur son chemin en pierre et plongeant le monde dans les ténèbres.

Une légende, une petite fille quasi princesse avec une créature archi mignonne (de quoi vendre des produits dérivés ?) : pas de doutes, il s’agit bien d’un Disney. Puis un fléau s’abat, les gens sont transformés en pierre en arrachant aussi l’âme des gens comme dans Les Créatures de l’esprit, de quoi laisser perplexe quant à la possibilité d’un jour les ramener à la vie. La petite fille grandi et devient une chasseresse aigrie dont la gentille petite créature de compagnie est devenue une immense monture imposante. On nous plonge dans un monde post-apo où le monde d’antan n’est plus que ruines et désolation, les survivants s’étant réfugiés dans des îles ou villes flottantes, l’eau étant une barrière naturelle protégeant du fléau. Si dans le style on semble proche d’un Disney classique, avec un dragon peluche magnifique (dommage que sa version humaine soit inspirée par son interprète AwkwafinaGéraldine Nakache en VF – car elle l’un des points les moins réussi du film) et des décors incroyables, mon Dieu que l’animation est une claque monumentale, en toile de fond l’ambiance n’est clairement pas la même. Tous ont perdu des proches, le monde vit dans le déni à vouloir se reconstruire, plus par résignation que désespoir, mais personne n’a oublié, la plaie est encore béante des années plus tard. La construction du scénario est un peu classique et prévisible, à la recherche des artefacts pour accomplir la quête, et pas vraiment de surprises dans le développement, mais on sent les presque un siècle d’expertise dans l’art de conter une histoire tant la mise en scène est dantesque et la maîtrise émotionnelle absolue. Quel monstre ne verserait pas sa larme au moment des sacrifices ? Et pour sublimer ce conte captivant, d’une beauté onirique incontestable, James Newton Howard nous régale de l’une des (voir la ?) meilleurs bande originale de sa carrière pourtant exceptionnelle. Une épopée grandiose qui marquera durablement par sa puissance.

 

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