S.O.S. Fantômes : L’Héritage


S.O.S. Fantômes : L’Héritage
2021
Jason Reitman

Après un reboot féminin décrié et ayant été un lourd échec commercial, la saga S.O.S Fantômes s’est très vite relevée puisque moins de trois ans après, une vraie suite aux deux films des années 80 devait voir le jour. Mais Covid oblige, le film a été reporté moult fois, et 17 mois après la date de sortie initiale, les spectateurs ont pu découvrir cette énième suite nostalgique d’une saga qu’on croyait éteinte. Si le succès fut au rendez-vous aux Etats-Unis avec un score sensiblement identique au reboot malgré un budget deux fois inférieur, les score internationaux modérés prouvent encore une fois que la saga reste profondément ancrée dans la culture américaine, sans en dépasser ses frontières.

Semblant aux premiers abords vouloir renouveler la formule, la saga quitte cette fois le cadre urbain de la ville à la grosse pomme pour la campagne. Fille de l’ex membre des Ghostbusters, Egon, Callie (Carrie Coon) va décider d’emménager dans la vieille maison délabrée de feu son père pour fuir ses problèmes d’argent. Pour elle, ce dernier n’était qu’un savant fou ayant délaissé sa famille, mais sa petite fille Pheobe (Mckenna Grace) va découvrir que ses mises en garde n’étaient peut-être pas infondées.

Ô désespoir ! En vrai le film commençait si bien : une chasse aux secrets, une Mckenna Grace retrouvant le rôle du petit génie qui lui allait divinement dans Mary, un mentor d’exception en la personne de Paul Rudd pour l’épauler, et en vrai l’ambiance un peu horrifique et pesante marche très bien, traitant enfin avec un minimum de gravité et de réalisme la question des fantômes. Des décors en dur, immense soulagement dans une ère nauséeuse dégoulinant de fonds verts, une réal impeccable et un excellent casting malgré un Finn Wolfhard de Stranger Things toujours aussi mauvais : non vraiment, le début du film laissait espérer un très bon divertissement. Mais le bilan restera bien plus contrasté au final, la faute à un repompage de la menace de Gozer (Olivia Wilde), ou comment la saga a été incapable de trouver un autre ressort scénaristique… Pire, dans un esprit de « coller au style des premiers films », on reprend le même genre d’effets spéciaux très laids, encore plus aujourd’hui, et si la réalisation du fils Reitman est meilleure que celle du père, tout ce qui touche à l’univers S.O.S Fantômes est ennuyeux voir raté. C’était attendu, l’équipe d’origine (Bill MurrayDan Aykroyd et  Ernie Hudson) fait bien évidemment une apparition, avec aussi le caméo sympathique mais totalement inutile de Sigourney Weaver en première scène post-générique (oui, il y en a deux… ), mais à l’image de « l’hommage » au membre décédé, le côté émotionnel ne fonctionne pas sur la fin. Autant les apparitions et manifestations dans la maison fonctionnent, autant le dénouement rate le coche de l’émotion : aucun mot touchant ou discours marquant. Plus grave encore, l’idée de le faire passer pour un connard tout du long n’est clairement pas lui faire honneur, car s’il fini lavé des accusations, il n’en reste pas moins traîné dans la boue pendant 90% du film. Grâce à un début captivant, une écriture mieux maîtrisée (enfin le personnage de Winston a un background de développé !) et à un style plus mature, le film se montre tout de même plus divertissant que ces prédécesseurs, mais ça ne sera pas aujourd’hui non plus que cette saga obtiendra ses lettres de noblesse.

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S.O.S Fantômes 2


S.O.S Fantômes 2
1989
Ivan Reitman

Succès commercial colossal oblige, une suite au film S.O.S Fantômes a rapidement été mise en chantier, et si une série animée a vu le jour entre temps, il aura fallu cinq ans pour convaincre l’équipe de rempiler. Mais si le rayonnement américain du premier film a permis de péniblement doubler les recettes hors du pays pour un modeste mais déjà moins ridicule 103 M$, à domicile l’hystérie a froidement été douchée : malgré cinq ans d’inflation et l’excellente réputation de son prédécesseur, cette suite n’a même pas réussi à atteindre la moitié des recettes pour un médiocre 112 M$. Et quand on voit le résultat, pas de quoi s’étonner d’un tel effondrement.

Le scénario est pour ainsi dire le même à la virgule près, quasi remake du premier film. Là encore, on commence le film par la bande d’amis  (Bill MurrayDan Aykroyd, Harold Ramis et  Ernie Hudson) virés de leur précédent emploi (là par le maire pour cause de trop lourds dégâts sur la ville) et qui vont se remettre au boulot suite à une manifestation étrange ayant encore une fois touché Dana (Sigourney Weaver). Et là encore, la menace sera un esprit maléfique qui va prendre possession d’une demi-portion friendzoné par cette dernière. La même histoire, et même  Rick Moranis trouve le moyen de revenir…

Déjà que l’ennui n’était pas loin dans le premier film, voir les mêmes ressorts scénaristiques usés jusqu’à la moëlle dans une suite qui ne fait que refaire ce qui a déjà été fait, l’intérêt ne pouvait que s’effondrer. D’autant que contrairement à un Maman j’ai encore raté l’avion ou à un Very Bad Trip 2 qui font aussi le coup de la suite / repompage, il y a au moins l’intérêt de quelques gags renouvelés, la conscience de faire la même chose et d’insister dessus, et les décors changeaient radicalement (de banlieue chic à grande ville pour l’un, et de Vegas à Asie pour l’autre). Là non, la seule « nouveauté » sont les slides, une gelée rose magique qui permet de faire tout ce qu’on veut avec le scénario, sorte de potion ultime du « ta gueule c’est magique » pour justifier tout et surtout n’importe quoi. Et en cinq ans, les effets spéciaux n’ont fait visiblement aucune avancée technologique, restant à un niveau grotesque où même l’étalonnage n’est pas au programme (ah mince, c’est de nuit mais l’objet 3D est full éclairé). Une suite oui, mais pour raconter quoi ? Espérons que le troisième opus officiel trouve la réponse, car là le calvaire était consumé.

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S.O.S. Fantômes


S.O.S. Fantômes
1984
Ivan Reitman

Après un pseudo suite féminisée qui fut un bide fracassant et quasi unanimement décrié, une vraie suite vient de débarquer, et il était donc grand temps de redécouvrir ce monument de la culture populaire qui fut à sa sortie l’un des plus gros succès de l’histoire aux Etats-Unis avec 242 M$, soit l’équivalent actuel de 626 M$, ce qui en fait après inflation la comédie ayant fait le plus d’entrées l’histoire, légèrement au dessus de Maman j’ai raté l’avion et ses 285 M$ sur le sol américain qui fait 621 M$ après inflation. Et pourtant, en dehors du pays de l’oncle Sam, le film est passé complètement inaperçu avec 53 M$ dans le reste du monde et des critiques loin d’être bonnes.

Qui allez-vous appeler ? Les Ghostbusters évidemment ! Trio de chercheurs dans une université New-Yorkaise, trois amis (Bill Murray, Dan Aykroyd et Harold Ramis) vont un jour découvrir une étrange substance résiduelle suite au passage supposé d’un ectoplasme, de quoi imaginer quel genre d’exposition pourrait justement détruire ce genre de composé. Il n’en fallait pas plus. Un petit licenciement, une hypothèque et voilà que la bande va se lancer dans l’aventure de la chasse aux fantômes.

Chasser des fantômes, c’est-il pas cool ? Bah non, c’est atroce comme forme d’errance, qui aspire à ce genre d’expérience post-mortem ? Non mais avec les costumes, les positronneurs, le véhicule, la barre de pompiers ? Bof… Who you gonna call ?! Ghostbusters ! En vrai même le concept n’est pas si bon, et le film l’exploite extrêmement mal. Passé le charme de Sigourney Weaver, l’espièglerie du personnage de Bill et la gentillesse qui émane du personnage de Dan, Harold est une caricature d’intello ennuyeuse, Ernie Hudson est une nouvelle recrue trop tardive et qui ne sert à rien, Rick Moranis est juste malaisant et pas respecté tant son rôle est souillé, et tout le scénario est juste catastrophique. On balance des noms pseudo scientifiques pour vaguement expliquer le concept, puis ensuite c’est la foire à la saucisse : on balance des noms au hasard pour teaser une menace invraisemblable, et absolument tous les ressorts de développement n’ont aucun sens. L’agent écologique débile, eux qui laissent faire, des possessions comme par hasard, du mac guffin de sumo, vraiment un enfer à suivre. Point moins important mais tout de même à noter : le film a particulièrement mal vieilli. Les effets spéciaux sont criards, kitchs au possible, les décors en carton-pâte et mon Dieu que ça se voit ! Les héros et la musique sont cool, mais à part ça l’ennui était clairement pas loin.

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Mandibules


Mandibules
2021
Quentin Dupieux

Oh la la Michel, il est 11h59 et la pause repas arrive dans une minute mais une mission importante vient d’arriver. Que faire ? Oh la la, je ne sais pas Bernard, mais as-tu remarqué le contour bleu des portes ? Non, mais en voilà une remarque intéressante qui mérite qu’on s’y attarde parce que… Ah c’est bon, c’est midi ! Couscous à la cantine ? C’est Parti ! Je sais plus quoi dire si ce n’est au secours. Pitié plus jamais Quentin Dupieux

Le film improvise raconte l’histoire du Palmashow de Jean-Gab et Manu (David Marsais et Grégoire Ludig), deux galériens vivant chez sa mère pour l’un et SDF pour l’autre. Alors que le second devait voler une voiture pour une mission de livraison, les deux compères vont se rendre compte que la voiture volée n’était pas si vide que ça : une mouche géante se trouvant dedans. Que faire ? La dresser pour qu’elle rapporte des choses et qu’ils deviennent riches bien sûr !

Il faut savoir rester l’esprit ouvert, mais juste stop le mélange de drogues. C’est comme si le metteur en scène avait prit une vieille caméra et demandé aux comédiens « jouez le plus mal possible et ayez toujours la réaction la moins naturelle et la plus débile imaginable ». C’est ainsi que Bruno Lochet, et je ne serais dire plus tellement il ne sert à rien et ne fait rien qui influe sur quoi que ce soit et disparaît aussitôt. C’est aussi ainsi que  Adèle Exarchopoulos gueule, parce que accident de ski (mais quoi ?!). Le pire c’est que cet escroc de réalisateur en a conscience et se fout ouvertement du spectateur avec Roméo Elvis, là pour souligner à quel point le scénario n’a aucun sens, que les gens réagissent n’importe comment et que tout cela est un immense foutage de gueule. La mouche ne sert pour ainsi dire à rien, simple meuble dans le fond pour des blagues de mauvais goût (le chien et les excréments, deux ressorts comiques que je trouve abjects). Rien n’a d’importance, d’enjeux ou de cohérence. On est passé à un cheveux du full retour case départ en mode « taureau déception, ça a vraiment servi à rien toute cette histoire ». Au moins ce fut court, mais c’était déjà ça de trop.

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Don’t Look Up


Don’t Look Up
2021
Adam McKay

Brillant à tous les niveaux, un passage mémorable résume à lui seul la pensée humaine dans Transformers 3 : « quand les générations futures nous demanderont ce que nous faisions quand les extraterrestres nous on prit notre planète, on leur répondra qu’on était trop occupé à les regarder faire ». Dans cette méga-production Netflix au casting délirant (Jennifer Lawrence, Leonardo DiCaprio, Meryl Streep, Jonah Hill, Mark Rylance, Cate Blanchett, Tyler Perry, Ron Perlman, Ariana Grande, Himesh Patel, Chris Evans, Tomer Sisley ou encore Timothée Chalamet), la menace viendra elle aussi de l’espace, certes pas d’une source de vie alien, mais d’une météorite.

Comme toujours nombrilistes et avec le complexe de Dieu, les américains nous pondent un film autocentré où forcément, ce sont des scientifiques américains qui détectent en premiers la menace, et comme ils se sont autodéclarés maîtres du monde, ce sont forcément chez eux que se jouent tous les enjeux de la planète. Et si le pouvoir et l’argent sont ce qui motive nos dirigeants partout dans le monde et que la médiatisation contrôle l’opinion publique et garanti leurs privilèges d’élus, cet aspect est exacerbé de par le monopole américain du propos. Ce point de vue risque donc d’en laisser certains sur la touche, mais globalement le film marche bien. Moins perché et pure comédie qu’on aurait pu craindre, le film se veut « réaliste », quoique passablement nihiliste et parfois un peu à côté de la plaque. Oui les gens sont cons et se fascinent pour des conneries people et passent trop de temps sur les réseaux sociaux, mais dans toute vie le risque de mort reste le centre d’intérêt premier, car même si on doit tous vivre avec ce fardeau qui nous ronge qu’est la certitude de mourir un jour, la plupart espèrent que ce sera le plus tard possible. Le film est un peu long (2h10 si on enlève le générique), mais heureusement l’écriture est suffisamment bonne pour relancer l’intérêt tout du long avec un réel suspens quant au dénouement, et l’avalanche de stars n’est pas un cache misère inutile, tous ou presque ont un vrai rôle bien développé et intéressant. Mention spéciale à la fusion d’Elon Musk et Steve Jobs, particulièrement inquiétant et amusant. On l’aura compris néanmoins, le message pas très fin derrière tout ça est le réchauffement climatique et la pollution en général : les scientifiques alertent avec des données chiffrées, et les politiques y répondent selon ce qui les arrange en termes financiers et électoraux. Plus le temps passe et plus je pense assister à l’extinction de l’humanité de mon vivant, et je répondrais aux civilisations extraterrestres qui découvriront les restes de notre passage ici que j’étais moi aussi trop occupé à regarder notre espèce s’autodétruire.

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Shang-Chi et la Légende des Dix Anneaux


Shang-Chi et la Légende des Dix Anneaux
2021
Destin Daniel Cretton

C’était déjà pratiquement le cas avant le Covid, c’est désormais une écrasante vérité : la Chine est devenu assez largement première au box-office mondial, ayant en 2021 fait près de quatre fois plus d’entrées et deux fois plus de recettes que les Etats-Unis, occupant même les secondes, troisièmes et sixièmes place du box-office mondial avec trois films à plus de 700 M$ localement, dont un film de guerre à 910 M$ qui rapproche un peu le pays de son premier milliardaire local, succès impensable n’importe où ailleurs. Et vu la popularité du MCU par chez eux, il était plus que tentant de proposer au monde un de leurs héros issue de l’empire du milieu. Seulement voilà, alors que cinq films du MCU (dont deux Sony) ont vu le jour en 2021, aucun n’a foulé le sol chinois suite au boycott américain des Jeux-Olympiques de Pékin à venir, et coup sur coup les opus Disney du MCU ont connu ses trois plus gros échecs commerciaux quand la branche Sony-verse bat des records. Un avenir déjà incertain à peine deux ans après le raz-de-marée Endgame ?

Qui est donc Shang-Chi (Simu Liu) ? Fils du millénaire maître des anneaux (Tony Leung Chiu-Wai), il avait tourné le dos à son passé pour fuir la violence de la confrérie des Dix Anneaux, se contentant d’une vie rangée de voiturier à San Fransisco avec son amie Katy (Awkwafina). Mais une décennie plus tard (deux non vu l’âge des acteurs ?), son passé va le rattraper.

Diantre que cette phase IV commence très très mal ! Si les premières séries dévoilées sur Disney+ sont sympathiques, le MCU n’enchaîne visiblement pas pour rien les flops au box-office tant entre celui-ci et Black Widow le niveau est bas, très bas. Alors oui, les décors sont parfois beaux, les combats parfois bien chorégraphiés et on retrouve quelques idées de design pas trop mal, mais on a déjà vu tellement mieux sur absolument tous ces points ! Mais ce qui pêche surtout, c’est l’absence total de charisme pour Shang-Chi, sa sœur et son amie, et l’écriture est juste lamentable. « Je savais que si mes hommes essayaient de te tuer ils n’y arriveraient pas ». Sérieusement ?! « Arf, je vais devoir tuer mon propre père ». Parce que prendre deux minutes pour expliquer à un taré qu’une créature démoniaque qui absorbe les âmes et relâche des créatures dangereuses peut potentiellement mentir ?! Rien ne va dans ce scénario, les personnages sont fades (Michelle Yeoh ne sert à rien et on nous ressort Ben Kingsley pour s’excuser d’Iron Man 3 qui était assurément l’un des plus originaux et aboutis de la saga), les enjeux trop locaux et personnels pour avoir un quelconque impact après une vingtaine de films du MCU, le film n’est presque jamais drôle et les quelques trop rares originalités ne le sont que par rapport à cette saga, pas par rapport au cinéma en général. Avec une telle débauches de moyens, difficile de pleinement se planter, mais on tient probablement là le film le moins intéressant de tout le MCU.

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Free Guy


Free Guy
2021
Shawn Levy

Passé assez largement inaperçu en France avec moins de 600 000 entrées, malgré une sortie simultanée Disney+ et donc un piratage massif il fut pourtant l’un des premiers vrais succès en salles, car malgré l’avalanche de stars et des effets spéciaux en pagailles, certains savent mieux gérer leur budgets que d’autres, affichant seulement 115 M$ de budget, rendant la somme amassée en salles de 331 M$ plus que correcte, au point d’avoir voulu lancer directement une suite. Un parcours quasi inespéré pour ce film mainte fois reporté et dernier gros blockbuster de la Fox produit avant le rachat par Disney, mais qui a visiblement eu droit à quelques reshoots pour pousser un peu plus loin le délire en profitant des droits de la firme aux grandes oreilles.

Croisement improbable entre la série Westworld et les jeux-vidéo GTA, le film raconte l’histoire de Guy (Ryan Reynolds), un simple PNJ (Personnage Non Jouable) du jeu online Free City, sorte de réplique de New-York où les gens font absolument n’importe quoi, vol, destruction, braquage et autre rodéo urbain, bref tout ce qui serait illicite et violent pour se libérer de la frustration du quotidien et expulser leurs haine. Un univers vidéoludique somme tout classique, et jusqu’alors les PNJ étaient programmés pour obéir aux joueurs et les laisser faire ce qu’ils veulent (mais sans sexe bien sûr, on reste sur du jeu vidéo grand public). Mais un beau jour, en croisant la route d’une joueuse, Guy va sortir de sa boucle et se mettre à exprimer un libre arbitre inédit.

Que ce soit à l’annonce du projet ou en voyant la bande-annonce, je n’aurais pas parié un centime sur le film, qui sentait à des kilomètres le gros foutraque, blockbuster lambda au scénario inexistant. Il faut dire que le film était vendu comme Deadpool se rendant compte que l’univers qui l’entoure est un jeu et qui décide de faire n’importe quoi avec des pouvoirs archi cheatés. La vérité est bien loin et autrement plus réjouissante : ne sachant ce qu’est un jeu-vidéo, le personnage ne va tout simplement pas remettre en cause sa réalité (au début) mais va voir en son éveil la possibilité d’exprimer ses choix et vivre réellement sa vie. Car derrière ses explosions et son environnement violent à la GTA, le film est une introduction à l’intelligence robotique avec une première forme de vie logicielle mais sans corps physique, et le film arrive même à être pertinent et parfois touchant dans ses propos. Derrière, l’histoire principale du vilain patron (Taika Waititi) qui a volé le projet de deux jeunes (Joe Keery et Jodie Comer) semble un peu banale avec la course à la vérité détenue par le joueur (Channing Tatum), mais les personnages sont touchants, et après l’avoir vu galérer sentimentalement pendant trois saisons de Stranger Things, voir un Steve toujours aussi adorable littéralement créer de la vie par amour pour montrer cet amour avec un jeu d’acteur si beau, on se dit que le blockbuster décérébré qu’on pensait nous a bien eu. Les enjeux sont là, l’action est efficace, la mise en scène spectaculaire, la déferlante d’effets spéciaux est pleinement justifiée et de fait réussie (à part peut-être l’incrustation du visage de Dude, mais vu l’état du projet ça pourrait être voulu), et outre l’humour qui marche à blinde, surtout dans la séquence fan-service avec Chris Evans, le film fait souvent preuve d’une finesse surprenante, comme la pique sur les armes à feu. On est loin du niveau intellectuel d’un Westworld et notre cerveau ne sera pas retourné, mais le film est étonnamment profond et bien écrit, drôle, dynamique, touchant, et efficace dans tous les genres qu’il aborde, que ce soit la SF, l’action ou la romance. Un concept qui ne payait pas de mine, mais assurément l’une des meilleures surprises de l’année.

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Cruella


Cruella
2021
Craig Gillespie

Voici l’un des tous premiers blockbuster proposé en pâture aux salles lors de la réouverture de ses derniers après plus d’un an de fermetures et timides réouvertures en pleine pandémie. Projet de préquel aux 101 Dalmatiens destiné d’abord à promouvoir la plateforme Disney+, le studio a finalement privilégié pendant les premiers mois une sortie simultanée, avant de se rendre compte avec le recul que c’était commercialement la pire idée qui soit, réduisant d’en moyenne 70% les entrées en salle entre les quelques ventes en ligne et surtout le piratage massif alors que beaucoup hésitaient encore à retourner dans les salles par peur de la maladie. Si les chiffres de la plateforme de streaming sont inconnus, le budget est lui aussi très variable selon les sources, oscillant entre un massif 100-125 M$ jusqu’à 200 M$ pour certaines sources. Or avec un box-office mondial de 233 M$, d’un extrême à l’autre on passe d’un succès très relatif à un gouffre financier monumental. Mais puisqu’apparemment une suite est en chantier (sérieusement ?), il faut croire que le vrai budget est plus proche des 100 que des 200 M$.

L’histoire est donc celle de la terrifiante Cruella d’Enfer qui… Ah non ? Non, c’est l’histoire de Estella (Emma Stone), une méchante qui déteste les chiens et maltraite… Ah non ? Non, ce sont donc les mésaventures d’Estella, une pauvre et gentille orpheline qui adore les chiens, vit avec ses deux meilleurs amis Japser et Horace et deux adorables trésors sur pattes. Et elle rêve de devenir styliste et de se venger de la Baronne (Emma Thompson) qui a tué sa mère. Ah et Anita est noire, journaliste, et Roger est avocat. QUOOOIIIIIIIII ???!!!

On ne va pas y aller par quatre chemins, ce film est une catastrophe sur un nombre hallucinants de points, sur la forme mais surtout sur le fond. Vouloir raconter un préquel c’est bien, mais être cohérent avec la suite, ça ne serait-il pas mieux ? C’est bien simple, à part vite fait le duo Jasper / Horace de « respecté » malgré un classique ethnie washing actuel (mais pourquoi diable ne pas inclure de nouveaux personnages pour la diversité au lieu de changer des anciens qui n’ont d’ailleurs rien à faire là ! La diversité oui, mais faite le bien !), l’écriture des personnages est juste affolante. Comme d’habitude avec les relectures de Disney, les méchants n’en sont plus, et de fait il faut inclure un nouveau méchant, mais c’est fait de la pire des manières. C’est bien simple, ce préquel est en quelques sortes un remake puisque la méchante reste la directrice de mode et la gentille une de ses employées, avec au milieu une histoire de chiens. Mais l’écriture est tellement mauvaise entre des dalmatiens tueurs qui changent d’allégeance en deux secondes, mais surtout Cruella elle-même : on nous la présente comme schizophrène, alors qu’en réalité elle n’a aucun saut d’humeur de tout le film et met même une heure entière à faire vite fait preuve de sadisme. Les clins d’œil au film de 1997 sont d’une lourdeur atroce, allant jusqu’à une scène post-générique pour faire le lien quasi direct en reprenant des décors semblables et la fameuse chanson, pourtant arrivant chronologiquement bien plus tard et avec des protagonistes qui n’ont rien à voir sur la papier, que ce soit physiquement, amicalement (d’où Anita et Cruella sont BFF d’enfance ?!) et professionnellement (exit la styliste et le programmeur de jeux, ils sont journaliste et avocat). Le film va même jusqu’à prendre Mark Strong pour jouer les valets au grand cœur, rôle qu’il connaît décidément bien. Les dialogues sont d’une platitude sans nom, le rythme atroce (2h15 !) et nom de Dieu quelle est cette manie de cracher à la gueule des dresseurs d’animaux en remplaçant tous les chiens par des doublures numériques la plupart du temps criardes et sans âme ? Vous n’allez pas me dire que ce sont des créatures devenues dangereuses et difficiles à apprivoiser subitement ? Pour un film avec un tel budget et tourné sans la moindre contrainte sanitaire puisque datant de 2019, c’est un scandale d’avoir des scènes aussi indignes que le parachutage, l’une des pires incrustations que j’ai vu de ma vie. Scénario, personnages, dialogues, liens avec la suite, toute l’écriture est un cuisant échec, visuellement le film a des effets spéciaux immondes, le rythme est d’une mollesse insupportable avec tant de passages ennuyeux et inutiles, et même les acteurs sont cabotins à outrance. Cruella ? Un enfer…

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Bac Nord


Bac Nord
2021
Cédric Jimenez

Monde de merde, le film. A force on le sait bien que le monde est pourri jusqu’à la moelle, on ne va d’ailleurs pas forcément au cinéma pour qu’on nous le rabâche, mais il est important de pointer du doigt les plus grands travers qui gangrènent notre société. Tiré d’une histoire vraie, le film a été l’un des deux premiers à atteindre la barre symbolique des deux millions d’entrées en France en 2021 dans le contexte du cauchemar sans précédent pour les salles qu’est le covid, puis le passe sanitaire et enfin le passeport vaccinal. Un exploit qui a électrisé les foules et suscité un large débat, de quoi attiser la curiosité, même en étant habituellement hermétique au genre policier.

L’histoire remonte en 2012 alors que le préfet de Marseille, préparant probablement une réélection ou autre, a voulu faire un gros coup de pub en nettoyant un peu sa ville, l’une des pires au monde en termes de trafic de drogue, d’armes, blanchiment d’argent, racket, vol, viol, détérioration de bien publiques, et meurtre dans la plus grande impunité. L’honnête citoyen n’y a plus sa place, tout n’est que misère et désolation dans un décor en ruines. Mais pour le trio de choc de la Bac Nord, Greg (Gilles Lellouche), Antoine (François Civil) et Yass (Karim Leklou), hors de question de baisser les bras, s’il faut faire le sale boulot, ils répondront présent.

Reste t-il quoi que ce soit à sauver de Marseille ? Chaque rue, même le vieux port, est délabrée au possible. La ville est sale, pleine de détritus, taguée de partout, et les bâtiments tombent en ruines. La misère est-elle plus belle au soleil ? Non. Comme un respirateur artificielle pour un vieillard centenaire en étant de légume, la police ne sert à rien, camouflant un cadavre déjà bien putride et rongé par les vers. Les truands se baladent en bande, masqués, armés, et n’ont pas peur une seconde de la police car ces derniers sont impuissants, moins nombreux et moins bien équipés, et contrairement aux premiers, intrépides et habitués à s’entretuer, eux ont des familles et ont peur de mourir. Le respect a disparu depuis des générations, les enfants caillassent les voitures et volent sous couvert d’être intouchables car mineurs, et les grands font leur trafic au grand jour, intouchables. De temps à autres des opérations tentent de secouer les fourmilières, mais il suffit d’une sous-merde d’ordure comme El Blancos pour trahir les siens et frapper ceux qu’on devrait célébrer.

Le film aurait pu être un « simple » constat effroyable de la cité faussé-haine, doublé d’un excellent film d’action au rythme parfaitement maîtrisé – et avec deux actrices particulièrement talentueuses : Adèle Exarchopoulos et Kenza Fortas – pendant ses 75 premières minutes, mais ce aurait été un portrait incomplet d’à quel point le monde est pourri jusqu’à l’os. Là où beaucoup auraient simplement conclu avec un petit épilogue, le film nous offre un quatrième acte relançant l’histoire sur une autre forme de pourriture : le système et ceux qui l’appliquent. Si la loi est mauvaise et empêche de faire respecter l’ordre, doit-on la changer ? Oui, mais il est tellement plus simple d’obliger les personnes les plus dévouées à se sacrifier pour ensuite les blâmer. Un système d’ordures bureaucrates, et au final tout n’est communication et marketing, car au fond que ce soit Marseille ou toutes les grandes, chacune possède ses quartiers de désolation, de non droit où la police n’est plus en mesure d’intervenir, ou si peu que les bienfaits sont immédiatement balayés. Et plutôt que de le dire, le film montre l’ampleur de la désolation, la violence de la frustration, l’amertume du mépris et de la couardise. Un tour de force de mise en scène et d’efficacité sur une réalité tout sauf agréable à voir, mais importante à comprendre.

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Docteur?


Docteur?
2019
Tristan Séguéla

Déjà qu’en temps normal je ne vais jamais chez le docteur, faire en plus appel à un médecin à domicile, de nuit et à Noël, on se demande bien quel genre de problème peut requérir un « simple » médecin et non directement le Samu pour foncer aux urgences. Quand en plus cela se passe à Paris et que le seul médecin de garde cette nuit là, Serge (Michel Blanc), est un alcoolique dépressif et qui a en plus perdu son fils le jour de Noël il y a six ans, voilà de quoi s’assurer une qualité de service optimale. Et ce qui devait arriva : il va picoler à outrance et se blesser, le rendant inapte à conduire et donc aider tous les gens ayant besoin de lui, faisant planer un risque de licenciement pour faute grave qui plus est. Mais dans son malheur il va faire la connaissance de Malek (Hakim Jemili), un jeune livreur au grand cœur qui va être ses yeux et ses oreilles pendant que lui va rester à lui souffler les réponses depuis la voiture.

Le concept du film est vieux comme le monde : le maître et son élève. L’un sait tout mais ne croit plus en rien, exerçant par obligation plus que par passion, tendis que l’autre ne sait rien mais va se découvrir une passion en participant au secours des autres. De fait tout est passablement attendu et prévisible, mais ça n’empêche pas le film d’être efficace et agréable à suivre. Même bougon et pas loin du connard fini, Michel Blanc reste cette figure de bienveillance, et son duo avec son nouveau fils de cœur est certes facile, mais non moins mignonne à défaut de réellement nous toucher. On aurait aimé une histoire de fond un peu plus poussée, le film enchaînant les missions (l’occasion de croiser Solène Rigot, Artus ou encore Frank Gastambide) sans autre forme d’enjeu que de renforcer les liens entre les personnages. Un manque d’ambition ? Probablement, le film citant Night Call dans ses références, film autrement plus ambitieux avec justement une trame de fond s’installant peu à peu et avec une vraie finalité autre que juste se reprendre en main. Un divertissement honnête donc, et on ne peut malheureusement pas en dire grand chose de plus.

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