Sound of Freedom


Sound of Freedom
2023
Alejandro Monteverde

Nous y voilà enfin ! Après quatre mois d’attentes, le phénomène qui a embrasé le public américain traverse enfin l’Atlantique, emmenant avec lui un pédigré peu commun. Succès massif en salle avec plus de 184 M$ aux Etats-Unis, il a surfé sur un buzz gigantesque, car outre la violence de son sujet, le côté religieux du héros, le passif de l’acteur et de la production (Jim Caviezel avait incarner ni plus ni moins que Jésus dans la fameuse Passion du Christ de Mel Gibson, producteur du film ici d’ailleurs), c’est son étiquette politique qui a fait le plus parler. Car oui, quand son pays est dirigé par un légume protégeant un fils qui aurait dû écoper cent fois de la peine de mort pour actes pédophiles, violences et récidives, un film voulant faire la lumière sur ce sujet en particulier, dans un contexte de quasi guerre civil entre une écrasante majorité pro Trump, bouillonnant face à une justice vérolée, et des bourgeois démocrates si infâmes qu’ils arrivent à fermer les yeux sur leur élite qui consomme justement cet immonde marché à tour de bras, voilà de quoi attiser un peu plus la colère d’un peuple déjà enragé.

Histoire vraie s’étant déroulée au cours des années 2000-2010, le film retrace le combat d’un homme, Tim Ballard (Jim Caviezel), policier travaillant dans la protection des enfants victimes du trafic sexuel. Mais un jour, lassé des limites de son travail, des frontières l’empêchant de sauver des vies, il va lancer son propre réseau pour infiltrer le milieu et le renverser de l’intérieur.

D’après le film, il y aurait à travers le monde des millions d’esclaves sexuels, dont plus de la moitié seraient mineurs, pour un trafic ayant généré environs 150 milliards en 2022. A titre de comparaison, le cinéma a généré 26 milliard en 2022, et même avant le covid, le record était de 42 milliards en 2019. C’est donc un sujet important, et quand bien même le film exagérerait les chiffres, tout le monde a entendu parler des réseaux de l’Est, et surtout des très jeunes enfants de Thaïlande dont raffolent nos politiciens français. On sait que ça existe, que ça concerne principalement des vieux salopards occupant les plus hautes sphères, mais savoir que quelqu’un, quelque part, se bouge réellement et a fait quelques percées dans leurs réseaux, c’est aussi réconfortant que ce que le sujet est dévastateur. Qui ose encore dire que l’humanité mérite d’être sauver ?

En dehors de son sujet, il faut en revanche reconnaître que le film n’a rien d’un chef d’œuvre, mais on a vu plus d’une fois des films bien plus mauvais récolter des prix stupides, et clairement le film est largement meilleur que les quatre derniers lauréats de l’Oscar du meilleur film. Le rythme est bon, les acteurs convaincants, quelques belles envolées musicales, la réalisation très correcte, l’histoire poignante, et puis pour un film ayant coûté seulement 14,5 M$, c’est impressionnant. On a là une immense variété de décors : prison, bâtiments militaires, villes américaines, villes mexicaines, colombiennes, plage, île, immeuble luxueux, jungle. Bref, on voyage ! Pas de fonds verts, que du vrai, du concret, et quand les images d’archives sont dévoilées à la fin, on voit que l’équipe a tout fait pour le devoir de mémoire. Un film ambitieux, certes moins brutal physiquement qu’un Taken, moins violent psychologiquement que Les Chatouilles, et on pourra arguer que le héros se pose trop en figure biblique, que ça manque de finesse, mais en vérité l’œuvre propose exactement ce qu’elle a promis, de quoi se montrer amplement satisfait.

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Barbie


Barbie
2023
Greta Gerwig

Pratiquement sûr de finir plus gros succès au box-office 2023 avec 1,44 milliards dans le monde, le film a été une déferlante partout où il est passé, aussi en parti grâce au buzz improbable du « Barbenheimer » où le monde s’était affolé de voir deux grosses productions (Barbie et Oppenheimer) sortant le même jour, aussi débile soit-il de comparer une comédie populaire et un biopic de trois heures sur un sujet aussi sérieux que l’arme atomique. Près de 2,4 milliards pour les deux films combinés, près de onze millions d’entrées en France : assurément cet surréaliste association marketing fut un carton plein.

On connaît tous cette poupée mythique qu’est la Barbie, jouet pour enfant inventé en 1959, encore aujourd’hui poupée la plus vendue du monde. Eh bien saviez-vous qu’elle existe pour de vrai ? En effet, Barbie (Margot Robbie) vie avec toutes les autres Barbies (Emma Mackey, Kate McKinnon) et les Ken (Ryan Gosling, Simu Liu, Michael Cera, John Cena, Ncuti Gatwa) dans le royaume de Barbieland, un endroit magique où les femmes gèrent tout, occupent tous les postes importants. Un endroit idyllique, jusqu’au jour où le vrai monde va commencer à empiéter sur le leur.

Sans avoir trop d’attentes, j’étais tout de même curieux face à ce phénomène de société. Certes, tout le monde ou presque a grandi avec des Barbies, filles ou garçons, et le casting (comprenant aussi Will Ferrell, Connor Swindells et America Ferrera dans le monde réel) est absolument dingue. L’effet marketing Barbenheimer a été indéniablement un succès tonitruant, laissant sur le carreau la plupart des autres blockbusters estivaux qui ont presque tous sous-performé, le fait que la chanson de Dua Lipa composée pour le film fut matraquée à la radio a aussi aidé, de même que certaines histoires sur une rupture de peinture rose au niveau planétaire tellement le film en aurait abusé. Mais qu’en est-il du film en lui-même ?

Eh bien passé la sympathie de voir le monde de Barbieland en action, c’est non seulement d’un vide impressionnant, mais le scénario est sclérosé à un point dantesque. Dire que l’histoire est toute pétée serait un doux euphémisme : Barbie existe dans un autre monde, mais qui est relié au vrai monde, sorte de Toy Story (alors oui, j’ai vu les quatre, mais je n’ai jamais écrit les critiques) mais où la conscience est dans un autre monde, sauf qu’il est possible de passer d’un monde à l’autre sans problème, et ce dans le but d’aller raisonner celle qui joue avec la elle poupée. Car oui, le monde parfait c’est celui de Barbieland qu’il ne faut surtout pas toucher, car vive le pouvoir aux femmes, et que le monde réel est atroce avec son patriarcat déguisé et ouin ouin ouin. Sauf que non, sauf que si, mais pas tout à fait, mais faut se battre, et juste au secours ! Le film brasse beaucoup beaucoup trop d’air, pour une hypocrisie phénoménale d’une limitation intellectuelle scandaleuse. A la fois pub géante pour les produits Mattel, puis qui dénonce en fait la dictature de la beauté imposée par Barbie, sauf que depuis Barbie n’est ni forcément blanche, ni forcément fine, mais qui dit qu’en fait c’est juste un jouet trop cool et que c’est ce qu’on en fait qui compte, parce que faut pas déconner, les stocks pour Noël sont au taquet. Par contre à côté de ça, la dictature de beauté pour les hommes, eux forcément grands, beaux et virils, à minima sveltes si ce n’est des gros pousseurs de salle bodybuildés, ça c’est complètement normal. Mais allez vous faire foutre ! Entre les impératifs de produits dérivés, la pub géante assumée qui tue dans l’œuf tout discours faussement anticapitaliste, l’hypocrisie ahurissante de chaque instant, le bilan est juste minable, car en plus de ça, en tant que film il ne tient pas la route. Illogique, aux enjeux faibles, débiles voir contradictoires, l’histoire est mal écrite, la fin est poussive, et le film est même long, le dernier tiers étant ennuyeux et laborieux. Barbie en live, ça va bien deux minutes, mais face à un mercantile nocif plombant une narration fébrile, Barbieland se casse bien vite la gueule.

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Les Petites victoires


Les Petites victoires
2023
Mélanie Auffret

Profitant de quelques jours de semi-tranquillité, il était grand temps d’effectuer d’intenses rattrapages des films de l’année dans l’optique de ne pas passer le mois de janvier à courir après le retard pour sortir un top des meilleurs films de l’année un semblant légitime. Impossible de me rappeler pourquoi j’avais placé aussi haut ce film au niveau importance, mais clairement le projet m’attirait sur le papier, que ce soit pour sa simplicité ou cette envie d’évasion campagnarde nostalgique.

Prenant place dans un petit village de Bretagne, le film met en avant l’institutrice et mairesse de son hameau, Alice (Julia Piaton), qui tente de porter à bout de bras son fief comme l’avait fait avant elle feu son père, précédent maire et bienfaiteur du conté. Entre une désertification médicale, la fermeture des commerces, elle se bat désormais pour protéger la dernière classe restante, menacée de fermeture faute d’enfants y étudiant, le minimum étant fixé à treize.

Outre l’élément perturbateur que va représenter le personnage d’Emile (Michel Blanc), illettré qui va vouloir reprendre le chemin de l’école plus de cinquante ans après en avoir quitté les bancs, le film est surtout une question de fierté locale, d’envie de défendre un idéal, un besoin d’identité locale au delà de celle nationale. Le monde va trop vite, se développe, mais au détriment de nos chères campagnes. Un petit feel-good moovie franchouillard fleurant bon les valeurs morales et cette simplicité qui tend à disparaître. Il faut parfois savoir freiner des quatre fers devant l’évolution, et la sincérité et l’authenticité du film fait un bien fou. Alors oui, je n’aurais jamais réussi à me débarrasser de l’impression que Julia Piaton est une version Wish de C. Cottin, bien trop ressemblante physiquement et avec pratiquement la même voix, et en dehors du duo d’affiche on notera péniblement Lionel Abelanski tant les autres rôles sont effacés. La marche du monde semble inéluctable et on aurait aimé un constat moins mondialiste, mais le film ne saurait mentir. J’avoue m’être senti comme un fossile refusant de voir le monde « évoluer » – notez bien l’amertume d’une évolution guère reluisante – mais à défaut d’en pouvoir changer le sens, apprendre à vivre avec est la première étape du deuil.

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Je verrai toujours vos visages


Je verrai toujours vos visages
2023
Jeanne Herry

Encensé par les critiques et ayant convaincu près de 1,2 millions de spectateurs avec un maintient exceptionnel au fil des mois, le film met en lumière un sujet peu voir pas connu du public : la justice restaurative, dont le but est de confronter victimes et agresseurs pour aider les premiers à exprimer leur peur, leur colère, et à faire comprendre aux seconds que leurs actes, au delà de la sentence pénal, a aussi des répercutions humaines.

Si le concept peut laisser dubitatif, au même titre que les séances de psy (parler est-il toujours la solution ?), le principe reste le même : il faut essayer avant de juger, et surtout pour savoir si ça peut ou non marcher. Et il faut dire que pour attirer le casting du film est absolument complètement dingue :  Adèle Exarchopoulos, Gilles Lellouche, Leïla Bekhti, Jean-Pierre Darroussin, Miou-Miou, Denis Podalydès, Fred Testot, Raphaël Quenard ou encore Elodie Bouchez. Ahurissant. Et autant dire qu’il ne fait catégoriquement aucun doute que les trois premiers auront à minima une nomination aux Césars, sachant que l’injustice du monde fait qu’ils n’ont pour l’heure jamais reçu de César en dehors du meilleur espoir pour les deux dames. Et c’est bien là la force du film, qui au delà de mettre en lumière la brutalité et la monstruosité des hommes, est surtout un film basé sur l’impact de dialogues forts, percutants, et dont l’intensité dramatique des acteurs transcende un récit déjà puissant. On pourrait comparer le film aux Chatouilles avec qui il partage cette violence physique, psychologique, et cette importance de la justice, tant au niveau de la loi que de la morale. Un film fort et bouleversant, et disons-le, important, car le cinéma ça n’est pas que se divertir, c’est aussi ressentir.

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Gran Turismo


Gran Turismo
2023
Neill Blomkamp

Voilà un doux rêve : passer du fantasme à la réalité. En vrai ce n’est pas une idée, c’est le quotidien de toute personne se formant à devenir pilote dans l’aviation par exemple, mais quand l’outil de simulation est aussi un jeux-vidéo, toute la classe politico-médiatique, les ignares, débiles et autres moutons atrophiés du cerveau sont incapables de prendre ça au sérieux. Faire piloter un geek ? Faudrait déjà qu’il sorte de son fauteuil de gamer lol ! Ah les ravages de la consanguinité… Eh bien voilà une histoire vraie où un directeur marketing de chez Nissan (Orlando Bloom) va approcher la direction de Sony et l’équipe derrière les jeux Gran Turismo pour recruter les meilleurs joueurs du jeux-vidéo, puis les former pour devenir pilote de F1 dans la vraie vie. On suivra donc le parcours de Jean Mardenborough, adolescent britannique qui troquera son volant branché à sa Playstation contre un volant de voiture de course en dur, formé par Jack Slater (David Harbour), un ancien professionnel de la course automobile.

Dans l’absolu on pourrait se dire que ce genre de film n’est pas fait pour moi, préférant l’approche décomplexée et arcade tant des jeux Need for Speed, Split Second Velocity voir Mario Kart, mais aussi des films, prenant plus de plaisir devant les premiers Fast & Furious ou le film Need for Speed que devant les pourtant objectivement meilleurs Le Mans 66 ou Rush. J’ai essayé plusieurs fois les jeux Gran Turismo, mais outre le fait que passer sa vie à freiner dans les virages toutes les deux secondes tue toute sensation de vitesse, les circuits automobiles sont objectivement moches, et l’idée de faire les mêmes tours en boucle est passablement ennuyeux. Je partais donc avec quelques à priori, et détestant le jeu dont le film fait l’éloge, mais les films de courses sont généralement grisants, et surtout l’idée d’un self-made-man devant sa carrière à son talent aux jeux-vidéo, claquant le bec à ses détracteurs et aux esprits étriqués, c’était particulièrement gageur.

Soyons direct, on passe un excellent moment devant le film, nous procurant la satisfaction escompté du petit gars sorti de nulle part accomplissant un rêve que tous lui ont dit inaccessible. Les sensations de vitesse sont grisantes, la réalisation est au top (même si on se demande ce que Neil Blomkamp fait là), les clins d’œil au jeu et aux codes vidéoludiques sont appréciables, et mise à part un léger passage plus mou aux deux-tiers, passage quasi obligé du test de motivation mais il est vrai tiré d’un fait réel marquant, le rythme est très soutenu. Pour autant, le film n’est pas aussi bon qu’on aurait pu l’espérer, et ceux pour deux raisons assez gênantes. Premièrement, le choix de l’acteur principal, qu’on pourrait argumenter expressément lisse et fade pour que le spectateur oubli le protagoniste et s’imagine soi-même à la place. Argument que je mets moi-même en avant pour FFXII par exemple, puisque littéralement on parle d’un jeu où de fait l’histoire avance au rythme de nos actions, mais que je rejette totalement pour Luke Skywalker dans la trilogie originale, étant juste un jeune premier insipide d’un vide abyssal à l’acting catastrophique. Reste que là aussi, l’acteur est mauvais, sans charisme, et ça plombe pas mal quand même. Et deuxièmement, la réalité est un peu décevante. Alors oui, le gamer devient certes professionnel, mais on est loin d’une carrière exceptionnelle marquant à jamais l’histoire automobile, son impact aura été pratiquement inexistant et ses faits d’armes sont peu glorieux. L’idée était cool, le résultat très divertissant et c’est toujours un immense plaisir que de retrouver David Harbour qui dégage une telle bonhommie avec tant de charisme, mais entre son acteur principal bancal et le peu d’envergure du récit, le film ne marquera pas plus l’histoire.

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Donjons & Dragons : L’Honneur des voleurs


Donjons & Dragons : L’Honneur des voleurs
2023
Jonathan Goldstein (XII), John Francis Daley

Fait malheureusement pas si rare dans le paysage cinématographique, un film a connu à la fois un immense succès public, mais un énorme échec commercial. Faisant de concert consensus parmi les critiques et les spectateurs, le film aura réussi à dépasser la barre des 200 M$ dans le monde, ce qui semble à première vue respectable, mais il lui fallait faire pratiquement le double : à cause du Covid et de soucis de post production, le budget a connu des dépassements terribles, passant de 100 à 156 M$, d’autant que sa carrière au cinéma fut rapidement stoppée par le mastodonte Super Mario Bros.

Pour ceux qui ne connaissent pas le milieu des jeux de rôles, Donjons & Dragons est un jeu de plateau d’héroïque fantaisie inventé dans les années 70, précurseur de ce qu’on appellera les jeux de rôle. L’idée est simple : chaque joueur incarne un personnage ayant des habilités propres, et tous ensemble doivent réfléchir pour mener à bien une aventure où le danger est omniprésent, où seules la ruse et la stratégie vous mèneront vers la victoire.

Dans le film, on suivra donc Edgin le barde (Chris Pine), Holga la guerrière (Michelle Rodriguez), Simon le mage (Justice Smith), Doric la métamorphe (Sophia Lillis) et Xenq le paladin (René-Jean Page), qui vont devoir faire équipe pour aider Edgin à ressusciter sa femme et récupérer sa fille, endoctrinée par leur ancien acolyte Forge (Hugh Grant), qui a été propulsé grand maître du conté grâce à une prêtresse rouge nourrissant de sombres desseins.

J’ai un peu du mal à saisir l’engouement autour du film. Alors certes, le casting est solide, surtout Hugh Grant pour qui le rôle semble être sur mesure, l’humour fonctionne plutôt bien malgré un surdosage maladroit, les FX sont bons (sauf le passage avec Bradley Cooper, totalement raté), fait devenant presque rare de nos jours, mais globalement l’ennui n’est pas loin. L’histoire est cousue de fils blancs, tout semble être sur des rails, avançant au petit bonheur la chance, comme si on suivait une vraie mission du jeu de plateau avec un maître du jeu bien sympa qui indique le chemin avec de grosses flèches. Du pur divertissement qui n’apporte pas grand chose et ne développe quasiment rien, que ce soit son univers ou ses personnages, réduits à leurs plus simples fonctions. C’est un peu dommage, et il en résulte une impression d’univers lisse, utilisant simplement les grands classiques du genre qu’il a pour cause en partie inventé. Quelques idées de design sympas, mais j’aurais aimé que le film aille plus loin que le simple « fun ». Reste qu’on fini sur une bonne note, la toute dernière scène étant un joli miroir bien inspiré. Mais pour ce qui est de l’héroïque fantaisie, hormis le maître incontestable qu’est la trilogie du Seigneur des Anneaux, le niveau est largement en dessous d’un Warcraft, qui était visuellement, artistiquement et scénaristiquement bien plus abouti.

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L’Attaque des Titans


L’Attaque des Titans
2013-2023
Hajime Isayama (manga)

Il y a quelques jours, un monument de l’animation japonaise a prit fin avec l’adaptation du désormais culte manga SNK (Shingeki no Kyojin), autrement connu en France comme L’Attaque des Titans. Après quatre saisons étalées sur dix ans (en réalité six saisons et deux films de conclusion), le phénomène prend fin, puisque contrairement à des mangas comme Naruto (avec Boruto) et One Piece qui s’éternisent depuis plusieurs décennies, le manga papier de SNK n’aura duré « que » treize ans, de 2009 à 2021 pour un total de 34 tomes. Outre le fait que le manga papier est un des plus laids qu’il m’ait été donné de lire, ayant de surcroît réellement un mal terrible à différentier certains personnages trop proches physiquement, sa fin avait fait grand bruit à l’époque.

Succès correct mais loin de truster le haut des charts, SNK avait timidement commencé sa carrière, avant d’exploser en 2013 avec l’anime, largement salué pour la direction artistique, la violence tant physique que psychologique, le soin apporté aux environnements, aux personnages, au dessins en général. Alors que le BIG 3 (One Piece, Naruto et Bleach) nous avaient habitué à des productions animées bâclées sortant inlassablement chaque semaine, ce qui est devenu depuis une norme (des saisons plus resserrées, d’une vingtaine d’épisodes, parfois espacées de plusieurs années) a fait un bien fou. Le rythme est infiniment meilleur, pas de HS, et une qualité d’animation qui fait plaisir. Le manga est alors rentré dans la cours des grands, bien que la version papier était d’une qualité graphique exécrable en comparaison, son mangaka étant clairement un bien meilleur scénariste que dessinateur. Et on sait bien à quel point une fin redéfini une œuvre dans son ensemble, donc étant donné à quel point celle du manga a divisé, la pression était terrible pour le fameux final sorti le 5 novembre 2023. Va t-elle réconcilier les fans déçus ? Détruire son image d’anime culte ? Reprenons d’abord depuis le début.


L’histoire prend place dans une époque indéfinie moyenâgeuse, dans le royaume Eldien. Les terres sont composées de différentes villes fortifiées imbriquées les unes dans les autres, se protégeant derrière d’immenses remparts d’une terrible menace : les titans. Créatures humanoïdes pouvant faire de 5 à 50 mètres, dénuées de toute conscience ou intellect, muées uniquement par le désir de destruction et de surtout dévorer les humains qui croiseraient leur route. Qui a t-il derrière les tous premiers remparts ? Qu’en est-il du reste du monde ? Y a t-il un reste du monde ? Pourquoi ce fléau divin s’abat inlassablement ? Si une escouade d’exploration existe, elle n’a jamais de mémoire d’homme dépassé les forêts avoisinantes, donc personne ne sait. Heureusement, les remparts sont solides et n’ont jamais été franchis par les titans. Curieux de nature, Eren Jäger a toujours rêvé d’intégrer un jour l’équipe d’exploration, qui se sert de ce qu’il appellent un « équipement tri-dimensionnel » pour se déplacer et affronter si besoin les titans hors des murs, mais les fous avides de connaître le monde d’en dehors finissent rapidement dévorés. Les enfers sont littéralement à leur porte, et un beau jour cette porte va voler en éclat quand un titan colossal de plus de cent mètres de haut va pulvériser le tout premier rempart et exposer ainsi la première tranche au déferlement de titans qui y attendaient.

Les deux premières saisons seront très similaires, nous faisant découvrir petit à petit un univers d’une richesse folle, entouré de tellement de mystères que la peur d’être déçu est aussi gigantesque que les titans qui déchaînent leur violence sur des habitants apeurés. C’est dantesque, les combats sont d’une violence inouïe et la menace semble impossible à défier, personne n’est à l’abris, même ce qui semble être dans un premier temps les personnages principaux. Ces deux premières saison ne font que 25 épisodes en cumulé, attisant la curiosité autour d’un mystère qui ne fait que croître, d’une efficacité folle et à l’animation spectaculaire, imposant une vraie pate originale, mêlant épique et horrifique. Voilà qui met pleinement l’eau à la bouche, tout en restant conscient du risque de déception potentiel quand un univers repose à ce point sur d’épais brouillards.

Saison 1 et 2 :

Que se cache derrière le brouillard ? Que contient le fameux sous-sol ouvrable avec la fameuse clé ? Vous n’êtes pas prêts !

L’attente semblait longue, mais la récompense est sans commune mesure. Quelle claque ! Quelle leçon de maître ! Rien que pour les révélations du comment du pourquoi, le manga et surtout cet anime (bien plus travaillé et réussi visuellement) est et restera à jamais l’une des meilleures œuvres de toute l’histoire de l’humanité. Fait rare, le mangaka avait pensé l’intégralité de son manga avant même la sortie du premier tome, montrant avec le recul dès le premier chapitre à quel point il savait exactement où il allait. Et que dire si ce n’est merci ? Bravo.

Impossible de révéler quoi que ce soit sans briser la magie d’une découverte impensable, qui peut-être pour la première et seule fois de ma vie m’a fait me dire que n’aurait jamais pensé à une telle profondeur. Et immédiatement, on se remémore tout le chemin parcouru, tous les événements passés, et à quel point leur vision en devient totalement bouleversée, ignorants simples mortels que nous sommes. Prodigieux, avec encore à la clé des idées de mise en scène, de design, de thématiques toujours plus folle, faisant écho aux heures les plus sombres de notre histoire, et même à l’actualité moderne avec une pertinence qui force le respect. C’est beau, d’une rare intelligence, nous ouvrant les yeux sur ce que l’on croit savoir, ce que l’on croit voir, ce que l’on croit comprendre. On tutoie des sommets que n’ont atteint que peut-être furtivement Evangelion, Xam’d ou Death Note.

Saison 3 :


Bien plus longue, la « quatrième saison » (représentant le tiers de l’anime) a été dispersées en quatre parties sur quatre ans, et n’est de fait pas égale à elle-même. La première partie est la pure continuation des révélations qui ont redéfini l’histoire, enchaînant un quasi sans faute, si ce n’est que pour la première fois, on semble en savoir plus que ce qu’il ne reste d’ombres, et on commence un peu à voir où l’anime / manga va aller. La narration devient plus « sage » et limpide, ce qui n’est pas forcément un mal, d’autant que le virage négocié est très bien développé et intéressant, tout en gardant la sève de ce qui a rendu SNK immédiatement fascinent : sa violence. On reste donc dans des stratosphère immenses, mais il est vrai que quelques points vont poser problème à partir de la seconde partie et le passage dans « l’axe ».

Encore une fois, l’anime est une œuvre d’une richesse inouïe : politique, psychologique, et offrant un divertissement spectaculaire absolument dantesque. Mais les changements de points de vue sur toute la dernière ligne droite sont trop brusques, manquant de conviction et de la profondeur à laquelle on s’était habitué. La psychologie de certains personnages sonne faux, la convergence des buts est maladroite, et à vrai dire toute la fin n’aura de cesse que de les faire douter, à juste titre ou non. Mais soyons reconnaissant du travail fait, car l’anime est à des années lumières au dessus de ce que propose le manga, dont la fin a été jugée même par son auteur comme abrupte, et c’était là l’occasion d’enfin expliquer certains choix étranges, ou tout du moins développer bien plus son idée. On ne peut que l’en féliciter tant on revient de loin, et avec le recul bon nombre de choix très discutables sur le papier deviennent une conclusion logique, voir inévitable. L’épilogue supplémentaire ajouté montre les conséquences des choix de chacun, amer, mais logique et en vrai assez satisfaisant. Un constat qu’on peut étendre sur beaucoup de points, que ce soit le grand … qui est cette fois bien plus palpable dans ses conséquences, ou encore l’affrontement ultime, un peu moins frustrant sur certains points.

Alors oui, face à une montée en puissance si marquante, n’avoir une fin que « satisfaisante », est potentiellement décevant, mais SNK arrive dans son ensemble à porter fort son message, et si la fin du manga gâchait quelque peu le bilan, c’est nettement moins le cas dans son adaptation en animé. Rarement un manga aussi populaire aura autant mérité son succès, très largement au dessus des classiques du genre qu’on encense un peu trop facilement. Un récit épique, quasi biblique, transformant une menace divine en une brillante analyse de l’espèce humaine.

Saison 4 :

 

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AKA


AKA
2023
Morgan S. Dalibert

Probablement perdu dans les limbes des productions depuis de très longues années (il est fait mention de PS4 et de Wii, ce qui laisserait supposer une écriture vieille de dix ans minimum, la seconde console ayant été retirée du marché depuis dix ans déjà), il est certain que le carton planétaire de Balle Perdue aura poussé Netflix à s’intéresser à cet autre film d’action français mettant en vedette le désormais reconnu Alban Lenoir, nouveau Bebel des temps modernes, ou du moins qui en rêve. En tous cas sa carrière sur Netflix est sans pareille : après avoir tout d’abord raflé le statut du film en langue française le plus vu de la plateforme avec le fameux Balle Perdue, il a battu son propre record par deux fois, d’abord avec Balle Perdue 2, puis en doublant le score avec le AKA dont il est question ici. Fort.

Aka, acronyme anglais « Also Know As » voulant dire « alias », fait écho à ce qu’on appelle travailler sous couverture dans le milieu policier. Spécialiste du genre, Adam Franco (Alban Lenoir) va être engagé par le commandant Kruger (Thibault de Montalembert) pour s’infiltrer dans le milieu de la drogue et du grand banditisme, car la police soupçonne le mafieux Victor Pastore (Eric Cantona) d’avoir prit sous son aile l’ennemi public numéro 1, le terroriste Moktar Al Tayeb.

Encore du film d’action policer français, mais je dois avouer que j’ai largement préféré le scénario qui y est développé. Dans l’absolu, le principe même du policier sous couverture est une hérésie : on demande à un représentant de la loi de passer du côté obscur, renier tous ses principes et vivre avec des gens qu’il déteste par nature, qui représentent tout ce qui va mal dans notre société, sacrifiant des mois, parfois des années de leur vie à se mettre quotidiennement en très grand danger, tout ça pour faire tomber des gens dont on savait déjà toute la dangerosité. Outre Atlantique, on se s’embêterait pas, on balancerait tout ça à Guantanamo ou autre pour tout faire avouer à grand renfort de torture, puis basta. Mais force est de reconnaître que dans une justice sclérosée qui n’a pas vraiment le choix, ce sacrifice est d’autant plus admiratif qu’il nécessite un sacré talent de la part de l’infiltré pour jouer un rôle de chaque instant. Au niveau cinéma, cela crée une forte tension, beaucoup de suspens, et avec en prime un gros côté action bien bourrin, ça donne une dynamique particulièrement percutante. Dans certaines thématiques, le côté loup solitaire surentraîné inarrêtable, la réalisation virevoltante, on tend parfois vers de l’efficacité à la Taken, bien que son héros restera un cran moins charismatique et que l’action n’ira pas jusqu’à un tel niveau de virtuosité. Une belle surprise donc, compensant quelques faiblesses d’écriture par une grande maîtrise dans le rythme et la mise en scène.

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#Alive


#Alive
2021
Hyung-cho Il

Sorti en Corée du Sud en juin 2020 dans un contexte difficile de Covid ayant grandement impacté son score en salle (déjà à prendre avec de fortes pincettes vu les récents scandales de gonflement de chiffres ne datant visiblement pas d’hier), le film fut considéré comme un semi-échec, faisant un peu moins de deux millions d’entrées, un poil faible pour ses presque 20M$ de budget. Il fut donc ensuite bazardé sur Netflix où il connu un bon succès, là encore à relativiser vu l’absence de transparence des chiffres, et vu que le public a tendance a cliquer machinalement sur les recommandations, ce qui ne veut ni dire qu’il a apprécié le film, et encore moins qu’il l’a regardé jusqu’au bout.

Une épidémie et paf, ça fait des zombies. Oh Joon-woo (Ah-In Yoo) est un jeune homme qu’on pourrait qualifier de chanceux : au moment où l’épidémie va se propager à une vitesse folle, transformant tous les habitants en monstres cannibales assoiffés de sang, lui sera tranquillement chez lui, bien à l’abris. Mieux encore, il a quelques réserves de nourriture, l’eau, l’électricité et même internet fonctionnent toujours. Plus qu’à attendre que ça se passe.

Genre usé jusqu’à la moelle, le film de zombie est par définition de la survie, souvent teinté d’action, de gore ou d’horreur, voir tout ça à la fois. Rien de bien original donc que de retrouver quelqu’un coincé chez lui à soit attendre la mort, soit des secours divins, voir une cure pour l’épidémie, si tant est qu’elle soit réversible. Outre le fait que le film soit coréen, l’originalité tiendra surtout en deux points : le cadre très luxueux de l’appartement, et la débilité ahurissante de son principal protagoniste. Car oui, quand la ville semble tombée sous les hordes de zombies, avoir pendant des semaines de l’eau et de l’électricité, c’est un miracle sans commune mesure, et à aucun moment le personnage ne prendra conscience de cette chance susceptible de s’arrêter à n’importe quel moment. De même, bien que ce soit plus facile à dire qu’à faire, se rationner semble une évidence, mais pas pour lui, s’empiffrant deux jours durant, au point de liquider tout d’emblée. On a donc là un « héros » dont la survie ne tient qu’à la chance, ce qui n’est pas très valorisant.

En dehors de ce huis clos survivaliste, on aura donc quelques affrontements occasionnels avec les zombies, permettant au film de faire parler le budget entre cette grande place et ces immeubles immobilisés pour le film, mais aussi la centaine de figurants au maquillage plutôt réussi. Mais là encore, rien qu’on n’ait pas déjà vu mille fois auparavant. Heureusement, le film est court et l’ennui n’a pas trop le temps de poindre, le rythme étant assez bien maîtrisé. Mais quel intérêt ? Le genre est éculé à un point tellement insupportable, le film ne propose rien de novateur, et son personnage principal est antipathique, bien trop demeuré. Difficile donc de justifier d’y consacrer un soirée.

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The Darkest Hour


The Darkest Hour
2012
Chris Gorak

Méa coulpa, onze ans après le premier article sur ce film : The Darkest Hour. Aveuglé par une avalanche de merdes ayant largement biaisé mon jugement entre Skyline, Monsters et World Invasion, qui avec le recul était vraiment trop vide scénaristiquement et à gerber dans sa réalisation, et ayant découvert après coup la pépite District 9 (qui mériterait aussi une nouvelle critique tant mon plaisir de cinéphile devant cette œuvre singulière n’a fait que croître), dans le genre contact extraterrestre, le début des années 2010 était éprouvant. Distinguer les nuances de marron dans une fausse septique n’était alors pas évident, laissant place à bien trop d’indulgence.

L’histoire démarre comme de la série B classique : des jeunes (Emile Hirsch, Max Minghella, Rachael Taylor, Olivia Thirlby et Joel Kinnaman) avec de vagues raisons d’être réunis dans une même boîte de nuit à Moscou lorsque la fin du monde sonne. La fin du monde en question ? Des extraterrestres invisibles capable de réduire en cendre toute forme de vie d’un simple contact.

En vrai oui, le potentiel était là : de bonnes idées de design, un concept à mi-chemin entre le film d’horreur et le film de SF avec des aliens basés sur l’électricité, une sorte de forme de vie organique/synthétique/gazeuse assez vague, suffisamment mystérieuse pour intriguer et susciter la peur. Au niveau mise en scène, les faire débarquer en usant d’une énorme vague électro-magnétique pour désactiver tout appareil électronique, ça n’est certes pas nouveau, c’était déjà le cas dans La Guerre des Mondes (tellement meilleurs sur absolument tous les points d’ailleurs dans le genre « gens du peuple face à une menace d’extinction, en restant à échelle humaine tout du long »). En revanche, ce qui est nouveau, c’est l’idée de les rendre invisibles et réactivant l’électronique sur leur passage. Visuellement le concept est excellent, mais trop peu exploité. On ressent constamment le manque de budget, le manque d’ambition : quelques années plus tard, Stranger Things reprendra cette idée d’électricité pour en faire tellement plus, sans pour autant avoir plus de budget. Le traitement des personnages est inexistant (le sacrifice dans le métro est stupide à souhait), l’histoire est débile à outrance (restez cachés et faites des provisions bordel !), l’instinct de survie une vague notion oubliée, et puis surtout il semble manquer tout le dernier acte du film, car au final il ne se passe rien. Alors oui, on peut ne faire que suivre la survie d’un groupe de personnes, mais encore faut-il que la situation soit réglée à la fin, ce qui n’est pas le cas. Est-ce pour teaser une suite ? Le score en salles fut presque correct, mais les retours assassins ont semble-t-il dissuadé toute idée de franchise. Du potentiel sur le papier, quelques bonnes idées visuelles, mais le résultat est trop bancal entre un scénario écrit à la truelle, des FX bien vilains, et une absence de fin concrète.

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