Les Enfants du temps


Les Enfants du temps
2020
Makoto Shinkai

Alors que les studios Ghibli sont à l’arrêt quasi total depuis Marnie il y a six ans, le studio CoMix Wave Films de la Toho a pour ainsi dire prit sa place en enchaînant grâce au même réalisateur deux des dix plus grands succès de l’histoire en matière d’animation japonaise. Après les records de Your Name, cette nouvelle histoire d’amour a frôlé la barre des 200 millions de dollars dans le monde, redonnant espoir à tous les amoureux de poésie et animation 2D tant la plupart des productions d’animation modernes en 3D n’ont pas ce supplément d’âme qui ont fait la renommée d’un pan entier du cinéma, et qu’on souhaiterait ne jamais voir disparaître.

Le film raconte la fugue du jeune Hodaka, 16 ans, étouffé par la campagne et rêvant de vivre à Tokyo. Mais sur place, entre le coût de la vie, l’égoïsme urbain, la pluie qui ne cesse de tomber (fun fact, il pleut plus à Tokyo qu’à Biarritz, ville de France métropolitaine ayant le plus fort taux de précipitations) et la difficulté à trouver un travail, il va vite déchanter. Il pourra cependant compter sur Suga, rencontré durant son voyage, qui lui proposera de participer à des articles sur des phénomènes paranormaux. C’est alors qu’il fera la rencontre de Hina, semble t-il capable de contrôler la météo.

Amour sur fond de paranormal, des adolescents et l’opposition campagne / grande ville. On retrouve les mêmes thèmes visiblement chers à son réalisateur (qui officie encore comme scénariste), et on pouvait donc craindre un traitement bon dans son ensemble, mais terriblement décevant sur sa conclusion. Heureusement, il semblerait qu’on puisse apprendre de ses erreurs, puisque malgré quelques frayeurs et cette propension à perdre de précieux moments de vie, le développement de l’histoire et surtout sa conclusion seront bien plus satisfaisantes. Un énorme soulagement, le film étant, malgré quelques relents mélancoliques, bien plus léger et joyeux que Your Name, ce qui fait qu’il est donc bien plus facile de l’apprécier. Les personnages restent assez stéréotypés, surtout pour les habitués du genre, mais la qualité d’écriture est excellente. Néanmoins, contrairement au précédent film du réalisateur, on a pas ce sentiment de frôler le chef d’œuvre, la faute à un côté fantastique pas assez poussé et un scénario assez simpliste. Moins d’envergure et d’ambition peut-être, mais plus maîtrisé certainement. On soulignera une fois encore la qualité ahurissante de l’animation, qui en terme de technique pure atteint des sommets inégalés. Techniquement, c’est sans doute le film d’animation japonais le plus beau de tous les temps, et on aimerait tant que cela soit mit au profit d’un univers plus ambitieux et onirique. En attendant, contentons nous d’apprécier cette petite romance si poétique et touchante, et réjouissons nous de son grand succès qui confirme le potentiel commercial de l’animation à l’ancienne, si chère à nos cœurs.

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Dark Waters


Dark Waters
2020
Todd Haynes

C’était il y a vingtaine d’années, une série de reportages alertaient sur la possible toxicité des poêles avec un revêtement en teflon, mais visiblement pas de quoi s’alarmer puisque cette matière et ses dérivés sont encore largement présents dans nos vies, comme par exemple les punaises, rubans adhésifs ou encore et toujours en cuisine avec désormais les plaques de cuisson. Et la société DuPont se porte mieux que jamais, affichant un chiffre d’affaire frôlant les cent milliards de dollars pour des bénéfices affolants au delà des 25%, ce qui en fait l’une des entreprises les plus rentable au monde. Et si je vous disais que la toxicité de leurs produits est avérée, intentionnelle, aurait déjà coûté la vie à au moins 150 millions de personnes au cours des dernières décennies et aurait été plus mortelle que le Coronavirus l’an dernier ? Affolant vous dis-je…

Effroyable histoire malheureusement vraie, elle prit place à la fin des années 90 alors qu’un fermier contacta un grand cabinet d’avocat, la Taft compagnie, pour enquêter sur l’empoisonnement de ses animaux, pensant que la décharge locale polluait la rivière. Cette histoire se passant dans sa ville natale où réside encore sa grand-mère, l’associé du cabinet Robert Bilott (Mark Ruffalo) va simplement se rendre sur place, juste histoire de jeter un coup d’œil à l’affaire. Face à non pas quelques cas isolés et mineurs, mais bien l’entièreté du bétail mort dans d’atroces souffrances en développant des cas sans précédents de cancers et malformations aiguë, il va accepter de mener l’enquête, loin de se douter de l’ampleur des méfaits qu’il va découvrir.

Imaginez l’un des plus grands groupes d’avocats d’entreprises, spécialisés dans la représentation de groupes chimiques, se rendant compte que l’un de ses clients, DuPont, qui se trouve être l’un des groupes les plus puissants de la planète, a sciemment et volontairement empoisonné non pas quelques milliers de personnes, mais l’absolue entièreté des 7 milliards d’habitants de la planète au nom du sacrosaint profit. Pour le cinéphile avide d’intrigues passionnantes, le film est une rare pépite, nous régalant de thèmes forts sur la morale et la quête de justice, avec à la clé une affaire des plus palpitantes, regorgeant de rebondissements historiques et à l’impact décuplé par deux mots lourds de sens : « histoire vraie ». Oui, tout cela est réel, et le film est d’autant plus important de par la connivence des médias et gouvernements, minimisant l’affaire, et le film a d’ailleurs fait l’objet d’une censure massive. Malgré des critiques exceptionnelles, le film a eu une distribution réduite, surtout en France où il est sorti quelques jours avant le premier confinement et fut un des seuls à ne pas avoir bénéficié d’une vraie seconde sortie à la réouverture des salles. Mais plus encore, alors que le film était acclamé, il fut totalement snobé par la totalité des cérémonies. Preuve de l’influence titanesque du géant américain ? A n’en point douter.

Le film fait montre d’une grande efficacité pour conter cette histoire, le rythme étant parfaitement maîtrisé entre les coups de maître et les révélations effrayantes, et c’était d’autant peu évident que le récit s’étale sur de nombreuses années. Un temps qui passe pas forcément très visible sur le visage des acteurs, notamment Anne Hathaway, mais ce manque de budget maquillage est compensé par le charisme des acteurs. Outre Bill Pullman, on retrouvera surtout Tim Robbins, plus charismatique que jamais et dont la force morale impressionnera. Quand un film met en avant un complot si dantesque que l’on se dit que l’humanité est si nocive qu’elle finira par s’auto-détruire d’ici la fin du siècle, avoir des personnes prêtes à prendre tous les risques pour rendre le monde meilleur fait chaud au cœur. Une leçon d’histoire, une leçon de vie, mais aussi une leçon de cinéma sur comment réveiller les consciences.

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Scandale


Scandale
2020
Jay Roach

D’aussi loin qu’on puisse remonter dans l’histoire de l’humanité, de par la prédisposition génétique qui fait que l’homme est naturellement (en moyenne) plus grand, plus fort, de nature plus violente et dominatrice que la femme, et comme on le voit également dans le règne animal, l’homme occupe naturellement une position dominante et il est prédisposé par sa nature même à être un prédateur sexuel puisque c’est à lui de faire la cours et de se battre contre les autres mâles. En a résulté l’évolution naturelle de la société où l’homme occupe des places plus importantes, sur-représenté dans les rôles décisionnaires et de direction. Oui mais voilà, la sédentarisation, le confort et l’évolution de la médecine ont fait en sorte d’adoucir et rallonger la vie, transformant peu à peu des vies précaires avec une certaine urgence à assurer sa descendance en des vies plus oisives, permettant un vrai libre-arbitre faisant disparaître le bestial (l’essence ?) en nous. Ainsi, certains hommes ont désormais le choix de se laisser porter, transmettant un fardeau que certaines femmes se délectent d’assumer. Le monde change, la norme d’hier devient une aberration de demain, et c’est ainsi que très récemment, le monde s’est rendu compte que les puissants étaient aveuglés par leur pouvoir, profitant de jolis minois dont la nature généreuse leur permettait de réussir.

Ainsi, le film revient sur un scandale qui a éclaboussé la chaîne de télévision américaine Fox News en 2016 : peu après son renvoi, une présentatrice porta plainte contre le président de la chaîne, l’accusant d’harcèlement sexuel. Une journaliste en fin de carrière, licenciée et qui ne trouvera sans doute plus jamais de travail, tentant de soutirer un plus gros chèque de départ ? Certains auraient tôt fait de le penser, mais peu à peu le silence va cesser et les voix vont s’élever.

A l’échelle de l’humanité, le phénomène d’écart des richesses a prit une ampleur phénoménale à mesure de l’évolution des technologies de communication : radio, téléphonie, télévision puis internet. De tout temps certains hommes ont su faire fructifier des affaires florissantes, mais jamais autant à la fois et à un tel niveau. Il n’y a jamais eu autant de milliardaires, mais sans aller jusqu’à un tel niveau, donnez du pouvoir et des millions à quelqu’un et très vite le sentiment de toute puissance lui fera perdre toute notion de réalité. Quand l’écrasante majorité de ses immenses fortunes ou personne de pouvoir sont des hommes, il n’est pas étonnant qu’un grand nombre aient eu des comportements choquants et répréhensibles. La différence c’est que maintenant, de par l’évolution de la société les femmes veulent plus de pouvoir, et depuis de nombreuses générations, les femmes abusent de leur beauté pour y parvenir. Un jeu à double tranchant : les hommes abusent outrageusement de leur position, mais jusqu’alors les femmes leur donnaient raison en utilisant leurs charmes pour gravir les échelons.

C’est donc assez hypocrite de crier au « scandale » dans la mesure où – et c’est totalement assumé – accepter de rogner sa vertu pour satisfaire un vieux libidineux permet une ascension professionnelle autrement impossible ou plus incertaine. Et puis d’ailleurs, quelle est donc cette obsession moderne si véhémente pour les pêchés de chair ? En quoi sacrifier sa vertu (parce que là on ne parle pas de viol mais de pression professionnelle) est plus grave que monnayer sa morale ou ses convictions ? Par exemple le film montre que pour leur travail des personnes acceptent de véhiculer des messages contradictoires à leurs convictions ou à cacher ce qu’ils sont. Là encore, on ne parle pas de traumatisme de viol, mais d’accepter des attouchements ou avances en échange d’une ascension professionnelle. Soyons un peu extrême dans la comparaison et remontons à la Seconde Guerre Mondiale. Quel est le pire crime ou traumatisme psychologique entre d’un côté une femme qui serait responsable d’un goulag, où elle aurait envoyé des milliers de gens à la mort car c’était son métier alors qu’elle était idéologiquement contre le gouvernement de Staline, et de l’autre une femme française ambitieuse persuadée que les allemands allaient gagner et qui a choisi de céder aux avances d’un haut soldat nazi ? En imaginant bien sûr qu’elle ait eu la chance de simplement finir veuve et pas en plus traitée comme une putain traitre à son pays et à qui on aurait rasé le crane. Et dire que certains croient qu’une alliance extraterrestre surveille la Terre et serait intervenue pendant la Guerre Froide pour éviter qu’on ne disparaisse à cause d’une guerre atomique. Oh non, clairement chaque page de notre histoire montre à quel point nous ne mériterions pas d’être sauvés…

Et le film dans tout ça ? Eh bien du point de vue de son histoire il a le mérite de montrer la réalité du pouvoir : les femmes abusent de leurs charmes, et cette course perpétuelle à la gloire ou à la richesse permet de faire régner une loi du silence qui arrange un peu tout le monde. Le problème c’est que le film veut se poser comme l’étincelle qui aboutira quelques mois plus tard au mouvement « Me too » et à la libération de la parole, mais dans les faits on reste sur un vieux pervers dégueulasse aux mains baladeuses, exerçant la fameuse pression du patron avec fourberie, mais en face le carriérisme exacerbé obtenant récompense est une forme d’acquiescement, ce qui a pour terrible effet de perpétuer la tradition. C’est donc un non événement, aucune révélation vraiment choquante, et on a vu tellement pire que l’histoire manque de fait d’envergure. L’hypocrisie du milieu et les retournements de veste en fonctions des avantages de carrière ou opportunité de timing empêche aussi d’avoir des victimes totalement blanches et un bourreau totalement noir. Dans les points positifs, on notera un casting vraiment excellent avec un travail de maquillage très abouti, d’ailleurs récompensé aux Oscars. Parmi les personnages importants, on retrouvera Charlize Theron, Nicole Kidman, John Lithgow, Margot Robbie et Kate McKinnon, mais on retrouvera également Allison Janney, Malcolm McDowell, Alice Eve, Ashley Greene, Madeline Zima ou encore Jennifer Morrison dans des rôles de quasi figuration. Pour l’histoire que le film veut raconter, il n’y a pas grand chose à redire, si ce n’est que certains choix, comme de présenter tout l’arrivisme et la fausseté de certaines femmes, font que l’impact déjà moindre se retrouve encore plus affaibli. Le monde est hypocrite à un point ahurissant, faisant mine de se réveiller et entamant un long processus de nettoyage de l’élite, mais aussi longtemps qu’il y aura des femmes voulant tirer avantage de leur physique, il y aura toujours quelque part un homme puissant souhaitant en profiter.

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2067


2067
2020
Seth Larney

Avant que le Covid ne soit venu régler le problème de liberté et joie de vivre, un autre sujet avait pour but de nous dire que « on va tous crever à cause de nous-même » et ainsi nous empêcher de vivre simplement : l’écologie. On y retournera probablement un jour une fois la folie des gestes barrières passée, le film nous plonge en plein dedans, et pas dans la subtilité.

Le film prend place en 2067 (nan sans dec !?) alors que la déforestation, le réchauffement climatique et la destruction des algues de mer ont peu à peu fait raréfié l’oxygène sur Terre, et visiblement tout le monde a regardé la situation dégénérer au point de brûler la dernière trace de végétation (mais du coup ils mangent quoi ? Si y’a pas de plantes y’a pas de récolte, donc pas d’animaux non plus). L’air est devenu la denrée la plus précieuse, au point de s’entretuer pour une bouteille de survie, et c’est une simple question de mois avant que l’humanité ne disparaisse totalement. Le dernier espoir réside dans un portail temporel, qui semble relié à l’année 2474, et les signaux détectent un excellent niveau d’oxygène. Plus encore, de la vie intelligente semble avoir perduré, la machine ayant reçu un message du futur : send (envoyer) Ethan Whyte (Kodi Smit-McPhee).

Alerte spoiler : absolument rien dans ce film n’est cohérent. Bon déjà comment la végétation peut-elle totalement être éradiquée de la surface de la planète en seulement quelques décennies ? Et comment l’humanité trouve t-elle l’oxygène de ses bouteilles ? Que mange t-elle ? Comment la machine peut-elle envoyer Ethan si elle n’est censée marcher qu’avec lui alors que ce n’est pas lui qui la lance ? Et alors pourquoi son ami peut-il être aussi envoyé juste après ? Comment des gens habitués à un faible niveau d’oxygène (et visiblement depuis toujours pour Ethan) arrivent-ils à ne pas avoir leurs poumons qui explosent en 2474 ? Mais plus important encore, pourquoi le film ? Pourquoi ne pas envoyer directement les gens ? Bon après on a aussi toutes les incohérences temporelles, mais c’est presque acceptable à côté, et le fait qu’il est suivi une formation adaptée donne un semblant de logique, mais la suspension d’incrédulité est forte de café. Pourtant, dès le début le film nous cueille plutôt bien. Il faut dire qu’en plus d’être un bon acteur en l’occurrence, Kodi Smit-McPhee a tellement le physique d’un rescapé de monde ravagé ! 1m85 pour à peine 50 kg, l’acteur est littéralement un tas d’os sous appareil respiratoire, et c’est ce qu’on appelle être taillé pour un rôle. La première révélation de taille une fois arrivé en 2474 est un sacré choc, et malgré un budget visiblement ridicule vu la faiblesse des décors et le niveau abyssal des effets spéciaux, on aurait presque tendance à apprécier le voyage. Reste que oui, le scénario est une vaste blague dans son ensemble, mais il persiste quelques bonnes idées. Non, le film n’est pas bon, mais les temps sont durs, la SF se fait rare, et tout n’est pas à jeter.

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Dans les yeux d’Enzo


Dans les yeux d’Enzo
2020
Simon Curtis

Sorti en août 2019 aux Etats-Unis où il fut un assez joli succès, le film n’est jamais sorti en salle chez nous, ni même en VOD ou vente physique DVD / Blu-Ray. Il aura fallut attendre plus d’un an pour que finalement le film débarque sur la plateforme de streaming Disney+ en France. Mais pourquoi attendre ce film ? Si les sentiments des humains vacillent, ceux des animaux sont éternels, et rien n’est plus pur que l’amour d’un chien. Avec en prime un casting alléchant, il ne m’en fallait pas plus pour foncer, mais attention aux dérapages sous la pluie…

Raconté du point de vue d’Enzo, un labrador, le film retrace l’amitié d’un chien et de son maître, Denny (Milo Ventimiglia). Tout deux passionnés par la course automobile, Enzo va devoir faire avec une autre passion de son maître : Eve (Amanda Seyfried). Les joies et les peines d’une famille sur laquelle la pluie ne cessera de tomber.

Voilà le genre de film qu’il faudrait peut-être éviter pendant cette période sombre : dès la scène d’introduction, flashforward où Enzo est déjà un vieux chien en fin de vie, le ton est donnée. Ne vous attendez pas à une comédie détendue où il fait bon vivre, car à l’image de la vie elle-même, il y a effectivement quelques moments de joie, mais dans un océan de chagrin. Le genre de film où rien ne vous est épargné, où à chaque fois que la vie te jette à terre et qu’on croit toucher le fond, un imprévu rabat les cartes de manière à vous enlever le peu de réconfort qu’il subsistait. Du pathos larmoyant assez prévisible, mais pas si efficace non plus : pour beaucoup on en restera à la « simple » boule à la gorge, alors même qu’un second visionnage de Marley & moi m’avait tiré les larmes l’an dernier. Difficile donc de conseiller ce film, mais pour autant il n’en reste pas moins réussi : la famille (nucléaire) est touchante, l’amitié homme-chien attendrissante, et le point de vue narratif, sans être révolutionnaire, a le mérite de changer un peu. Si vous êtes dans un état de solitude extrême, fuyez, mais dans le cas contraire ça reste un joli film touchant.

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Emma


Emma
2020
Autumn de Wilde

Voilà un film qui sur le papier me tiraillait : j’adore l’époque victorienne (certes, le film se passe avant, mais le siècle d’avant et les quelques décennies suivantes sont aussi chères à mon cœur, on restait à peu près dans la même ambiance), le casting m’alléchait, mais la base de l’histoire a de quoi refroidir. Disons-le clairement : je déteste Jane Austen. Ses histoires sont pratiquement toutes centrées sur des protagonistes passés maîtres dans l’art de l’auto-sabotage, comme si le monde entier était destiné au malheur par connerie et non-dits. Dans les faits c’est très vrai, mais ne doit-on pas avoir plaisir à voir un film ? Mais on m’a assuré du caractère plus léger et divertissant de cette œuvre, donc tentons l’expérience, il faut savoir parfois laisser de côté son orgueil et ses préjugés.

Dans un domaine de la campagne anglaise, Emma Woodhouse (Anya Taylor-Joy) a grand plaisir à disposer de sa cours, aimant jouer les entremetteuses et colporteuses. Héritière du domaine de son père (Bill Nighy), elle n’a peu cas de son avenir, sa fortune étant établie et son destin n’ayant pas à reposer sur un bon mariage, elle a donc loisir à s’occuper d’abord des autres, s’étant entichée de la nouvelle pensionnaire d’une école de jeunes filles de bonnes familles, Harriet Smith (Mia Goth).

Depuis Split et même depuis The Witch pour certains, The Queen’s Gambit n’a fait que confirmer le phénomène : le monde entier est aux pieds d’Anya Taylor-Joy, et je dois avouer qu’à force je comprend, c’est éminemment une immense actrice, et sa nomination aux Golden Globes n’est pas surfaite. Mais mine de rien l’ensemble du casting est excellent aussi, le sourire et la simplicité d’Harriet ne laissent pas indifférent, le personnage du coquet plafroquet Knightley (Johnny Flynn) fini par nous emporter, et on s’amuse de retrouver des têtes connues du petit écran : Gemma Whelan, Yara dans Game of Thrones et inspectrice dans The end of th f***ing world, mais aussi Tanya Reynolds et Connor Swindells de Sex Education, aux physiques il est vrai « so british ». Si on retrouve la pâte indéniable de Jane Austen, il semble qu’elle fut dans l’un de ses meilleurs jours au moment d’écrire la fin de son livre, donc rassurez-vous, ça ne sera pas le même gâchis infini auquel elle nous a tant habitué, même si le sabotage et coïncidences malheureuses seront légion. C’est assez dommage d’user de quelques facilités scénaristiques de la sorte, mais très vite on s’attache aux personnages et on apprécie en toute simplicité les moments de vie partagés. L’humour marche bien, le ton est léger, maîtrisé, et on remarquera même la musique, plus qu’agréable puisqu’on s’étonnera de ses envolées. Reste quelques soucis de rythme, une fin qui aurait pu arriver plus tôt, et puis surtout le fait que Downton Abbey soit passé par là, et qu’il est donc regrettable de ne voir qu’un pan de cet univers quand on sait toute la richesse et la complémentarité des deux facettes de la société de l’époque. Un très bon film, mais il manque des enjeux de plus grande envergure ou une irrévérence plus provoquante pour marquer plus durablement.

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La Plateforme


La Plateforme
2020
Galder Gaztelu-Urrutia

Oh oui youppie, Netflix propose des films originaux, forts ! Fermez vos gueules, un tel niveau de connerie m’exaspère. Immense buzz (et en matière de publicité il n’y a pas de mauvaise pub bien sûr) le film a énormément fait parlé de lui, et pour cause, il repose sur un concept fort : des gens enfermés par deux dans des cellules, et une plateforme qui va de haut en bas apportant de la nourriture, et chacun se sert au passage.

Face à un tel concept, les questions pleuvent. Déjà, si on a peur de manquer mais qu’on a la chance de se situer à un niveau correct, pourquoi ne pas en stocker ? Eh bien le film y répond dès les premières minutes : l’étage en question où une personne possède de la nourriture quand ce n’est pas son tour de plateforme, verra sa température atteindre une chaleur intenable ou un froid mortel. Pareillement sur pourquoi ne pas monter sur la plateforme pendant qu’elle remonte : elle va bien trop vite. Peut-être ceux qui voient le fond et meurent de faim pourraient essayer alors ? On ne sait pas, et c’est d’ailleurs le problème. Le film essaye de répondre à quelques questions de base au début, pour nous endormir, puis plus rien. Il n’y aura plus aucune autre réponse. Rien sur qui sont les organisateurs, comment cela fonctionne t-il. Eh bien oui, même si on parle de gaz, il n’y a nulle porte, et comment la plateforme fait telle pour léviter ? Pareillement, le film n’utilise pratiquement pas le fait de pouvoir voir et potentiellement communiquer avec ses voisins d’étage. Par communication, les gens pourraient savoir ce qu’il se passe au premier étage, chose que l’on ne saura jamais, ou ce qu’il se passe tout en bas, et combien d’étages il y a, ce qui est sujet à débat.

Avant de parler des problèmes plus fondamentaux du film, son concept est déjà mal réfléchi, mal exploité, et trop autocentré sur la survie. Les gens en ont bien plus conscience aujourd’hui de par la situation actuelle : le corps résiste bien mieux que l’esprit, et la nourriture physique n’est que peu de choses face à celle de l’esprit. Bon certes le film aborde aussi la folie et le suicide, mais ça reste tellement superficiel et stupide. Est-ce une étude psychologique ? Une prison de torture ? Un jugement divin ? Non, juste le délire d’un scénariste malade, véritable psychopathe qui ne jure que par la provocation. Honnêtement, je pense que la seule idée était une métaphore de l’échelle sociale, avec tout en haut des porcs qui se goinfrent, au milieu des aigris qui lèchent leurs restes, et en bas ceux qui s’entretuent pour se bouffer entre eux. Quelle que soit notre position, on est forcément une ordure, crachant toujours sur ceux qui sont en dessous, en plus on descend moins l’entraide existe. Des propos fades et nihilistes, reposant sur un scénario assez incohérent où les gens sont d’une connerie aberrante, où tout du long le but n’est que de choquer et dégoutter en montrant les choses de la façon la plus sale possible. En vrai, de par l’état d’hygiène général, personne ne pourrait survivre plus d’un mois, car dès le niveau 2 on ne peut plus rien garantir (ont-ils pissé ou chié dessus ? Bonjour staphylocoque dorée). Et le film poursuit sa logique fataliste dans le plus grand dégoût jusqu’à sa toute fin, aussi futile que le reste. Rien ne tient la route, tout n’est que provocation gratuite, et à titre personnel ce genre de film est purement néfaste, donc à éviter à tous prix.

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Les Sept de Chicago


Les Sept de Chicago
2020
Aaron Sorkin

L’ignorance est parfois une bénédiction, et je n’aurais qu’une chose à dire : foncez voir ce film, disponible sur Netflix. En France nous avons eu mai 68, qui ressemblait de loin à un caprice d’adolescents en quête de liberté. Chose qui fait doucement rire aujourd’hui puisque c’est au nom de ces mêmes jeunes de 20-30 ans de l’époques qui sont désormais dans la tranche 75+ que nous sommes désormais privés d’absolument toutes nos libertés dans la pire des dictatures de l’histoire de l’humanité. Mais bref. Pendant ce temps-là aux Etats-Unis, l’histoire avait un goût de prophétie : l’état tout puissant sacrifiait ses jeunes au nom de magouilles dont on ne saura jamais pleinement tous les tenants et aboutissants.

Comme vous pouvez vous en douter, l’histoire est donc une histoire vraie qui s’est déroulée en 1968 aux Etats-Unis. A cette époque, le pays était fracturé par la guerre du Viêt Nam, qui démarra certes en 1955, mais qui connu un tournant majeur en 1965 suite à un engagement plus grand de la part du pays, mobilisant de force les hommes en âge de se battre comme lors des grandes guerres mondiales. Beaucoup jugeaient l’intervention américaine comme illégitime, s’offusquant donc de la mobilisation générale obligatoire, et lors de l’été 68, une manifestation dégénéra à Chicago. Le film retrace donc le procès de sept manifestants jugées responsables.

Sans avoir les chiffres exacts déjà difficile à vérifier (officiellement 60 000 soldats américains morts et 4 millions de vietnamiens, dont on peine à croire que plus du quart étaient des « soldats »), le spectateur moyen sait bien que la guerre du Viêt Nam fut une sacrée vacherie à base de peuple massacré, villages torpillés, femmes et enfants violées et représailles explosives. A croire que le génocide des amérindiens était un échauffement. De quoi faire douter le plus croyant de tous tant la colère divine aurait dû rayer l’humanité de la carte pour ses exactions. Mais tous ces sujets ont été abordés dans maintes films de guerres, on le sait, et c’est justement de la face cachée dont il sera question ici : les complots gouvernementaux.

Concernant l’histoire, je n’en dirais pas un mot de plus, il faut ménager les suspenses sur cette histoire trop méconnue, d’autant qu’elle prend son temps. Si tous ne sont pas importants et font de la simple figuration, il y a tout de même huit inculpés contrairement à ce que le titre – dont ceux des journaux de l’époque – laisse croire, et il faut aussi introduire le juge, les avocats et procureurs, ce qui fait tout de même beaucoup de monde. Une habitude pour celui qui est considéré comme le plus grand scénariste d’Hollywood à qui l’on doit notamment The Social Network, prodige du genre, et le tour de force de gérer autant de personnages est ici encore pleinement maîtrisé. Tous n’ont pas vocation à être pleinement développés, comme les deux pantins qui n’avaient rien à faire parmi les accusés, et pour ceux qui avaient de vrais enjeux personnels, ils sont portés par des acteurs au meilleur de leur forme, avec à la clé un casting purement exceptionnel : Eddie Redmayne, Sacha Baron Cohen, Mark Rylance, Frank Langella, Joseph Gordon-Levitt, Yahya Abdul-Mateen ou encore Michael Keaton.

Alors oui, les arts oratoires me touchent particulièrement, j’ai soif de justice, de vérité, de liberté, donc un film de procès sur des politiques qui répriment le peuple, le concept ne pouvait que me séduire, mais au delà de ça il y a l’aspect historique : tout cela s’est vraiment passé, et pourtant le peuple continue inlassablement de se faire berner et entuber. Je dois bien avouer que durant la première moitié, je regardais simplement un bon film, d’un œil distrait, mais soudain les choses s’emballent, la rage nous gagne, l’injustice nous révolte et on s’insurge. Outrage à la cours ? Outrage à la vie ! J’accuse le juge de bafouer les libertés élémentaires ! J’accuse ce procès de n’en avoir que le nom, que le verdict a déjà été rendu et que tout cela n’est qu’une vaste supercherie ! Peuple, révoltez-vous et que notre sang coule jusqu’à ce que plus rien ne puisse laver les mains des corrompus ! Et jusqu’à la toute fin mes mains n’ont cessé de trembler, ébloui par le charisme et le courage d’hommes qui par leur seule présence rendent le monde meilleur. Finalement, ce monde n’est peut-être pas perdu.

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Minuit dans l’univers


Minuit dans l’univers
2020
George Clooney

Vendu comme l’Interstellar de Noël par Netflix, le film jouissait aussi de la présence devant et derrière la caméra de George Clooney, qui a déjà fait ses preuves en tant que réalisateur. Néanmoins, connaissant la politique de Netflix, qui avec le crise du Covid risque bien de devenir la norme mondiale à force, on sait qu’ils préfèrent minimiser les coûts et que les vraies grosses productions sont vouées à disparaître. Difficile donc de revendiquer une même ambition avec un budget divisé par deux, voir trois ou quatre.

Le film se déroule en 2049 alors que la Terre est devenue de plus en plus inhabitable à cause de la pollution et du dérèglement climatique, ayant prit une ampleur ingérable au cours des dernières années. Les derniers survivants sur Terre se terrent dans des abris souterrains, et l’arctique est l’un des derniers endroits « viables » où s’est réfugié le scientifique Augustine Lofthouse (George Clooney). Le dernier espoir de l’humanité est une lune de Jupiter : K23. Une mission doit justement en revenir (avec à son bord notamment Felicity Jones, David Oyelowo et Kyle Chandler), et Augustine va tout faire pour les prévenir de rebrousser chemin.

La science-fiction est l’un de thèmes préférés, car le cinéma est fait entre autre pour s’évader, pour vivre des expériences impossibles dans la vraie vie. Depuis que l’homme a un jour posé son regard sur les étoiles, il ne rêve que d’y voyager, lui qui voyage pourtant si peu sur sa propre Terre. La première moitié du film se concentre justement sur le vieux scientifique isolé dans une station de recherche au Pôle Nord, devant traverser mille dangers pour rejoindre une autre station, et l’autre moitié se concentre sur le vaisseau en provenance de K23 qui doit revenir sur Terre. Le vieil homme mourant, une petite fille pleine de vigueur : le duo fonctionne bien, mais rien de très original ni passionnant, et la narration a de bien gros sabots tant tout se voit venir à des kilomètres. Pour l’équipage, faisant de la pure figuration durant toute la première moitié du film, les histoires de chacun nous indiffèrent au plus haut point, et leurs péripéties ont déjà été vues des centaines de fois, et en tellement mieux et plus cohérent. Comment ont-ils pu laisser passer le coup de la blessure franchement ?! Foncièrement le film n’est pas mauvais ni mal fait (enfin pas trop), mais il est simplement « classique », mal équilibré et trop évident dans son scénario, qui peine d’ailleurs à justifier – voir ne tente même pas – la situation sur Terre. Et puis surtout, il y a cette pirouette scénaristique complètement claquée et incohérente (le bleu et le vert sont deux couleurs différentes hein) qui rend inutile la moitié du film. Avec en prime une fin qui laisse perplexe (au moins dans Passengers par exemple il y avait des dizaines de milliers de colons), il serait vraiment difficile de conseiller ce film, même aux amateurs les plus acharnés du genre.

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Final Fantasy VII Remake


Final Fantasy VII Remake
2020
PS4/PS5

Incontestablement classé parmi les plus grands RPG de tous les temps au panthéon du jeux-vidéo, Final Fantasy VII n’en fini plus de faire fantasmer les joueurs depuis sa sortie en 1996 au Japon puis l’année suivante dans le reste du monde. Il faut dire qu’outre la révolution de l’époque, un peu gâchée par une mise en scène kitch et une localisation à la truelle mais qu’on excuse par nostalgie et de par la richesse colossale du contenu et de son univers, la saga a su entretenir la flamme. Depuis le modding a permis au jeu de rester voir devenir agréable à l’œil, mais ce qui a surtout fait perdurer la saga fut les nombreux jeux spin-off, dont on retiendra surtout Crisis Core, à l’immense potentiel gâché par du remplissage ennuyeux à souhait mais possédant quelques très grands moments, mais aussi un film d’animation qui a bouleversé le paysage cinématographique mondial : Advent Children. Prouesse visuelle frisant la perfection mais foncièrement vide, le film poursuivait un fantasme qui hanta les fans de la première heure pendant une décennie entière : le « trailer » de l’E3 2006. Servant de vitrine pour la PS3, le trailer montrait ce que pourrait donner un remake de Final Fantasy VII sur PS3, seulement il ne s’agissait là que d’une démo technique, rien de plus. Faire un jeu 3D moderne ne demande pas la même charge de travail qu’à l’époque, et Square-Enix estimait qu’il leur faudrait 30 ans pour réaliser un véritable remake aussi ambitieux ! Ce fut la douche froide, et l’univers étendu s’arrêta aussi tôt.

Mais soudain, alors qu’on ne l’attendait plus, une bande-annonce d’un véritable remake fut annoncé en grande pompes à l’E3 2016, soit dix ans pile après la fausse annonce. Des combats s’annonçant dantesques, des images à couper le souffle. Après un Final Fantasy XV extrêmement décevant et au développement catastrophique, le studio avait grand besoin de redorer son blason, mais un point annoncé très tôt vint calmer les ardeurs. Non, le jeu ne sera pas un remake de l’ensemble du jeu d’origine, ni même du premier CD, mais seulement de la partie sur Midgar, qui comptait à peu près pour 5 heures des 40 heures du scénario de base. Sachant que le jeu ne décollait vraiment qu’une fois avoir quitté Midgar, partant découvrir le monde, il y avait de quoi craindre pour la durée du jeu, son intérêt, mais aussi sur le temps qu’il faudra attendre pour en voir le bout. Cinq jeux ? Plus ? Etalés sur plus d’une décennie ? Le temps nous le dira, mais il est l’heure de faire un premier bilan de cette introduction de l’un des jeux les plus mythique de l’histoire.

A noter que le test a été réalisé sur une version « mise à niveau » PS5

Graphismes : 18/20

C’est évidemment la première chose qui frappe avec le jeu : il est beau. Plus que ça, il est même absolument parfait. C’est là toute là force d’un monde fantastique et du jeu vidéo, du moins dans ce style là, c’est qu’il n’a pas à être pleinement réaliste ou totalement photo réaliste. Le jeu peut se permettre quelques effets de style, de direction artistique, et la lumière peut se permettre de dépasser la réalité, de même que les personnages peuvent avoir un style un peu cartoonesque, du moins ne pas respecter totalement la réalité. Par rapport au film d’animation qui a imposé dans l’imaginaire collectif ce à quoi ressemblait « pour de vrai » cet univers, le jeu est en temps réel aussi abouti que le film d’animation, c’est dire la prouesse. Pour ce que le jeu veut faire, c’est parfait, et la fluidité est à toute épreuve. Les jeux de lumière sont stupéfiants, la mise en scène grandiose, et les effets lors des combats impressionnent. Pourquoi pas 20 alors ? Si la version PS5 corrige quelques soucis, sur le plan technique il n’en reste pas moins qu’il arrive de tomber sur des décors moins travaillés, les fameuses « textures baveuses », et certains PNJ ont clairement des modèles fait « à l’arrache », ou tout du moins avec un degré de finition tellement moindre que la différence est flagrante. De même, ne pas sortir de Midgar abouti inéluctablement à une frustration immense et une redondance terrible des décors, bien que le jeu fasse preuve de beaucoup d’imagination pour se renouveler, mais ça ne suffit pas. On a hâte de voir la puissance du moteur et des effets de lumière dans des décors plus originaux.

Jouabilité : 16/20

On en rêvait, on y est presque. Si sur le fond le film Advent Children était assez décevant, en termes de combats le spectacle était total, et manette en main on rêvait de retrouver les mêmes sensations. Si c’était pour retrouver du tour par tour, autant jouer au jeu d’origine, qui restera un must intemporel de toute façon. Eh bien le jeu se rapproche sensiblement de ce qu’on pouvait espérer, proposant de l’action RPG incroyablement bourrin et jouissif, tout en restant technique. En fait, le jeu est très proche des jeux de combat Dissidia, avec le même système de jauge de PV et de choc, avec des attaques plus ou moins efficaces sur l’une des deux, et mettre un ennemi en état de choc permet de faire baisser bien plus vite ses PV. Sur certains c’est inutiles, sur d’autres c’est indispensable, avec pas mal d’entre deux qu’il faudra jauger. Dans tous les cas, le jeu se veut très accessible, proposant un mode facile où l’on peut foncer dans le tas sans se poser trop de question, un mode difficile où chaque erreur sera potentiellement fatale (avec l’éternelle obligation de lvl up), et le mode Normal, pour ceux qui veulent se donner bonne conscience alors qu’il auraient probablement plus de plaisir sur le mode facile. Chaque personnage se joue d’une manière totalement différente, renouvelant l’expérience et permettant de corriger les faiblesses des uns par les forces des autres, et c’est globalement très plaisant. Reste deux soucis notables : l’absence de recover (touche rond dans les Kingdom Hearts et Dissidia), permettant de se rétablir après un choc aérien, évitant de se faire enchaîner salement. Ce premier point brise parfois le rythme, et on comprend mal cette absence. L’autre souci notable est le faible sentiment de progression. Certes, le jeu est une première partie et on imaginait mal débloquer l’omnislash directement, mais n’avoir que deux limites et si peu de techniques est dommage. On regrettera aussi le faible intérêt des missions annexes, et surtout la lourdeur du chapitrage coupant toute envie de tenter le 100%. A noter aussi une grande déception incompréhensible, alors que c’était un principe de base repris sur tous les autres jeux depuis : le niveau maître d’une matéria n’en génère plus une nouvelle, alors que c’était la base même du farming et manne financière incontournable (surtout avec la matéria « Tout »). On pourra aussi se plaindre de très légers soucis de caméra, mais globalement la gestion est excellente, et tous les problèmes sont peut-être lié à la ville étriquée de Midgar et le fait que ça ne soit qu’une première partie.

Durée de vie : 08/20 

Amer déception, et c’est probablement là le principal défaut du jeu : il souffre du syndrome Crisis Core, à savoir du remplissage intempestif et nuisible. En ligne droite et en mode facile, on viendra à bout de l’histoire en 15-20 heures, ce qui à titre personnel est une excellente durée de jeu car rarement les jeux plus longs nous tiennent tout du long en haleine. Oui mais voilà, même si certains passages sont plus développés, l’équipe n’a pas su transformer un segment original de cinq heures en plus de contenu, faisant que même le scénario « principal » est composé de remplissage insipide comme de passer des heures à actionner des mécanismes (éteindre des lampes, ouvrir des vannes, actionner des leviers) pour avancer dans des dédales où il ne se passe rien de nouveau. Et que dire des missions annexes, à base de recherche de chats ? Non, le jeu reposait sur un passage trop court, et l’étirement est laborieux. Sur les 15-20 heures de missions « centrales », un grand maximum de huit présentent réellement un intérêt. Et de part la construction en chapitre cassant toute envie d’exploration, autant dire qu’on ne s’y replongera pas.

Bande son : 18/20

On passera très vite sur ce point : le jeu reprend les musiques d’Uematsu, peut-être le plus grand compositeur de tous les temps. Les musiques d’origines sont légendaires, les réorchestrations sont grandioses. Le jeu bénéficie aussi d’un doublage VF de très grande qualité, reprenant les acteurs du film d’animation, qu’on a pu entendre ailleurs à quelques occasions spéciales, notamment à l’époque où les Kingdom Hearts avaient un doublage français. L’immersion n’en est que plus grande.

Scénario : 14/20

C’était une claque monumentale à l’époque, mais forcément, l’histoire ne décollant et ne révélant son potentiel que bien plus tard dans la trame narrative, cette première partie en pâtie lourdement. On reste sur de la réflexion de surface, aussi bourrue que Barret, faisant de la propagande écologique sur fond de vilaine méga-corporation, alors que le vrai sujet est la gestion des traumatismes, la quête d’identité et l’avenir de l’humanité au sens large, sa propension à détruire la planète ne s’arrêtant pas à l’écologie, loin s’en faut. C’est même une menace très tertiaire au regard des cataclysmes cosmiques et militaires. L’univers est d’une richesse folle, mais on en effleure à peine la surface, et les ajouts ne pèsent pas bien lourd. Au contraire, mise à part le développement du personnage de Jessie, les autres ajouts sont nuisibles : les fileurs ne servent qu’à nous embrouiller et complexifier inutilement l’histoire (à moins que ?). Une mise en bouche, mais le plat tarde à arriver.

Note globale : 15/20

Un bel enrobage au potentiel immense, mais une simple introduction qui peine à se suffire à elle-même, voilà comment on pourrait résumer la situation. Beau à se damner, jouissif manette en main, le jeu est la première pierre d’une très grande histoire, mais on en verra que la première goutte, peinant un remplir un immense verre. Midgar est une ville intéressante, catalyseur d’une idéologie qui montrera ses limites, mais dans le jeu d’origine, c’est un lieu parmi tant d’autres, et pas là où les plus grands moments auront lieu. Trop peu de confiture pour une tartine bien trop grande, le jeu ne proposera que quelques heures vraiment captivantes au milieu d’un océan de missions au mieux oubliables, au pire ennuyeuses à souhait, nous poussant à rusher pour en finir. Bien sûr, faire tous les modèles des personnages, les animations, le système de combat, tout ça est un immense travail et il était tellement plus simple de tout situer au même endroit pour accélérer le développement, mais on espère maintenant que le développement de la suite s’en trouvera simplifié et qu’il ne faudra pas attendre 4-5 ans entre chaque épisodes, car aussi frustrante que soit cette introduction, elle démontre surtout un potentiel immense qu’il nous tarde de pleinement découvrir.

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