Black Widow


Black Widow
2021
Cate Shortland

Alors que le monde ne s’est pas encore relevé totalement du covid et que les blockbusters continuent d’afficher de bien mornes scores – certes aussi en grande partie à cause de la Chine qui pulvérise des records en salles tout en interdisant 99% des films étrangers – le studio aux grandes oreilles a su tirer pleinement profit de la pandémie avec son service de streaming Disney+, mais depuis la réouverture des salles, le bilan est catastrophique. Diverses tentatives ont été faite : sortie en salle, en salle et en simultané sur Disney+, et maintenant du cas par cas en fonction des pays, en optant si possible pour une exclusivité en salle de 45 jours. Subissant de plein fouet ce tâtonnement, la mise sous cloche de la Chine et la mise en place de passes sanitaires dans certains pays, précipitant sa fin d’exploitation, le bilan en salle fut désastreux : 379M$ dans le monde pour un budget astronomique de 200M$ (auquel se rajoute, en plus des coûts marketing, probablement un chèque de 50M$ pour l’actrice qui a jugée que son intéressement aux profits avait été saccagé par la sortie streaming simultanée), ce qui est fait le second film le moins rentable du MCU devant L’incroyable Hulk. Alors certes, on parle aussi de recettes avoisinant les 100M$ sur leur service de vidéo à la demande, mais quand bien même, pour un fameux chant du cygne d’une « figure emblématique » des Avengers à la sortie décalé trois fois pour cause de covid, finir si loin du milliard quasi standard quand le dernier Fast & Furious sorti à la même période a fait presque deux fois mieux, il y avait de quoi se remettre en question.

L’histoire du film s’intercale entre les événement de Civil War et Infinity War, alors que Natasha Romanoff (Scarlett Johansson) est en fuite, mais va se voir rattrapée par son passée. Elle pensait que l’organisation ayant détruit sa jeunesse avait été dissoute, mais il n’en est rien, et pour lutter contre elle va devoir réunir son ancienne famille fictive (Florence Pugh, Rachel Weisz, David Harbour) de l’époque où ils étaient des espions soviétiques aux Etats-Unis.

C’était la grande question sur ce projet : comment créer des enjeux autour d’un personnage dont on connaît déjà le funeste sort ? La solution la plus simple aurait été de mettre en images les fameux événements de Budapest qui ont fait d’elle une membre du SHIELD, mais non seulement ce n’est pas l’option choisie, mais au contraire le film saccage cette idée en expliquant qu’au final cette fameuse mission n’avait servi à rien, le grand vilain misogyne courant toujours. Pourtant, le film démarre assez fort : le flashback sur son enfance est touchant, et derrière on découvre une Florence Pugh exceptionnelle, plus belle, plus gentille, plus sensible, plus émouvante. Et ironiquement, elle présente un problème de taille. Le film est centré sur Natasha Romanoff, qu’on sait morte dans le temps présent, donc le film se devait de réussir là où Endgame a échoué en nous faisant ressentir quelque chose quant à son sort. Mais entre un air prétentieux alors qu’elle est incontestablement la plus inutile et faible des Avengers, son absence d’émotions et l’écart ahurissant avec une sœur plus intéressante sur absolument tous les points et qui a même plus d’enjeux personnels au sein de ce film, non seulement le film échoue à nous faire regretter la veuve noire initiale, mais il nous prouve qu’elle avait si peu à offrir et que la relève s’annonce plus engageante. Pour un film à sa gloire, c’est moche…

Mais outre ce basculement d’héroïne, qui ne se fait pas sans heurt, une fois passé une très bonne introduction, que vaut le reste du film ? Eh bien pas grand chose : trop d’action pour de l’action sans forcément de logique scénaristique. Pourquoi les filles se battent-elles à leur retrouvailles ? Pourquoi ne pas avoir imaginé une évasion moins stupide et tonitruante ? Broum explosion ! On s’en fatigue vite, car c’est justement quand le film reste à échelle humaine, dans des décors naturels splendides comme la Norvège, qu’il fait mouche, et plus il essaye de masquer sa faiblesse d’écriture dans des fusillades, combats et course-poursuite dont a que trop soupé, plus on s’ennui. Une occasion manquée pour ce qui est probablement le plus inutile et oubliable film du MCU.

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Squid Game


Squid Game
2021
Hwang Dong-hyuk

/!\ Obligation de spoiler à blinde, donc article réservé à ceux qui ont vu la série /!\

Plus une œuvre est acclamée, plus il y a de chances, dans un contexte de quasi sacralisation générale, d’aboutir à une immense déception. Assurément le model de consommation de séries le plus populaire au monde, le géant Netflix a régulièrement fait l’objet de buzz dantesques sur des séries qui ont comme rarement fait consensus, et souvent à juste titre comme les claques Stranger Thing, Daredevil, Punisher ou The Witcher. Mais parfois, le mot surcoté s’impose : La Casa de Papel. Mais l’heure n’est pas à un règlement de compte avec l’équipe de braqueurs la moins appréciable, la moins intéressante et intelligente qui soit. Aujourd’hui, il est temps de parler d’un phénomène coréen, qui après Blackpink, Parasite ou Le Dernier train pour Busan, prouve que l’amertume finale est chez eux supplantée par les bonnes idées, mais que je ne saurais passer outre.

Pour ceux qui ne sont pas au courant, la série est un mélange de Hostel et Battle Royale (et pas grand chose à voir avec Hunger Games, hormis ce que la saga pompait déjà sur le précédent cité). Malgré le fait que le coût de la vie soit 5% inférieur à chez nous et que le salaire moyen soit 40% supérieur, de par des inégalités sociales ahurissantes une organisation secrète met régulièrement en place des battles royales où des gens dans le besoin vont s’affronter dans des jeux mortels pour gagner un pactole mirobolant de 45 milliards de yuans (soit environs 33 millions d’euros). Le principe ? Des jeux pour enfants comme 1 2 3 soleil où ceux qui perdent sont tués, jusqu’à ce qu’il n’en reste qu’un.

Avant de parler des choses qui fâchent, expliquons d’abord pourquoi se fâcher. En effet, si tous les concepts de la série sont pompés sur les trois exemples cités plus haut, et que sur la plupart des points la série est inférieure à ses modèles, elle avait néanmoins un potentiel assez massif. En termes de fond pur d’intrigue, ce sont surtout les personnages qui sont développés, donc « l’univers » restera assez vide, mais l’emballage est juste extraordinaire. Le travail sur les décors est excellent, les costumes des membres de l’organisation sont une parfaite combinaison de froideur, impersonnel et simples, permettant de comprendre vite le système hiérarchique. L’ambiance sonore est juste folle, terrifiante et angoissante avec le fameux thème des voix comme à l’agonie ou en état de choc. Les jeux sont ce qu’ils sont, des jeux d’enfants, donc dans l’ensemble ennuyeux, mais la gestion du stresse est brillante, notamment grâce à l’attachement aux personnages, enfin une poignée d’entre eux. C’est en effet le gros point fort de la série, car même si la plupart des intervenants sont des figurants là pour mourir en laissant « comme par hasard » les « héros » survivre le plus longtemps, tous nous font ressentir quelque chose. L’anti-héros Seong est une sombre merde qui fait constamment le mal autour de lui en étant le plus irresponsable et égoïste, nous faisant donc espérer sa mort. Son ancien ami Cho, le petit géni du village, froid et calculateur, nous fout hors de nous par ses manipulations ordurières, et pendant une grande partie de la série ses actions restent supportables. On a Ali, le pakistanais trop bon trop con. Jang, le mafieux, connard absolu qui rajoute du stress en plus des épreuves. Le vieux, que certains trouvent attachant. Le policier, aussi couillu que génie absolu. Mais la vraie force de la série c’est sans débat possible Kang (Jung Ho-Yeon), l’écorchée vive irrésistible à la beauté de glace. Suite à la série, la mannequin dont c’est le premier rôle a vu son nombre de followers sur Instagram exploser, passant de quelques dizaines de milliers à plus de 20 millions actuellement.

Donc l’ambiance est très réussie, le concept est bon puisqu’il a déjà montré ses fruits, et hormis quelques exceptions comme « la sorcière » au surjeu chaotique, le casting est vraiment excellent. Qu’est-ce qui ne va pas alors ? Eh bien place aux spoilers de l’enfer, soyez prévenus. Jusqu’à l’épisode 8 sur les 9 que comporte la série, les sept premiers étaient vraiment bons, et je pardonnais même la traitrise nous ayant coûté la vie à Ali, car même si on la sentait venir, on osait croire à tant de machiavélisme et d’ingéniosité. Je pardonnais même à Seong, personnage principal, d’être encore en vie malgré que ce soit le pire déchet qui soit et que je me disais même que ce serait plus appréciable de voir le mafieux gagner. Mais vient donc l’épisode 8, el famoso… Que ce soit au niveau mérite, pureté d’âme, logique scénaristique et enjeux de part le sacrifice touchant au jeu des billes et pour retrouver son petit frère qui l’aime, alors que de leurs côtés Seong allait sans l’ombre doute retrouver sa mère morte vu son état et l’urgence de l’opérer, et on ne doutait pas qu’il resterait la même merde humaine, et pour Cho il n’aurait pas échappé à la prison et au déshonneur, donc lui non plus sa victoire n’aurait aucune saveur. Donc quoi qu’il arrive, la seule fin possible était de faire gagner la fille, il le fallait. A la rigueur on aurait pu avoir un twist à la Hunger Games avec plusieurs gagnants, voir aucun d’ailleurs avec la fameuse troisième règle. Petit mot au passage sur l’arrêt de l’épisode 2. Ok ça fout sur le cul de voir que le choix est respecté et appliqué dans le plus grand des calmes, et ça fonctionne, mais au niveau narration, mise à part introduire la policier dont la conclusion n’est pas claire, ça brise surtout le rythme d’une mauvaise manière.

Revenons donc à la conclusion de tout ça, qui est foncièrement un échec. Finalement non seulement la fille ne gagne pas, elle est même tuée lamentablement et lâchement. Et de fait, c’est l’étron insipide qui l’emporte, pour rien. Il reste le même déchet, n’aide personne, et ô surprise à force d’être restée isolée et se tuant à la tâche avec une infection terrible, à son retour il trouve effectivement sa mère morte. Il finira par se bouger un an plus tard, se prenant au passage pour un chanteur kpop à peine pubère alors qu’il frôle la cinquantaine avec ses ridicules cheveux rouges. J’en serais presque à espérer la même introduction que Hostel II si une seconde saison verrait le jour, mais à vrai dire je ne sais pas si je la regarderais, d’autant que la série a moisi pendant dix ans dans des cartons avant d’en sortir, que son créateur a un autre projet en cours et que de fait il est certain qu’une potentielle saison 2 mettrait plusieurs années à voir le jour, donc tout le monde sera passé à autre chose. On en retiendra la musique, les fameux masques Sony, quelques personnages et notamment la frêle mais badass et terriblement sensuelle numéro 67 / Kang / Jung. Elle était l’âme de la série, et sans elle à quoi bon ? Une œuvre est un tout, et on ne peut faire abstraction d’un tel échec final quand c’est justement la conclusion qui se doit d’être le point le plus abouti, car qu’importe le voyage, seule compte la destination. Que serait le premier Saw sans la dernière pièce du puzzle ? Que serait The Mist sans la violence du désespoir ? Sans l’ombre d’un doute, la série a de quoi marquer et possède de solides arguments, mais un tel ratage sur la dernière ligne droite nous laisse amer et entache lourdement le bilan.

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Hook


Hook
1992
Steven Spielberg

Tout d’abord désolé à tous les fans du film, à tout ceux qui sont fan du dessin animé de Disney et tout ceux dont cette revisite / suite live-action a bercé l’enfance. J’aurais dû être de ceux là, mais j’ai toujours trouvé le film d’animation comme l’un des pires de la firme aux grandes oreilles, et j’ai mainte fois essayé de revoir ce fameux Hook sans jamais réussir à adhérer. C’est bien simple, de toutes les adaptations de la pièce de théâtre / roman de J. M. Barrie, la seule que j’ai trouvé aboutie était la version de 2004 de Peter Pan. Les années passent, l’esprit critique s’affine, l’esprit s’ouvre, et cette fois j’étais bien décidé à donner une énième fois sa chance au film.

L’histoire se place quelques 70 ans après les évènements du roman. Lors d’une de ses visites à Wendy (Maggie Smith), ce petit garçon qui ne voulait pas grandir va tomber amoureux de la petite fille de Wendy : Moïra. Il va alors décider de rester dans le monde réel pour vivre cet amour, oubliant peu à peu qui il était. Désormais père de famille, Peter (Robin Williams) a laissé le travail empiéter sur tout le reste, délaissant sa famille. Mais le passé lui ne l’a pas oublié : ruminant sa défaite depuis toutes ces décennies, le Capitaine Crochet (Dustin Hoffman) va débarquer dans le monde réel et capturer les enfants de Peter. S’il veut les sauver, il devra se rappeler son passé et replonger au pays imaginaire.

L’idée du film est foncièrement bonne : quand on devient adulte, on en oublie les joies simples, les jeux d’enfant, et il faut apprendre à vivre simplement. L’idée de prendre l’incarnation de la jeunesse qui ne veut pas grandir pour incarner un adulte qui rejette tout enfantillage ou amusement est cathartique, donc potentiellement brillant, et avec en prime Julia Roberts en fée Clochette et Gwyneth Paltrow pour la version jeune de Wendy montre la puissance du casting. Avec un réalisateur de renom à la barre, le projet ne pouvait qu’être génial. Et pourtant, c’est un ratage total. J’aimerais vous dire que le film est excellent, que c’est un régal, mais non.

Rien dans la façon de faire ne va. L’écriture est poussive au possible, abusant de caricatures, de clichés absolus comme le père trop occupé pour aller voir le match de son fils, qui fait en permanence des promesses qu’il ne tient pas. Et puis bon, on ne parle pas d’oublier les 4-5 premières années de sa vie, mais des décennies entières jusqu’à l’âge de 12-13 ans ! Qui n’a aucun souvenir avant cette époque ? En cas de traumatisme oui, mais là c’est tout l’inverse : c’est le bonheur de l’amour qui lui fait sacrifier son pays imaginaire. Or où est le sacrifice si on oubli ce qu’on a perdu ? Le coup du « vieil » homme rouillé est bon, mais son amnésie est maladroite et bancale. Et malgré les 2h24 le film va trop vite sur l’évolution du héros, qui rame trop longtemps pour une prise de conscience instantanée. Et s’il n’y avait que l’écriture qui posait problème… On excusera les effets spéciaux catastrophiques ou les décors en carton pâte immondes, même si la scène de fin dans le ciel fait très mal aux yeux, en revanche ce qui ne pardonne pas c’est vraiment le casting en roue libre comme jamais. Oui, diriger des enfants est difficile, mais à ce point ? Et même les adultes surjouent dans des propensions dantesques, juste insupportable. Le rire du Crochet bat des records en la matière… L’idée était sympathique, le casting alléchant, mais l’écriture, les effets spéciaux et surtout le jeu des acteurs sont si laborieux que le film est juste foncièrement raté.

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Il faut sauver le soldat Ryan


Il faut sauver le soldat Ryan
1998
Steven Spielberg

Grand classique de film de guerre qu’on se doit d’avoir vu. Déjà trois bonnes raisons de ne pas voir un film : classique veut dire surcoté, de guerre donc pas ma cam, et qu’on se doit d’avoir vu donc très très surcoté. N’étant pas amateur de film de guerre, sauf si ça permet d’apporter une vision nouvelle ou d’éviter que des moments pratiquement jamais abordés ne sombrent dans l’oubli, que le film se place encore et toujours du point de vue américain lors des événements de la Seconde Guerre Mondiale n’augurait rien de bon, mais j’ai fait l’effort de lui donner le plus possible sa chance : acheter le Blu-ray 4K et subir d’une traite les 2h40 de long-métrage.

Probablement l’un des scénarios les plus stupides jamais pondu par un être vivant, le film raconte comment l’état major américain, se rendant compte que la guerre avait déjà coûté la vie de trois frères sur quatre de la fratrie Ryan et que leur mère ne supporterait pas de perdre son dernier fils James (Matt Damon), va tout mettre en œuvre pour le retrouver et le sauver, porté disparu depuis une opération de parachutage en France. Alors en 1944, la guerre bat son plein, les soldats meurent par millions, mais le gouvernement va mobiliser l’escouade du Capitaine Miller (Tom Hanks) pour retrouver et sauver un seul soldat, peut-être déjà mort et qui devra vivre dans le cas contraire avec le traumatisme démultiplié de la guerre, qui outre son âme et son honneur, l’aura privé de sa famille. Des génies !

A quelques occasions le film soulignera la stupidité de la mission, mais « les ordres sont les ordres ». Ah on parle d’américains, et le premier et dernier plan du film est un drapeau des Etats-Unis flottant au vent. On parle de psychopathes là pour massacrer du nazi, tirant à s’en vider le chargeur sur des hommes désarmés sortant les drapeaux blancs. Au moins le film aura le mérite de reconnaître la monstruosité de la guerre, de tous bords : tous pourris. Mais s’en moquer ou rire avec ne change pas le constat. Le film est d’une stupidité déconcertante, tout n’est qu’inutile, futile, et on devra supporter la naïveté clinique d’un Vin Diesel qui se fera heureusement plomber bien vite. Quasi figurant, la liste des seconds rôles campés par des noms d’envergure donne le tournis :  Jeremy Davis (Faraday dans Lost), Giovanni Ribisi, Paul Giamatti ou encore Bryan Cranston. Enfin pour replacer les choses dans leur contexte, la plupart de ses acteurs étaient peu ou pas connus à l’époque, donc on est loin du cache-misère intentionnel.

Mais donc pourquoi le film a eu tant de nominations, de prix (dont l’Oscar du meilleur réalisateur) et un tel succès avec pratiquement un demi-milliard en salles ? L’immersion, la démesure, les moyens mis en œuvre. Encore aujourd’hui, la scène du débarquement reste mémorable, dantesque, et le film est tout le temps sous tension. Quelques personnages attachants, notamment le capitaine, et ça se laisse regarder. Mais en terme de puissance visuelle, difficile de garder l’émerveillement quand on a eu depuis des films comme Dunkerque, ou au niveau immersion et tension l’immense plan séquence de 1917, quoique souffrant lui aussi d’un scénario effroyablement vain. Le film n’est que haine, violence, un endoctrinement lamentable plutôt qu’un esprit de camaraderie, et toutes ses qualités techniques incroyables pour l’époque ne sont plus un argument valable aujourd’hui. Le film n’est pas mauvais, mais ses arguments d’époque n’ont plus lieu d’être, et à moins d’être nostalgique de la claque prise à l’époque, difficile d’y trouver un grand intérêt, comme c’est aujourd’hui le cas des films reposant uniquement sur la technique et le grand spectacle : les progrès en la matière rendront immanquablement désuets les maîtres du genre actuels.

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À la folie… pas du tout


À la folie… pas du tout
2002
Laetitia Colombani

Difficile de parler du film, de ce qui fait son originalité, sans trop en révéler, voir c’est impossible. Et de toutes façons, la première demi-heure du film sonne tellement faux que sans savoir d’emblée le vrai sujet traité, beaucoup risqueraient de ne pas laisser sa chance au film, qui ne démérite pas dans sa globalité, donc faisons fi des convenances et embrassons pleinement ce vilain mot : « spoiler ».

Qu’est-ce que l’érotomanie ? C’est une maladie mentale faisant qu’on peut interpréter chaque signe comme une déclaration d’amour, de voir des sens cachés et une idylle là où il n’y en a pas. Il suffit parfois d’un rien, d’un geste dénué d’arrière-pensée mais qui déclenchera chez la personne atteinte d’érotomanie un sentiment de certitude absolue quant à l’amour que l’autre lui porte. Ici, c’est une certaine Angélique (Audrey Tautou), qui en croisant un certain Loïc (Samuel Le Bihan) dans certaines conditions (tâchons de garder quelques mystères tout de même), va être persuadée que ce dernier, comme elle, a eu un coup de foudre comme dans les livres, et de fait, c’est certain, il quittera sa femme (Isabelle Carré) pour elle dans les plus brefs délais tant leur amour est immense et réciproque. A quel point est-elle folle ? Jusqu’où va la conduire cette folie ?

Sujet de prédilection de sa réalisatrice, le film parle de la folie. Avant la création du précédent site en décembre 2010, j’avais vu – mais de fait pas critiqué – son autre long-métrage, Mes stars et moi, qui parlait aussi d’amour et d’obsession, mais du côté fan. Il me semble que le film était décevant mais pas inintéressant, mais ne me rappelant plus si l’idée du fan, mieux placé que n’importe qui pour s’occuper de carrières et devenir un agent d’exception, avait été correctement exploitée, je préfère ne pas trop en parler. Reste aussi son tout premier court-métrage, Le Dernier bip, où elle se mettait elle-même en scène et disponible sur le DVD du film dont il est question aujourd’hui, qui traite également de la folie, dépression, obsession, et plus grave encore, avec d’ailleurs le même acteur déjà présent dans le rôle de l’inspecteur. C’est aussi ça l’avantage du support physique : on y découvre des scènes coupées, des idées de fins « alternatives ». Plus qu’un produit de consommation d’un service de streaming, c’est une œuvre qui respire, qui existe au delà d’elle-même. Bref.

Une histoire d’amour, qui plus est avec un homme marié et des complications de « soyons discrets », voilà qui sonne peu ragoutant aux premiers abords, d’autant que force est de reconnaitre que Samuel Le Bihan joue atrocement mal. Oui mais voilà, au bout de demi-heure, le film révèle sa vraie nature : on avait jusqu’alors qu’un point de vue totalement biaisé sur une histoire qui n’était pas ce qu’elle prétendait être, du fait du souci mental de l’héroïne. Qu’en est-il vraiment ? Comment cela va t-il évoluer ? Eh bien c’est justement là que le film est bon : la gestion des timings, des quiproquos, coïncidences, est bien plus fine qu’il n’y paraît, et même en connaissant d’emblée la retournement, on reste surpris par certains rebondissements. Ca reste globalement cousu de fils blancs et on regrette certaines coupes tant beaucoup d’intrigues secondaires sont purement jetées aux oubliettes en cours de route, et on regrette de ne pas voir plus Sophie Guillemin tant elle est à tombée par terre, mais donc dans l’ensemble le film est solide sur son histoire principale, avec une Audrey Tautou impeccable et adorable. Les années passant, il a même désormais un côté kitch charmant. Ne vous attendez pas à un grand film, mais voilà de quoi divertir sainement avec une petite touche d’originalité, vous permettant de dire « oui, je sais ce qu’est l’érotomanie, et d’ailleurs je peux te conseiller un ptit film bien sympa ».

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Nomadland


Nomadland
2021
Chloé Zhao

Dans cette morne période où des milliers de films ont été décalés, sacrifiés sur des plateformes ou directement dans les bacs, voir carrément annulés puisque la pandémie a drastiquement fait grimper les coûts de tournage, la dernière cérémonie des Oscars fut encore plus endeuillée que la précédente, notamment à l’international et particulièrement en dictature française où l’entièreté de la sélection était composée de films inconnus au bataillon, pas encore sorti en salle, ce qui tendait à rendre l’engouement inexistant. Aux Etats-Unis le bilan n’était pas bien meilleur : les salles restaient pour la plupart fermées ou rouvraient timidement, et c’est surtout les zones propices aux films d’auteur (Los Angeles, New-York) qui subissaient de plein fouet la politique de gestion du Covid. Après avoir fait des scores dérisoires à domicile, surtout que disponible sur Hulu, le film pourtant lauréat de trois Oscars, meilleure actrice, meilleure réalisatrice et surtout meilleur film, vient donc de débarquer chez nous dans une indifférence inédite.

Entre un système de retraite punitif, des salaires de misère, des zones abandonnées ou simplement l’envie de voyager, nombreux sont les américains à choisir, par envie ou dépit, le mode de vie nomade, vivant dans des campings car pour les plus riches, ou dans de simples camionnettes faisant péniblement office de maison pour d’autres. Le film sera centré autour de Fern (Frances McDormand), veuve qui a dû partir de chez elle, faute d’un unique employeur faisant vivre toute la région, mais qui a fermé son usine. Vagabondant de petit boulot en petit boulot, elle sillonnera le pays dans son van.

Voilà qui devrait ravir tous ceux qui se désolent de voir le cinéma français se vautrer dans la misère humaine : voici la version américaine en pire. C’est un concours du plus gros crève-la-faim quasi SDF, où chacun a perdu son travail, ses amis, sa famille, voir tout ça à la fois à grand renfort de cancers, suicides et autres joyeusetés. Ah c’est terrible, il faut dénoncer les injustices, la misère humaine, l’esclavagisme des grandes entreprises ! Ah mais ils sont heureux de voyager comme ça ? Ah mais Amazone en fait c’est un super employeur ? Mais genre tout ça c’est uniquement par choix ? Mais donc le film dénonce quoi ? Rien. Dans quel but ? Aucun, si ce n’est donner la parole à ces gens-là, d’autant que le film a réellement prit des gens de la route pour s’incarner eux-mêmes. Pour ma part la démarche est veine, ou alors ratée puisqu’à aucun moment on ne se dit que c’est un choix valable, d’autant plus avec le personnage de Dave. Le fusil de Tchékhov sur la vaisselle, qu’on voit venir à des kilomètres, montre de toute façon la pauvreté de l’écriture du film. Donc non seulement le film ne raconte pas grand chose, est maladroit et plutôt dangereux dans un climat aussi morose que celui actuel, mais en plus son message est à l’opposé de ce qu’il voudrait être. Et qu’en est-il de la réalisation ? Si certains panoramiques sur les paysages sont beaux, d’autant que profitant souvent des levés et couchés de soleil pour embellir les scènes, la réalisation volontairement documentaire est poussive : comme suivant la respiration des personnages, bougeant sans cesse, gangrénées de mouvement parasites. Foncièrement, le film n’est pas non plus une catastrophe, mais c’est typiquement du pathos graveleux et moribond que je hais viscéralement.

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Irresistible


Irresistible
2020
Jon Stewart

Prenant de moins en moins en France depuis des décennies, le clivage politique droite / gauche n’a de cesse de faire un tabac aux Etats-Unis où les partis démocrates et républicains continuent de capter plus de 98% des votes, voir plus de 120% comme lors dernières élections présidentielles. Or qui contrôle le pouvoir en place contrôle les subventions, peut propulser ses amis où il veut, etc. On y retrouve donc assurément les pires ordures au monde, cherchant inlassablement à faire ses choux gras sur le système en crachant au passage sur le petit peuple.

Le film – plus ou moins inspiré de faits réels – se centre donc autour de Gary Zimmer (Steve Carell), directeur de campagne d’Hilary Clinton cherchant à redorer le blason d’un parti démocrate broyé par le bulldozer Trump (marketé par Rose Byrne). Il va alors trouvé une perle rare, un cadeau tombé du ciel : une vidéo virale où une figure paysanne locale se dresse contre l’injustice, les inégalités, les discriminations, véhiculant donc des idées démocrates, mais dans une zone rurale profondément ancrée chez les républicains. Mieux encore, l’homme en question, Jack Hastings (Chris Cooper), est un ancien militaire décoré, à la dégaine de cowboy, donc le portrait même de l’Amérique profonde. Gary va alors débarquer dans un petit bled de 4000 habitants, bien décidé à en faire un candidat démocrate au potentiel de symbole national.

Le film se résumerait en un mot : édifiant. On ne s’insurgera jamais assez des fameuses « élites », si promptes à nous juger, nous toiser, voyant le peuple uniquement sous un prisme capitaliste : comment va-t-il nous faire gagner de l’argent ? Ou du pouvoir aussi, mais les deux sont indissociables. On s’amusera donc de voir un homme hautain, se sentant si supérieur, partant à la quête de bouseux dans une bourgade perdue, quasi morte et dépeuplée. Le film, sans être réellement une comédie, est assez drôle, nous proposant un rematch Hilary / Trump au travers de leurs équipes de campagne qui vont s’affronter localement avec des moyens nationaux. Steve Carell porte tellement bien le film sur ses épaules, ne cessant de gagner en charisme avec les années, et on notera aussi les présences de Topher Grace et Mackenzie Davis. Sans trop en dévoiler, le film est jusqu’à un certain point sympathique mais pas transcendant, prenant néanmoins de l’ampleur à un moment précis en apportant un nouveau regard sur l’ensemble. Une écriture plus fine qu’il y paraît aux premiers abords donc, et on en ressort agréablement surpris.

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Drunk


Drunk
2020
Thomas Vinterberg

Comptant parmi les films les mieux notés de l’année 2020, le film était même en compétition pour le César du meilleur film étranger, et l’a d’ailleurs remporté, au même titre que le BAFTA du meilleur film en langue étrangère. Etant donné sa tête d’affiche et son réalisateur à qui l’ont doit La Chasse, film terrifiant sur la paranoïa ambiante et la justice populaire bien prompt à émettre un avis, voilà qui avait de quoi intriguer.

Le film part d’un postulat assez simple : et si (peut-être de part l’alcool compris dans les fruits ou le stress ambiant contre-nature) l’humain était censé avoir constamment environ 0.5 gramme d’alcool par litre de sang ? Mal dans leur peau, en difficulté face à des élèves las ou un foyer peu accueillant, quatre amis professeurs (incluant Mads Mikkelsen) vont se lancer le défi de l’expérience. L’alcool, la solution à tous nos problèmes ?

A moins que notre religion nous l’interdise, pratiquement tout le monde a déjà expérimenté l’ébriété, ou à minima un degré d’alcool suffisant pour se rendre compte qu’à défaut de supprimer nos problèmes du quotidien, l’alcool permet parfois de mieux les supporter, voir de les oublier. Et contrairement à ce que certains pourraient craindre, partir d’un seuil de 0.5g est très raisonnable, donc le postulat de base ne fait pas l’apologie d’un alcoolisme décomplexé, mais d’une consommation régulière mais raisonnable. Seulement voilà, ce postulat est à la fois inspirant et faux. Oui, indéniablement ce choix va les aider, mais est-ce vraiment le cas ? Non, tout le début n’est que superstition, placébo. Donnez quelque chose à boire à quelqu’un en lui disant qu’il ira mieux, vous aurez alors de grandes chances d’obtenir gain de cause, et de fait l’alcool n’est pas en jeu. Les principaux problèmes des protagonistes sont risibles : le fatalisme et l’ennui chronique. De base leurs vies sont potentiellement excellentes, mais à force de s’y habituer, les bonnes choses perdent de leur saveur, et on se complet dans un morne quotidien où l’on dévalorise sans cesse les saveurs d’antan. Le choix de boire est alors avant tout le choix de chercher une solution, donc de se bouger. Une leçon de vie sur la motivation personnelle, et de fait l’alcool n’est plus et n’a jamais été le vrai sujet du film. De fait, quand la thèse est bancale, son développement ne peut que l’être, et face à une vraie solution se pose le problème de vouloir au-delà, quand en réalité la seule solution a été de vouloir en chercher une.

Le spectateur est donc face à dilemme : oui, le film est très bien fait, les acteurs sont excellents, et les scènes marquantes ne manquent pas. Outre les prestations lors des cours, je repense inlassablement au fameux cocktail de l’extrême, qui visuellement et de par la recette donne l’impression qu’il s’agit sans l’ombre d’un doute de la meilleure boisson jamais inventée par l’homme. Et le film reste d’une grande intelligence face au thème de l’alcool : il en montre les ravages, mais aussi les bienfaits, tant sur la santé mentale que physique. Comme pour toute chose de la vie, il faut y aller avec modération. Oui mais voilà, le spectateur se sent constamment au dessus de tout ça, car malgré la forme alléchante et le savoir-faire, les leçons sont connues, et la question de savoir pourquoi s’être à ce point laissé allé n’est pas assez au centre du film. Et l’autre problème c’est qu’on se sent – du moins moi – totalement déconnecté par rapport à leurs problèmes : ils n’en ont pour ainsi dire aucun. Les cours sont chiants ? Eh bien il suffit de les travailler. Pas d’enfants ? Eh bien il suffit d’en faire puisqu’apparemment la personne en question n’a aucun problème à trouver régulièrement des compagnes. Le couple vacille ? Eh bien il suffit d’arrêter d’être une vieille loque passive. En gros ils ont tous des vies excellentes sur le papier, mais ils sont trop amorphes ou indécis pour savoir en profiter. Le film m’a donc moins touché que La Chasse, l’impact scénaristique étant moindre et au final l’analyse sur notre société moins pertinente.

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Prédictions


Prédictions
2009
Alex Proyas

Jugement divin, catastrophe naturelle, invasion extraterrestre ou simple folie humaine, de tout temps l’homme a fantasmé sa propre mort dans des propensions bibliques, et ce à plus d’un titre puisque la bible elle-même fut mainte fois source d’inspiration. Un sujet qu’on aurait tôt fait de penser poncé jusqu’à la moëlle, mais c’est plus parce qu’en réalité le peu de films traitant du sujet nous ont marqué que de part leur surabondance. Il est vrai que la même année les amateurs de « destruction porn » furent comblés avec le fameux 2012, stupide dans son histoire, mais correct sur ces personnages et dantesque visuellement, et beaucoup ont même oublié le film dont il est question aujourd’hui. Un peu trop vendu comme un thriller d’enquête incroyable, le film fut pour pratiquement tout le monde une amer déception : rien de neuf sous le soleil, prétentieux sur son marketing, car au final en termes d’angoisse psychologique on restera loin d’un Signes ou d’un La Guerre des mondes, et visuellement bien moins ambitieux qu’un 2012. Mais les années sont passées, la déception digérée, et il était temps d’avoir un avis plus objectif.

Le destin du monde est-il écrit ? Que l’on croit ou non au big-bang, à partir de ce point plusieurs théories existent : une perpétuelle expansion, une expansion finie, une expansion suivie d’une possible rétractation, voir possiblement le big-crunch, c’est-à-dire que l’univers est composé de cycles d’expansions puis de rétractations jusqu’à l’instant primordial où tout ne fait à nouveau plus qu’un. Une théorie invérifiable pour le moment, mais qui selon certains estimeraient la fin de l’univers d’ici 15 milliards d’années. Seulement d’ici là, et c’est déjà plus acté, notre galaxie entrera en collision avec une autre d’ici 4 milliards d’années. Mais même avant cela, notre soleil sera devenu trop froid pour permettre la vie sur Terre d’ici 3 milliards d’années, et d’ici deux milliards d’années la vie aura de toute façon disparu puisque le noyau terrestre sera épuisé. Tout n’est que poussière, et tout retournera à la poussière.

Cette fois, la menace est bien plus proche, à échelle humaine. Au cours d’une inhumation d’une capsule temporelle des 50 ans de l’école de son fils, John (Nicolas Cage) va tomber sur une étrange série de chiffres. Par jeu et curiosité, il va s’amuser à chercher un sens aux chiffres, y cherchant des dates. Croyant d’abord à des coïncidences, il va finir par se rendre compte qu’il s’agit d’un calendrier extrêmement précis de lourds incidents mortels.

Le problème quand on analyse une œuvre, c’est que quand son scénario repose sur des bases bancales, il est difficile de faire tenir l’ensemble debout. Entre les accidents de train, d’avion, bateaux qui coulent, explosion industrielle, attentats, en prenant tout en compte et en sachant que la misérable feuille fait mention d’évènements si mineurs qu’ils relatent moins de cent victimes, on se dit qu’une feuille A4 serait remplie en comptabilisant uniquement les accidents d’une seule heure d’une seule journée. S’ils y avait réellement plus de 50 ans de drames retranscrits, on croulerait sous des millions voir des milliards de pages, donc la base n’est pas que fragile, elle est une aberration monumentale. Même si on part d’un point de vue régional, cela ne marche pas non plus, la page couvrant des événements de Boston et New-York, éloignés de quelques 300 kilomètres, donc là aussi la page serait remplie en quelques mois, voir semaines, donc certainement pas 50 ans. On passera aussi sur le faux-suspense des chiffres non attribués ou le 33, la raison se voit venir à des kilomètres. Les mêmes 300 d’ailleurs. Personne ne sera dupe une seule seconde sur la nature des chuchotements, des visiteurs ou du dénouement, c’est une avalanche de poncifs scénaristiques. Le film est-il si mauvais pour autant ?

Classique ne veut pas dire mauvais, et il faut bien avouer que si certains stéréotypes, notamment en SF, sont si éculés, c’est justement parce qu’ils fonctionnent. Expliquer « scientifiquement » des prédictions, des visions, des apparitions ou des voix intérieures, il n’y a pas tant de façons de le faire, et même si le film y va avec des sabots made in USA calibre 12 à bout portant, ça reste assez efficace. N’espérez pas une enquête incroyable, c’est même assez lamentablement géré (sérieusement, c’est une bonne idée d’aller sur place ???) et comme toujours autocentré sur les Etats-Unis, bien qu’on voit sur l’un des plans de fin qu’il n’y aura pas un seul Eden. La métaphore biblique n’est d’ailleurs pas très fine, allant jusqu’à leur donner des ailes. Mais qu’y a t-il donc à sauver ? Si globalement on s’en fout royalement des protagonistes (on croisera d’ailleurs Rose Byrne, Ben Mendelsohn et Liam Hemsworth en figurant), le charisme de Nicolas Cage fait le taf, mais surtout les quelques scènes d’action envoient du très très lourd. Douze ans plus tard, les effets spéciaux sont toujours irréprochables, et c’est assez rare pour être souligné. Mal exploité, le sujet de base avait un fort potentiel et intrigue beaucoup, les ressorts angoissants fonctionnent, certaines scènes sont impressionnantes, très brutes, et dans l’ensemble on sent la maîtrise de son réalisateur. Partir oui, il le faudra bien un jour, mais si le monde pouvait disparaître en même temps, ça permet de s’envoler l’esprit léger car on ne laisse rien derrière soi, et c’est en cela que ce genre de film a une saveur particulière.

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Les Enfants du temps


Les Enfants du temps
2020
Makoto Shinkai

Alors que les studios Ghibli sont à l’arrêt quasi total depuis Marnie il y a six ans, le studio CoMix Wave Films de la Toho a pour ainsi dire prit sa place en enchaînant grâce au même réalisateur deux des dix plus grands succès de l’histoire en matière d’animation japonaise. Après les records de Your Name, cette nouvelle histoire d’amour a frôlé la barre des 200 millions de dollars dans le monde, redonnant espoir à tous les amoureux de poésie et animation 2D tant la plupart des productions d’animation modernes en 3D n’ont pas ce supplément d’âme qui ont fait la renommée d’un pan entier du cinéma, et qu’on souhaiterait ne jamais voir disparaître.

Le film raconte la fugue du jeune Hodaka, 16 ans, étouffé par la campagne et rêvant de vivre à Tokyo. Mais sur place, entre le coût de la vie, l’égoïsme urbain, la pluie qui ne cesse de tomber (fun fact, il pleut plus à Tokyo qu’à Biarritz, ville de France métropolitaine ayant le plus fort taux de précipitations) et la difficulté à trouver un travail, il va vite déchanter. Il pourra cependant compter sur Suga, rencontré durant son voyage, qui lui proposera de participer à des articles sur des phénomènes paranormaux. C’est alors qu’il fera la rencontre de Hina, semble t-il capable de contrôler la météo.

Amour sur fond de paranormal, des adolescents et l’opposition campagne / grande ville. On retrouve les mêmes thèmes visiblement chers à son réalisateur (qui officie encore comme scénariste), et on pouvait donc craindre un traitement bon dans son ensemble, mais terriblement décevant sur sa conclusion. Heureusement, il semblerait qu’on puisse apprendre de ses erreurs, puisque malgré quelques frayeurs et cette propension à perdre de précieux moments de vie, le développement de l’histoire et surtout sa conclusion seront bien plus satisfaisantes. Un énorme soulagement, le film étant, malgré quelques relents mélancoliques, bien plus léger et joyeux que Your Name, ce qui fait qu’il est donc bien plus facile de l’apprécier. Les personnages restent assez stéréotypés, surtout pour les habitués du genre, mais la qualité d’écriture est excellente. Néanmoins, contrairement au précédent film du réalisateur, on a pas ce sentiment de frôler le chef d’œuvre, la faute à un côté fantastique pas assez poussé et un scénario assez simpliste. Moins d’envergure et d’ambition peut-être, mais plus maîtrisé certainement. On soulignera une fois encore la qualité ahurissante de l’animation, qui en terme de technique pure atteint des sommets inégalés. Techniquement, c’est sans doute le film d’animation japonais le plus beau de tous les temps, et on aimerait tant que cela soit mit au profit d’un univers plus ambitieux et onirique. En attendant, contentons nous d’apprécier cette petite romance si poétique et touchante, et réjouissons nous de son grand succès qui confirme le potentiel commercial de l’animation à l’ancienne, si chère à nos cœurs.

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