Free Guy


Free Guy
2021
Shawn Levy

Passé assez largement inaperçu en France avec moins de 600 000 entrées, malgré une sortie simultanée Disney+ et donc un piratage massif il fut pourtant l’un des premiers vrais succès en salles, car malgré l’avalanche de stars et des effets spéciaux en pagailles, certains savent mieux gérer leur budgets que d’autres, affichant seulement 115 M$ de budget, rendant la somme amassée en salles de 331 M$ plus que correcte, au point d’avoir voulu lancer directement une suite. Un parcours quasi inespéré pour ce film mainte fois reporté et dernier gros blockbuster de la Fox produit avant le rachat par Disney, mais qui a visiblement eu droit à quelques reshoots pour pousser un peu plus loin le délire en profitant des droits de la firme aux grandes oreilles.

Croisement improbable entre la série Westworld et les jeux-vidéo GTA, le film raconte l’histoire de Guy (Ryan Reynolds), un simple PNJ (Personnage Non Jouable) du jeu online Free City, sorte de réplique de New-York où les gens font absolument n’importe quoi, vol, destruction, braquage et autre rodéo urbain, bref tout ce qui serait illicite et violent pour se libérer de la frustration du quotidien et expulser leurs haine. Un univers vidéoludique somme tout classique, et jusqu’alors les PNJ étaient programmés pour obéir aux joueurs et les laisser faire ce qu’ils veulent (mais sans sexe bien sûr, on reste sur du jeu vidéo grand public). Mais un beau jour, en croisant la route d’une joueuse, Guy va sortir de sa boucle et se mettre à exprimer un libre arbitre inédit.

Que ce soit à l’annonce du projet ou en voyant la bande-annonce, je n’aurais pas parié un centime sur le film, qui sentait à des kilomètres le gros foutraque, blockbuster lambda au scénario inexistant. Il faut dire que le film était vendu comme Deadpool se rendant compte que l’univers qui l’entoure est un jeu et qui décide de faire n’importe quoi avec des pouvoirs archi cheatés. La vérité est bien loin et autrement plus réjouissante : ne sachant ce qu’est un jeu-vidéo, le personnage ne va tout simplement pas remettre en cause sa réalité (au début) mais va voir en son éveil la possibilité d’exprimer ses choix et vivre réellement sa vie. Car derrière ses explosions et son environnement violent à la GTA, le film est une introduction à l’intelligence robotique avec une première forme de vie logicielle mais sans corps physique, et le film arrive même à être pertinent et parfois touchant dans ses propos. Derrière, l’histoire principale du vilain patron (Taika Waititi) qui a volé le projet de deux jeunes (Joe Keery et Jodie Comer) semble un peu banale avec la course à la vérité détenue par le joueur (Channing Tatum), mais les personnages sont touchants, et après l’avoir vu galérer sentimentalement pendant trois saisons de Stranger Things, voir un Steve toujours aussi adorable littéralement créer de la vie par amour pour montrer cet amour avec un jeu d’acteur si beau, on se dit que le blockbuster décérébré qu’on pensait nous a bien eu. Les enjeux sont là, l’action est efficace, la mise en scène spectaculaire, la déferlante d’effets spéciaux est pleinement justifiée et de fait réussie (à part peut-être l’incrustation du visage de Dude, mais vu l’état du projet ça pourrait être voulu), et outre l’humour qui marche à blinde, surtout dans la séquence fan-service avec Chris Evans, le film fait souvent preuve d’une finesse surprenante, comme la pique sur les armes à feu. On est loin du niveau intellectuel d’un Westworld et notre cerveau ne sera pas retourné, mais le film est étonnamment profond et bien écrit, drôle, dynamique, touchant, et efficace dans tous les genres qu’il aborde, que ce soit la SF, l’action ou la romance. Un concept qui ne payait pas de mine, mais assurément l’une des meilleures surprises de l’année.

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Cruella


Cruella
2021
Craig Gillespie

Voici l’un des tous premiers blockbuster proposé en pâture aux salles lors de la réouverture de ses derniers après plus d’un an de fermetures et timides réouvertures en pleine pandémie. Projet de préquel aux 101 Dalmatiens destiné d’abord à promouvoir la plateforme Disney+, le studio a finalement privilégié pendant les premiers mois une sortie simultanée, avant de se rendre compte avec le recul que c’était commercialement la pire idée qui soit, réduisant d’en moyenne 70% les entrées en salle entre les quelques ventes en ligne et surtout le piratage massif alors que beaucoup hésitaient encore à retourner dans les salles par peur de la maladie. Si les chiffres de la plateforme de streaming sont inconnus, le budget est lui aussi très variable selon les sources, oscillant entre un massif 100-125 M$ jusqu’à 200 M$ pour certaines sources. Or avec un box-office mondial de 233 M$, d’un extrême à l’autre on passe d’un succès très relatif à un gouffre financier monumental. Mais puisqu’apparemment une suite est en chantier (sérieusement ?), il faut croire que le vrai budget est plus proche des 100 que des 200 M$.

L’histoire est donc celle de la terrifiante Cruella d’Enfer qui… Ah non ? Non, c’est l’histoire de Estella (Emma Stone), une méchante qui déteste les chiens et maltraite… Ah non ? Non, ce sont donc les mésaventures d’Estella, une pauvre et gentille orpheline qui adore les chiens, vit avec ses deux meilleurs amis Japser et Horace et deux adorables trésors sur pattes. Et elle rêve de devenir styliste et de se venger de la Baronne (Emma Thompson) qui a tué sa mère. Ah et Anita est noire, journaliste, et Roger est avocat. QUOOOIIIIIIIII ???!!!

On ne va pas y aller par quatre chemins, ce film est une catastrophe sur un nombre hallucinants de points, sur la forme mais surtout sur le fond. Vouloir raconter un préquel c’est bien, mais être cohérent avec la suite, ça ne serait-il pas mieux ? C’est bien simple, à part vite fait le duo Jasper / Horace de « respecté » malgré un classique ethnie washing actuel (mais pourquoi diable ne pas inclure de nouveaux personnages pour la diversité au lieu de changer des anciens qui n’ont d’ailleurs rien à faire là ! La diversité oui, mais faite le bien !), l’écriture des personnages est juste affolante. Comme d’habitude avec les relectures de Disney, les méchants n’en sont plus, et de fait il faut inclure un nouveau méchant, mais c’est fait de la pire des manières. C’est bien simple, ce préquel est en quelques sortes un remake puisque la méchante reste la directrice de mode et la gentille une de ses employées, avec au milieu une histoire de chiens. Mais l’écriture est tellement mauvaise entre des dalmatiens tueurs qui changent d’allégeance en deux secondes, mais surtout Cruella elle-même : on nous la présente comme schizophrène, alors qu’en réalité elle n’a aucun saut d’humeur de tout le film et met même une heure entière à faire vite fait preuve de sadisme. Les clins d’œil au film de 1997 sont d’une lourdeur atroce, allant jusqu’à une scène post-générique pour faire le lien quasi direct en reprenant des décors semblables et la fameuse chanson, pourtant arrivant chronologiquement bien plus tard et avec des protagonistes qui n’ont rien à voir sur la papier, que ce soit physiquement, amicalement (d’où Anita et Cruella sont BFF d’enfance ?!) et professionnellement (exit la styliste et le programmeur de jeux, ils sont journaliste et avocat). Le film va même jusqu’à prendre Mark Strong pour jouer les valets au grand cœur, rôle qu’il connaît décidément bien. Les dialogues sont d’une platitude sans nom, le rythme atroce (2h15 !) et nom de Dieu quelle est cette manie de cracher à la gueule des dresseurs d’animaux en remplaçant tous les chiens par des doublures numériques la plupart du temps criardes et sans âme ? Vous n’allez pas me dire que ce sont des créatures devenues dangereuses et difficiles à apprivoiser subitement ? Pour un film avec un tel budget et tourné sans la moindre contrainte sanitaire puisque datant de 2019, c’est un scandale d’avoir des scènes aussi indignes que le parachutage, l’une des pires incrustations que j’ai vu de ma vie. Scénario, personnages, dialogues, liens avec la suite, toute l’écriture est un cuisant échec, visuellement le film a des effets spéciaux immondes, le rythme est d’une mollesse insupportable avec tant de passages ennuyeux et inutiles, et même les acteurs sont cabotins à outrance. Cruella ? Un enfer…

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Bac Nord


Bac Nord
2021
Cédric Jimenez

Monde de merde, le film. A force on le sait bien que le monde est pourri jusqu’à la moelle, on ne va d’ailleurs pas forcément au cinéma pour qu’on nous le rabâche, mais il est important de pointer du doigt les plus grands travers qui gangrènent notre société. Tiré d’une histoire vraie, le film a été l’un des deux premiers à atteindre la barre symbolique des deux millions d’entrées en France en 2021 dans le contexte du cauchemar sans précédent pour les salles qu’est le covid, puis le passe sanitaire et enfin le passeport vaccinal. Un exploit qui a électrisé les foules et suscité un large débat, de quoi attiser la curiosité, même en étant habituellement hermétique au genre policier.

L’histoire remonte en 2012 alors que le préfet de Marseille, préparant probablement une réélection ou autre, a voulu faire un gros coup de pub en nettoyant un peu sa ville, l’une des pires au monde en termes de trafic de drogue, d’armes, blanchiment d’argent, racket, vol, viol, détérioration de bien publiques, et meurtre dans la plus grande impunité. L’honnête citoyen n’y a plus sa place, tout n’est que misère et désolation dans un décor en ruines. Mais pour le trio de choc de la Bac Nord, Greg (Gilles Lellouche), Antoine (François Civil) et Yass (Karim Leklou), hors de question de baisser les bras, s’il faut faire le sale boulot, ils répondront présent.

Reste t-il quoi que ce soit à sauver de Marseille ? Chaque rue, même le vieux port, est délabrée au possible. La ville est sale, pleine de détritus, taguée de partout, et les bâtiments tombent en ruines. La misère est-elle plus belle au soleil ? Non. Comme un respirateur artificielle pour un vieillard centenaire en étant de légume, la police ne sert à rien, camouflant un cadavre déjà bien putride et rongé par les vers. Les truands se baladent en bande, masqués, armés, et n’ont pas peur une seconde de la police car ces derniers sont impuissants, moins nombreux et moins bien équipés, et contrairement aux premiers, intrépides et habitués à s’entretuer, eux ont des familles et ont peur de mourir. Le respect a disparu depuis des générations, les enfants caillassent les voitures et volent sous couvert d’être intouchables car mineurs, et les grands font leur trafic au grand jour, intouchables. De temps à autres des opérations tentent de secouer les fourmilières, mais il suffit d’une sous-merde d’ordure comme El Blancos pour trahir les siens et frapper ceux qu’on devrait célébrer.

Le film aurait pu être un « simple » constat effroyable de la cité faussé-haine, doublé d’un excellent film d’action au rythme parfaitement maîtrisé – et avec deux actrices particulièrement talentueuses : Adèle Exarchopoulos et Kenza Fortas – pendant ses 75 premières minutes, mais ce aurait été un portrait incomplet d’à quel point le monde est pourri jusqu’à l’os. Là où beaucoup auraient simplement conclu avec un petit épilogue, le film nous offre un quatrième acte relançant l’histoire sur une autre forme de pourriture : le système et ceux qui l’appliquent. Si la loi est mauvaise et empêche de faire respecter l’ordre, doit-on la changer ? Oui, mais il est tellement plus simple d’obliger les personnes les plus dévouées à se sacrifier pour ensuite les blâmer. Un système d’ordures bureaucrates, et au final tout n’est communication et marketing, car au fond que ce soit Marseille ou toutes les grandes, chacune possède ses quartiers de désolation, de non droit où la police n’est plus en mesure d’intervenir, ou si peu que les bienfaits sont immédiatement balayés. Et plutôt que de le dire, le film montre l’ampleur de la désolation, la violence de la frustration, l’amertume du mépris et de la couardise. Un tour de force de mise en scène et d’efficacité sur une réalité tout sauf agréable à voir, mais importante à comprendre.

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Docteur?


Docteur?
2019
Tristan Séguéla

Déjà qu’en temps normal je ne vais jamais chez le docteur, faire en plus appel à un médecin à domicile, de nuit et à Noël, on se demande bien quel genre de problème peut requérir un « simple » médecin et non directement le Samu pour foncer aux urgences. Quand en plus cela se passe à Paris et que le seul médecin de garde cette nuit là, Serge (Michel Blanc), est un alcoolique dépressif et qui a en plus perdu son fils le jour de Noël il y a six ans, voilà de quoi s’assurer une qualité de service optimale. Et ce qui devait arriva : il va picoler à outrance et se blesser, le rendant inapte à conduire et donc aider tous les gens ayant besoin de lui, faisant planer un risque de licenciement pour faute grave qui plus est. Mais dans son malheur il va faire la connaissance de Malek (Hakim Jemili), un jeune livreur au grand cœur qui va être ses yeux et ses oreilles pendant que lui va rester à lui souffler les réponses depuis la voiture.

Le concept du film est vieux comme le monde : le maître et son élève. L’un sait tout mais ne croit plus en rien, exerçant par obligation plus que par passion, tendis que l’autre ne sait rien mais va se découvrir une passion en participant au secours des autres. De fait tout est passablement attendu et prévisible, mais ça n’empêche pas le film d’être efficace et agréable à suivre. Même bougon et pas loin du connard fini, Michel Blanc reste cette figure de bienveillance, et son duo avec son nouveau fils de cœur est certes facile, mais non moins mignonne à défaut de réellement nous toucher. On aurait aimé une histoire de fond un peu plus poussée, le film enchaînant les missions (l’occasion de croiser Solène Rigot, Artus ou encore Frank Gastambide) sans autre forme d’enjeu que de renforcer les liens entre les personnages. Un manque d’ambition ? Probablement, le film citant Night Call dans ses références, film autrement plus ambitieux avec justement une trame de fond s’installant peu à peu et avec une vraie finalité autre que juste se reprendre en main. Un divertissement honnête donc, et on ne peut malheureusement pas en dire grand chose de plus.

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Oscar


Oscar
1967
Edouard Molinaro

Qui dit pièce de théâtre dit unité de lieu, peu de personnages et donc une écriture prenante avec le plus de situations rocambolesques possibles pour retenir l’attention du spectateur tout du long. Le huis clos comique de théâtre adapté en film a souvent donné lieu à de très bons films comme Le Père Noël est une ordure ou Le Prénom, et cette fois on revient sur un classique parmi les classiques, joué près de mille fois pendant une décennie entière (même si les deux acteurs principaux ont changé plusieurs fois et que le jeune prétendant n’avait pas expérimenté les planches) : Oscar.

Dans la vie, si vous voulez quelque chose, il faut le prendre. Bien conscient de ça, Christian Martin (Claude Rich) va tout simplement sonner chez son patron (Louis de Funès) de bon matin, non seulement pour lui demander une augmentation et pour lui annoncer dans le plus grand des calmes qu’il lui a volé des millions, mais qu’il fait en plus tout cela pour lui demander la main de sa fille. Voilà de quoi commencer sous les meilleurs auspices sa relation avec son potentiel futur beau-père.

Difficile de parler de l’histoire et surtout de qui est Oscar, personnage sans nul doute le moins important de l’histoire, mais dont l’attribution du titre de l’œuvre montre tout son style : un jeu de dupe. Quiproquos, imbroglios improbables et manigances à outrance vont ponctuer un récit des plus riches, une masterclass continue sur les arts oratoires. Les dialogues sont d’une perfection inouïe, les acteurs splendides, Claude Rich est majestueux, Louis de Funès se donne à fond et nous livre l’une des meilleures prestations de sa carrière, et on suit l’histoire, tantôt captivé par les retournements de situation, tantôt à rire aux larmes tant la force comique atteint des sommets. Alors oui, du fait d’être un classique absolu, le film possède tous les codes du genre et ne semble de fait pas avoir d’originalité avec le recul, mais son histoire reste un must d’efficacité et n’a pas prit une ride, et les performances valent le détour. Pour petits et grands, hier comme aujourd’hui, la puissance comique du film est tout simplement indéniable.

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La Mule


La Mule
2019
Clint Eastwood

La neuvième décennie et toujours pas trop vieux pour ces conneries ? Alors que papy Eastwood, comme on fini par le surnommer tant il semble vouloir poursuivre jusqu’à la mort, enchaîne doucement les bides retentissant avec une industrie qui commence à ne plus réussir à équilibrer les échecs du réalisateur, voici l’un de ses derniers vrais succès, retrouvant son acteur « fétiche » Bradley Cooper qui lui avait valu une pluie de nominations et surtout le plus grand succès de sa carrière : American Sniper.

Quand on traverse les âges, on voit la société évoluer et nous rejeter de plus en plus. Pour Earl Stone (Clint Eastwood), ce fut d’abord l’arrivée d’internet qui tua peu à peu son exploitation de fleurs, puis la crise économique qui fini par détruire son bel havre de paix. Un beau jour il fera la rencontre qui va changer sa vie : un dealer captivé par l’histoire de ce vieil homme qui a notamment sillonné le pays de bout en bout sans jamais s’être prit le moindre PV de sa vie. Entre lui cherchant une mule pour transporter sa drogue et Earl voyant son monde s’effondrer faute d’argent et à cause d’un système plus corrompu que le monde de la drogue, l’alliance sera évidente. Et qui pourrait soupçonner un vieillard qui n’a jamais fait un pet de travers en près de 90 ans ?

Le concept du film est d’une simplicité absolue : encore et toujours ce monde de merde qui n’aide jamais ceux qui jouent le jeu, alors à quoi bon. On suit donc d’un côté Earl, tentant de mettre à profit la dernière ligne droit de sa vie pour aider ses proches, car si l’argent ne fait pas tout, tout se fait avec de l’argent. Et de l’autre côté on suit le monde de la drogue (dirigé par Andy Garcia), cherchant simplement à répondre à la demande et surtout à leurs besoins primitifs de richesse et pouvoir, et la police (avec Laurence Fishburne, Bradley Cooper et Michael Pena) qui fait simplement son travail, pas pour l’argent mais toujours pour asseoir eux aussi leur pouvoir.

Des films sur la drogue, on en a eu des centaines, et malheureusement difficile d’y trouver un axe original. Le film y arrive néanmoins partiellement en racontant principalement cette histoire par le biais d’un vieil homme n’ayant plus rien à perdre, permettant de glisser quelques remarques que d’aucuns jugeraient choquantes de par leur manque de tact. A croire qu’il faut attendre 90 ans pour « dire les choses », bien qu’en réalité ce soit surtout de l’aigreur face à un monde qui ne change pas comme on aimerait. Reste que même avec un tel casting, l’argumentaire est léger : ce même personnage du vieil aigri, on l’a déjà eu en mieux dans Gran Torino, et côté film sur la drogue, Barry Seal était bien plus prenant. Avec en prime une fin trop banale et quelques soucis de rythme, le film peine donc à s’imposer dans un paysage cinématographique surchargé de productions bien plus abouties sur le sujet : Air America, Breaking Bad ou War Dogs, Blood Diamond et Lord of War dans des thématiques très proches. Le film est assez efficace dans l’ensemble, mais difficile d’y trouver tellement d’intérêt quand tous les thèmes abordés l’ont déjà été et en mieux.

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Bécassine!


Bécassine!
2018
Bruno Podalydès

Adaptation de la bande dessinée éponyme de Caumery et Émile-Joseph-Porphyre Pinchon, le film avait pour ambition de remettre sur le devant de la scène ce personnage de la culture française de « boniche bien brave » comme on dirait, quelque peu sombré dans un oubli absolu depuis sa parution en 1905 alors même que son prénom est entré au dictionnaire, devenant un adjectif péjoratif pour se moquer de la naïveté d’autrui. Il faut dire que ce ne sont ni le film de 1940 ni la version animée de 2001 qui ont pu revigorer la popularité du personnage tant les films ont été décrit comme oubliables voir mauvais, avec en prime un cuisant échec en salles.

L’histoire prend place en Bretagne (ou Picardie selon l’origine choisie mais je ne me rappelle déjà plus) à la fin du XIX° siècle. Fille de fermiers très modestes, Bécassine se rêvait vivant la grande vie à Paris, mais sans jamais oser y aller malgré les encouragements de son oncle (Michel Vuillermoz). Finalement, plus proche de la ménopause que de sa jeunesse, elle va se réveiller sur le tard et partir baluchon en main direction la capitale. Elle tombera alors sur la marquise de Grand-Air (Karin Viard) et son compagnon (Denis Podalydès), qui lui proposeront un travail de nourrice, lui faisant découvrir un rêve plus grand encore, celui d’une maman de cœur.

Outre mon amour pour les histoires se déroulant à cette douce période, mais généralement plus dans l’aristocratie britannique, ce film avait un autre argument de poids pour me convaincre : son réalisateur. Si la BD m’était totalement inconnue, son réalisateur nous avait – surtout moi – régalé de cette douce et improbable note poétique qu’est Comme un avion. Et avec en prime un casting solide (avec en plus de ceux cités Josiane Balasko et Vimala Pons), le projet était donc intéressant à plus d’un titre malgré la globale qualité désastreuse des adaptations de BD, mais vu le bide retentissant (à peine deux cent mille entrées avec une exploitation digne des plus gros blockbusters avec près de 700 salles et ce en plein mois de juillet, pour ainsi dire le meilleur de l’année) prudence était de mise. Et effectivement, dès les premiers instants le constat est terrible : personnages caricaturaux à outrance, jeu théâtrale insupportable et transposition catastrophique. Et tout du long le constat sera invariable, à savoir un enchaînement de gags et situations rocambolesques qu’on imagine fort bien dans une BD, mais qui à aucun moment ne fonctionne premier degré sur écran. Si petit à petit on fait l’effort de s’intéresser à l’histoire et aux personnages, le bilan reste sans appel tant pas une seule pitrerie ne fonctionne. Et même artistiquement, hormis quelques compositions musicales agréables, la réalisation est souvent raté, que ce soit les plans de nuit illisibles ou les mouvements de caméra trop cartoons. Pire encore, le personnage principal n’est pas crédible, alternant entre bêtise et ignorance absolue d’un côté, et génie créatif de l’autre. Sans être un navet absolu, le film ne fonctionne juste pas et prouve que chaque support possède ses propres codes et que le travail d’adaptation n’est décidément pas évident.

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Spider-Man New Generation


Spider-Man : New Generation
2018
Bob Persichetti, Peter Ramsey, Rodney Rothman

Alors qu’aujourd’hui sort une itération live particulièrement attendue du multivers, Sony avait déjà sondé le terrain avec une version animée trois ans plus tôt. Succès modeste vu la franchise mais très encourageant vu le faible budget (90 M$), le film avait récolté près de 390 M$ dans le monde, de quoi mettre en chantier pas moins de deux suites prévues pour 2022 et 2023. Entre ça, une nouvelle trilogie live et quantité de projets annexes sur les principaux antagoniste, les fans de l’univers de l’homme araignée sont ravis.

L’histoire prend place dans le même univers que celui de la toute première trilogie live initiée par Spider-Man, nous rappelant brièvement certains moment clés qui y sont liés, comme pour rappeler que non, le film ne s’adresse pas uniquement aux fans de comics mais au large public, celui qui se rue en masse à chacun des films live (point qu’il aurait été intéressant de mettre en avant dans le marketing pour rassembler davantage les spectateurs). L’histoire est néanmoins celle de Miles Morales, jeune adolescent afro-américain ayant grandi avec l’image du grand et unique Spider-Man, jusqu’au jour où lui aussi sera mordu par une autre araignée échappée d’un labo et lui procurant ainsi peu ou prou les mêmes pouvoirs. Il devra à son tour enfiler le costume et devenir un super héros pour faire face à ni plus ni moins qu’une menace de monde s’effondrant sur lui-même avec Wilson Fisk akka Le Caïd, inconsolable de la perte de sa famille et cherchant à ramener cette dernière d’un monde parallèle en ouvrant une brèche dans le multivers.

Assez perplexe quant au visuel du film de prime à bord, de même que ne connaissant Miles Morales et pensant immédiatement à de la pression woke nocive, il faut reconnaître qu’à quelques détails près le film fait un taff juste monstrueux. C’est visuellement grandiose, un comics prenant vie mais dans une version très élaborée, fourmillant de détails, d’une richesse graphique inouïe avec une inspiration de mise en scène démente. Quant à Miles, même si son histoire sent le réchauffé et que le film tente de lier ça au destin de façon un peu facile, il s’avère être un excellent personnage, clé d’entrée dans ce monde où nous aussi on a grandi en étant un fan de l’homme en collants bleus et rouges. En voir plusieurs à l’écran était une bonne idée, logique avec le scénario, même si au final, à part la version adulte, la version dark et surtout la ravageuse Spider-Gwen, le spider-cochon et la version manga ne passent pas, créant une dissonance dans cet univers visuel, à quelques bulles de comics près qui m’ont personnellement dérangées, l’ensemble fonctionne très bien. Malgré la quantité de personnages à introduire, faisant que les méchants notamment manquent de background, surtout les secondes mains, on est agréablement surpris tout du long à quel point le projet est solide et mené de main de maître. De quoi partir confiant pour la version live.

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Le Tigre et la neige


Le Tigre et la neige
2005
Roberto Benigni

De vagues souvenirs me hantaient sur un homme insupportable mais touchant pour l’une des plus belles romances jamais vues. Et pourtant, le film marqua la fin de la carrière de cinéaste de l’acteur italien et fut un sévère échec sur tous les tableaux. Après son très acclamé La Vie est belle (près de 230 M$ dans le monde), il obtint un budget conséquent de 30-35 M$ selon les sources, mais les critiques furent assez tièdes, la distribution difficile voire inexistante hors Europe, et au final le film a rapporté moins de 25 M$. Certes, il y a près de deux décennies de ça les ventes physiques étaient près de trois fois supérieures à ce qu’elles sont actuellement, et plus le temps passe plus un film s’amorti avec les rediffusions télé, donc pas de quoi s’alarmer, mais clairement le film méritait mieux.

Ah l’amour… Attention spoiler, mais il le faut, car s’il l’on peut aimer plusieurs femmes au cours de sa vie, il ne peut y avoir qu’un seul grand amour. Pour Attilio (Roberto Benigni), c’est la mère de ses enfants, Vittoria (Nicoletta Braschi), dont il est séparé désormais, mais qu’il aime toujours et essayera de reconquérir jusqu’à sa mort s’il le faut tant son amour pour elle est éternel. Ecrivant un livre sur le poète Fouad (Jean Reno), Vittoria était partie le suivre à Bagdad pour boucler la biographie, mais c’était justement le moment où la guerre en Irak a éclaté, et cette dernière fut grièvement blessée durant l’assaut américain. N’écoutant que son cœur, Attilio va tout faire pour la retrouver et la sauver.

Le film aurait pu être l’une des romances les plus touchantes et bouleversantes jamais réalisée, et elle l’est sur bien des points, mais le film a aussi de lourds défauts. Si en réalité le personnage d’Attilio est bien plus sympathique que dans mes souvenirs, avec notamment son cours virevoltant sur la poésie, pendant la quasi entièreté du film, son amour pour Vittoria manque de développement, de contexte. Pour le spectateur, elle n’est que potentiellement une ancienne amante qui se joue de lui et dont l’attirance semble surtout physique. Il faudra attendre la toute fin pour qu’on comprenne que celle qu’on prenait pour son ex femme était en fait une nounou, et que la Vittoria en question est en réalité son ex femme, et d’ailleurs femme du réalisateur depuis une trentaine d’années maintenant. Certes, le film fait exprès de ménager cette surprise, mais c’est en réalité une erreur tant le savoir nous aurait fait d’autant mieux comprendre son amour et sa dévotion, qui jusque-là passaient plutôt pour du harcèlement très lourd et déplacé. De fait, tout ce qui se déroule avant l’arrivée en Irak est assez poussif, et le moyen d’y aller est tellement génial qu’on aurait aimé que ce passage très drôle soit plus développé et encore plus dans l’excès. De même, on regrettera que le personnage de Fouad soit si peu développé, nous empêchant de pleinement comprendre ses motivations.

Pour autant, le film est grand et profondément beau. On parle tout de même d’un homme qui ne cesse d’être repoussé par son ex femme, mais qui continue de se battre inlassablement pour elle, au point de risquer sa vie en partant au beau milieu d’une guerre pour sauver sa moitié. Et c’est sur place que le plus dur sera à faire, devant se battre pour trouver de quoi la soigner et l’aider dans un champ de ruine où tout le monde se bat pour sa survie. L’abnégation à son paroxysme, la veillant nuit et jour quand il ne coure pas entre les balles pour trouver de quoi la soigner. Et la fin est juste magistrale, quoi que manquant un peu de finesse sur tous les set-up pay-off. Entre le tigre, les oiseaux, la réplique sur l’amour qui revient, le collier : le film n’avait pas besoin d’en plus y rajouter la révélation sur la mère. En faisant le choix de le dire d’emblée, on serait passé de rêves de pur fantasme et de drague à la limite de l’agression à quelque chose de plus naturel et romantique. Ce n’est plus une inconnue qui le fait baver, mais la mère de ces enfants qu’il ne cessera jamais d’aimer. Une belle ode à l’amour et à la persévérance, mais avec si peu de changement, le film aurait pu être bien plus fort.

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Wonder Woman 1984


Wonder Woman 1984
2020
Patty Jenkins

Assurément l’un des films les plus appréciés du DCEU, le premier Wonder Woman fut effectivement une bonne surprise, les critiques étaient excellentes, les ventes physiques qui ont suivi les excellents chiffres en salle (818 M$ dans le monde) furent très encourageantes, et la hype était à son maximum pour cette suite. Qu’importe la qualité du film, cette suite avait aligné toutes les conditions nécessaires pour assurer le milliard au box-office, mais c’était sans compter sur cette fameuse saloperie qu’on appelle Covid. Le film devait sortir en juin 2020, puis a été décalé en novembre, et il est finalement sorti fin décembre dans un contexte où les premières salles rouvraient péniblement dans quelques pays, et le film se voulait justement être le fer de lance de la réouverture. Seulement voilà, re-fermeture, sortie simultanée sur HBO Max, piratage massif et confinement sur une grande partie du globe ont fait de cette tentative de reprise l’un des cinq plus gros ratage de l’histoire : 200 M$ de budget brut (donc 350 M$ minimum avec les trois campagnes marketing pour les différents reports) pour des revenus bruts de 166 M$. Un carnage qui s’explique en très grande partie par le choix de sortir le film contre vents et marées de covid, et fut d’ailleurs pendant quatre mois le second plus gros « succès » de l’ère covid. En France, le film fut proposé en VOD en mars 2021, avant de débarquer en vente physique le mois suivant comme un vulgaire film de série B. Triste sort qui a pour l’instant tué la franchise, mais au delà du désastre commercial, impossible à pleinement évaluer de part l’omerta sur les chiffres en VOD/streaming, le film est malheureusement aussi en grande partie un désastre artistique.

Alors que les autres films de l’univers DC étaient clairs sur le fait que la super-héroïne n’avait pas renfilé son costume depuis la Première Guerre Mondiale, voilà une suite se déroulant pourtant dans les années 80. Suite ou pas vraiment suite ? Univers alternatif ? Aucune réponse, mais de quoi parle donc le film ? Eh bien comme par hasard, une pierre exhaussant tous les vœux va atterrir là où travaille Diana Prince (Gal Gadot), et comme par hasard un homme d’affaire raté (Pedro Pascal) cherchant désespérément ladite pierre va justement faire un don d’argent qu’il n’a pas à ce même institue, et comme par hasard il va tomber sur la pierre, et comme ça tombe bien il va réussir à la subtiliser à une employée (Kristen Wiig) qui bah alors là si si on vous jure c’est pas une facilité scénaristique, ça tombe incroyablement bien parce que c’est justement son type d’homme et elle va le laisser partir avec. Comment, les gens sont dégoutés que Steve Trevor (Chris Pine) soit mort dans le premier film ? Bah la pierre va le ressusciter !

Ce film devrait être étudié comme cas d’école sur à quel point tous les mauvais choix ont été fait. Ce qui fait avancer le scénario est systématique des coïncidences de l’enfer, et le film échoue à créer des enjeux. Comment se dire que Steve va rester, que le monde va vraiment partir en vrille définitivement quand on connaît déjà l’état du monde quelques décennies plus tard ? Et surtout, comment craindre pour qui que ce soit dans un film sans méchant ? Car oui, et c’est sans doute le plus gros ratage du film : le fameux arriviste et juste quelqu’un qui veut rendre fier son fils et prouver au monde qu’il n’est pas un raté qu’on peut laisser en marge de la société, et la Cheetah est juste une conne. Aucune transformation physique, du pouvoir mais sans but derrière, et au final ça ne change pas qui elle est au fond. En vrai la méchante du film serait Wonder Woman elle-même, préférant délaisser l’humanité et même voler le corps d’un innocent pour y projeter le souvenir de son aimé. Des enjeux inexistants donc, mais pire encore, le chemin pour arriver à l’une des conclusions guimauves les plus navrantes jamais vue doit passer par des pans entiers ne servant absolument à rien. Le film se veut grandiose, épique, international, et dans cet optique pour redynamiser un milieu de film qui ne fait que prolonger l’exposition d’introduction, on nous sort une bonne demi-heure de film en Afrique du Nord sur un sultan cupide, mais au final personne n’en ressort avec quoi que ce soit de plus, cela ne fait avancer aucune intrigue principale ou même secondaire, tout cela pour offrir des séquences d’action poussives et toujours sans le moindre enjeu. Mais au final le plus gros point noir du film est son époque : 1984. Alors que moult films ont su tirer parti de la nostalgie pour proposer quelque chose de frais et attachant, c’est ici un contexte qu’on oubliera sans cesse tant rien ne vient le rappeler, tant visuellement que thématiquement. La critique du capitalisme est limite moins pertinente à l’époque que maintenant, l’accent est très peu mis sur les costumes ou technologies de l’époque, et au niveau de l’étalonnage le film est très gris, loin des teintes colorées et décomplexées des années 80. Donc non, rien ne justifie d’avoir placé cette histoire en 84, et le film ne s’en sert à aucun moment, ou de manière totalement anecdotique.

Naufrage absolu donc ? Eh bien pas loin effectivement, car si tenter de ranimer l’humanité de l’espèce humaine fait écho au grand cœur de notre chère amazone, et si constater que son amour pour Steve est toujours palpable des décennies plus tard est touchant, dans les fait le développement est juste catastrophique, à la limite du nanardesque mais sans faire rire pour autant. Juste navrant. Reste donc une Gal Gadot toujours éblouissante, des effets spéciaux très corrects globalement (enfin vu le prix c’est tout de même la moindre des choses) et une intro sur l’île des amazones très réussie, mais les nouveaux personnages sont mal branlés, trop gentillets pour faire de véritables antagonistes, le scénario est poussif au possible, les enjeux saccagés, le rythme atroce (2h31 et plus de la moitié ne sert à rien) et globalement le constat est irrévocable : c’est juste chiant.

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