Oscar


Oscar
1967
Edouard Molinaro

Qui dit pièce de théâtre dit unité de lieu, peu de personnages et donc une écriture prenante avec le plus de situations rocambolesques possibles pour retenir l’attention du spectateur tout du long. Le huis clos comique de théâtre adapté en film a souvent donné lieu à de très bons films comme Le Père Noël est une ordure ou Le Prénom, et cette fois on revient sur un classique parmi les classiques, joué près de mille fois pendant une décennie entière (même si les deux acteurs principaux ont changé plusieurs fois et que le jeune prétendant n’avait pas expérimenté les planches) : Oscar.

Dans la vie, si vous voulez quelque chose, il faut le prendre. Bien conscient de ça, Christian Martin (Claude Rich) va tout simplement sonner chez son patron (Louis de Funès) de bon matin, non seulement pour lui demander une augmentation et pour lui annoncer dans le plus grand des calmes qu’il lui a volé des millions, mais qu’il fait en plus tout cela pour lui demander la main de sa fille. Voilà de quoi commencer sous les meilleurs auspices sa relation avec son potentiel futur beau-père.

Difficile de parler de l’histoire et surtout de qui est Oscar, personnage sans nul doute le moins important de l’histoire, mais dont l’attribution du titre de l’œuvre montre tout son style : un jeu de dupe. Quiproquos, imbroglios improbables et manigances à outrance vont ponctuer un récit des plus riches, une masterclass continue sur les arts oratoires. Les dialogues sont d’une perfection inouïe, les acteurs splendides, Claude Rich est majestueux, Louis de Funès se donne à fond et nous livre l’une des meilleures prestations de sa carrière, et on suit l’histoire, tantôt captivé par les retournements de situation, tantôt à rire aux larmes tant la force comique atteint des sommets. Alors oui, du fait d’être un classique absolu, le film possède tous les codes du genre et ne semble de fait pas avoir d’originalité avec le recul, mais son histoire reste un must d’efficacité et n’a pas prit une ride, et les performances valent le détour. Pour petits et grands, hier comme aujourd’hui, la puissance comique du film est tout simplement indéniable.

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La Mule


La Mule
2019
Clint Eastwood

La neuvième décennie et toujours pas trop vieux pour ces conneries ? Alors que papy Eastwood, comme on fini par le surnommer tant il semble vouloir poursuivre jusqu’à la mort, enchaîne doucement les bides retentissant avec une industrie qui commence à ne plus réussir à équilibrer les échecs du réalisateur, voici l’un de ses derniers vrais succès, retrouvant son acteur « fétiche » Bradley Cooper qui lui avait valu une pluie de nominations et surtout le plus grand succès de sa carrière : American Sniper.

Quand on traverse les âges, on voit la société évoluer et nous rejeter de plus en plus. Pour Earl Stone (Clint Eastwood), ce fut d’abord l’arrivée d’internet qui tua peu à peu son exploitation de fleurs, puis la crise économique qui fini par détruire son bel havre de paix. Un beau jour il fera la rencontre qui va changer sa vie : un dealer captivé par l’histoire de ce vieil homme qui a notamment sillonné le pays de bout en bout sans jamais s’être prit le moindre PV de sa vie. Entre lui cherchant une mule pour transporter sa drogue et Earl voyant son monde s’effondrer faute d’argent et à cause d’un système plus corrompu que le monde de la drogue, l’alliance sera évidente. Et qui pourrait soupçonner un vieillard qui n’a jamais fait un pet de travers en près de 90 ans ?

Le concept du film est d’une simplicité absolue : encore et toujours ce monde de merde qui n’aide jamais ceux qui jouent le jeu, alors à quoi bon. On suit donc d’un côté Earl, tentant de mettre à profit la dernière ligne droit de sa vie pour aider ses proches, car si l’argent ne fait pas tout, tout se fait avec de l’argent. Et de l’autre côté on suit le monde de la drogue (dirigé par Andy Garcia), cherchant simplement à répondre à la demande et surtout à leurs besoins primitifs de richesse et pouvoir, et la police (avec Laurence Fishburne, Bradley Cooper et Michael Pena) qui fait simplement son travail, pas pour l’argent mais toujours pour asseoir eux aussi leur pouvoir.

Des films sur la drogue, on en a eu des centaines, et malheureusement difficile d’y trouver un axe original. Le film y arrive néanmoins partiellement en racontant principalement cette histoire par le biais d’un vieil homme n’ayant plus rien à perdre, permettant de glisser quelques remarques que d’aucuns jugeraient choquantes de par leur manque de tact. A croire qu’il faut attendre 90 ans pour « dire les choses », bien qu’en réalité ce soit surtout de l’aigreur face à un monde qui ne change pas comme on aimerait. Reste que même avec un tel casting, l’argumentaire est léger : ce même personnage du vieil aigri, on l’a déjà eu en mieux dans Gran Torino, et côté film sur la drogue, Barry Seal était bien plus prenant. Avec en prime une fin trop banale et quelques soucis de rythme, le film peine donc à s’imposer dans un paysage cinématographique surchargé de productions bien plus abouties sur le sujet : Air America, Breaking Bad ou War Dogs, Blood Diamond et Lord of War dans des thématiques très proches. Le film est assez efficace dans l’ensemble, mais difficile d’y trouver tellement d’intérêt quand tous les thèmes abordés l’ont déjà été et en mieux.

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Bécassine!


Bécassine!
2018
Bruno Podalydès

Adaptation de la bande dessinée éponyme de Caumery et Émile-Joseph-Porphyre Pinchon, le film avait pour ambition de remettre sur le devant de la scène ce personnage de la culture française de « boniche bien brave » comme on dirait, quelque peu sombré dans un oubli absolu depuis sa parution en 1905 alors même que son prénom est entré au dictionnaire, devenant un adjectif péjoratif pour se moquer de la naïveté d’autrui. Il faut dire que ce ne sont ni le film de 1940 ni la version animée de 2001 qui ont pu revigorer la popularité du personnage tant les films ont été décrit comme oubliables voir mauvais, avec en prime un cuisant échec en salles.

L’histoire prend place en Bretagne (ou Picardie selon l’origine choisie mais je ne me rappelle déjà plus) à la fin du XIX° siècle. Fille de fermiers très modestes, Bécassine se rêvait vivant la grande vie à Paris, mais sans jamais oser y aller malgré les encouragements de son oncle (Michel Vuillermoz). Finalement, plus proche de la ménopause que de sa jeunesse, elle va se réveiller sur le tard et partir baluchon en main direction la capitale. Elle tombera alors sur la marquise de Grand-Air (Karin Viard) et son compagnon (Denis Podalydès), qui lui proposeront un travail de nourrice, lui faisant découvrir un rêve plus grand encore, celui d’une maman de cœur.

Outre mon amour pour les histoires se déroulant à cette douce période, mais généralement plus dans l’aristocratie britannique, ce film avait un autre argument de poids pour me convaincre : son réalisateur. Si la BD m’était totalement inconnue, son réalisateur nous avait – surtout moi – régalé de cette douce et improbable note poétique qu’est Comme un avion. Et avec en prime un casting solide (avec en plus de ceux cités Josiane Balasko et Vimala Pons), le projet était donc intéressant à plus d’un titre malgré la globale qualité désastreuse des adaptations de BD, mais vu le bide retentissant (à peine deux cent mille entrées avec une exploitation digne des plus gros blockbusters avec près de 700 salles et ce en plein mois de juillet, pour ainsi dire le meilleur de l’année) prudence était de mise. Et effectivement, dès les premiers instants le constat est terrible : personnages caricaturaux à outrance, jeu théâtrale insupportable et transposition catastrophique. Et tout du long le constat sera invariable, à savoir un enchaînement de gags et situations rocambolesques qu’on imagine fort bien dans une BD, mais qui à aucun moment ne fonctionne premier degré sur écran. Si petit à petit on fait l’effort de s’intéresser à l’histoire et aux personnages, le bilan reste sans appel tant pas une seule pitrerie ne fonctionne. Et même artistiquement, hormis quelques compositions musicales agréables, la réalisation est souvent raté, que ce soit les plans de nuit illisibles ou les mouvements de caméra trop cartoons. Pire encore, le personnage principal n’est pas crédible, alternant entre bêtise et ignorance absolue d’un côté, et génie créatif de l’autre. Sans être un navet absolu, le film ne fonctionne juste pas et prouve que chaque support possède ses propres codes et que le travail d’adaptation n’est décidément pas évident.

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Spider-Man New Generation


Spider-Man : New Generation
2018
Bob Persichetti, Peter Ramsey, Rodney Rothman

Alors qu’aujourd’hui sort une itération live particulièrement attendue du multivers, Sony avait déjà sondé le terrain avec une version animée trois ans plus tôt. Succès modeste vu la franchise mais très encourageant vu le faible budget (90 M$), le film avait récolté près de 390 M$ dans le monde, de quoi mettre en chantier pas moins de deux suites prévues pour 2022 et 2023. Entre ça, une nouvelle trilogie live et quantité de projets annexes sur les principaux antagoniste, les fans de l’univers de l’homme araignée sont ravis.

L’histoire prend place dans le même univers que celui de la toute première trilogie live initiée par Spider-Man, nous rappelant brièvement certains moment clés qui y sont liés, comme pour rappeler que non, le film ne s’adresse pas uniquement aux fans de comics mais au large public, celui qui se rue en masse à chacun des films live (point qu’il aurait été intéressant de mettre en avant dans le marketing pour rassembler davantage les spectateurs). L’histoire est néanmoins celle de Miles Morales, jeune adolescent afro-américain ayant grandi avec l’image du grand et unique Spider-Man, jusqu’au jour où lui aussi sera mordu par une autre araignée échappée d’un labo et lui procurant ainsi peu ou prou les mêmes pouvoirs. Il devra à son tour enfiler le costume et devenir un super héros pour faire face à ni plus ni moins qu’une menace de monde s’effondrant sur lui-même avec Wilson Fisk akka Le Caïd, inconsolable de la perte de sa famille et cherchant à ramener cette dernière d’un monde parallèle en ouvrant une brèche dans le multivers.

Assez perplexe quant au visuel du film de prime à bord, de même que ne connaissant Miles Morales et pensant immédiatement à de la pression woke nocive, il faut reconnaître qu’à quelques détails près le film fait un taff juste monstrueux. C’est visuellement grandiose, un comics prenant vie mais dans une version très élaborée, fourmillant de détails, d’une richesse graphique inouïe avec une inspiration de mise en scène démente. Quant à Miles, même si son histoire sent le réchauffé et que le film tente de lier ça au destin de façon un peu facile, il s’avère être un excellent personnage, clé d’entrée dans ce monde où nous aussi on a grandi en étant un fan de l’homme en collants bleus et rouges. En voir plusieurs à l’écran était une bonne idée, logique avec le scénario, même si au final, à part la version adulte, la version dark et surtout la ravageuse Spider-Gwen, le spider-cochon et la version manga ne passent pas, créant une dissonance dans cet univers visuel, à quelques bulles de comics près qui m’ont personnellement dérangées, l’ensemble fonctionne très bien. Malgré la quantité de personnages à introduire, faisant que les méchants notamment manquent de background, surtout les secondes mains, on est agréablement surpris tout du long à quel point le projet est solide et mené de main de maître. De quoi partir confiant pour la version live.

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Le Tigre et la neige


Le Tigre et la neige
2005
Roberto Benigni

De vagues souvenirs me hantaient sur un homme insupportable mais touchant pour l’une des plus belles romances jamais vues. Et pourtant, le film marqua la fin de la carrière de cinéaste de l’acteur italien et fut un sévère échec sur tous les tableaux. Après son très acclamé La Vie est belle (près de 230 M$ dans le monde), il obtint un budget conséquent de 30-35 M$ selon les sources, mais les critiques furent assez tièdes, la distribution difficile voire inexistante hors Europe, et au final le film a rapporté moins de 25 M$. Certes, il y a près de deux décennies de ça les ventes physiques étaient près de trois fois supérieures à ce qu’elles sont actuellement, et plus le temps passe plus un film s’amorti avec les rediffusions télé, donc pas de quoi s’alarmer, mais clairement le film méritait mieux.

Ah l’amour… Attention spoiler, mais il le faut, car s’il l’on peut aimer plusieurs femmes au cours de sa vie, il ne peut y avoir qu’un seul grand amour. Pour Attilio (Roberto Benigni), c’est la mère de ses enfants, Vittoria (Nicoletta Braschi), dont il est séparé désormais, mais qu’il aime toujours et essayera de reconquérir jusqu’à sa mort s’il le faut tant son amour pour elle est éternel. Ecrivant un livre sur le poète Fouad (Jean Reno), Vittoria était partie le suivre à Bagdad pour boucler la biographie, mais c’était justement le moment où la guerre en Irak a éclaté, et cette dernière fut grièvement blessée durant l’assaut américain. N’écoutant que son cœur, Attilio va tout faire pour la retrouver et la sauver.

Le film aurait pu être l’une des romances les plus touchantes et bouleversantes jamais réalisée, et elle l’est sur bien des points, mais le film a aussi de lourds défauts. Si en réalité le personnage d’Attilio est bien plus sympathique que dans mes souvenirs, avec notamment son cours virevoltant sur la poésie, pendant la quasi entièreté du film, son amour pour Vittoria manque de développement, de contexte. Pour le spectateur, elle n’est que potentiellement une ancienne amante qui se joue de lui et dont l’attirance semble surtout physique. Il faudra attendre la toute fin pour qu’on comprenne que celle qu’on prenait pour son ex femme était en fait une nounou, et que la Vittoria en question est en réalité son ex femme, et d’ailleurs femme du réalisateur depuis une trentaine d’années maintenant. Certes, le film fait exprès de ménager cette surprise, mais c’est en réalité une erreur tant le savoir nous aurait fait d’autant mieux comprendre son amour et sa dévotion, qui jusque-là passaient plutôt pour du harcèlement très lourd et déplacé. De fait, tout ce qui se déroule avant l’arrivée en Irak est assez poussif, et le moyen d’y aller est tellement génial qu’on aurait aimé que ce passage très drôle soit plus développé et encore plus dans l’excès. De même, on regrettera que le personnage de Fouad soit si peu développé, nous empêchant de pleinement comprendre ses motivations.

Pour autant, le film est grand et profondément beau. On parle tout de même d’un homme qui ne cesse d’être repoussé par son ex femme, mais qui continue de se battre inlassablement pour elle, au point de risquer sa vie en partant au beau milieu d’une guerre pour sauver sa moitié. Et c’est sur place que le plus dur sera à faire, devant se battre pour trouver de quoi la soigner et l’aider dans un champ de ruine où tout le monde se bat pour sa survie. L’abnégation à son paroxysme, la veillant nuit et jour quand il ne coure pas entre les balles pour trouver de quoi la soigner. Et la fin est juste magistrale, quoi que manquant un peu de finesse sur tous les set-up pay-off. Entre le tigre, les oiseaux, la réplique sur l’amour qui revient, le collier : le film n’avait pas besoin d’en plus y rajouter la révélation sur la mère. En faisant le choix de le dire d’emblée, on serait passé de rêves de pur fantasme et de drague à la limite de l’agression à quelque chose de plus naturel et romantique. Ce n’est plus une inconnue qui le fait baver, mais la mère de ces enfants qu’il ne cessera jamais d’aimer. Une belle ode à l’amour et à la persévérance, mais avec si peu de changement, le film aurait pu être bien plus fort.

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Wonder Woman 1984


Wonder Woman 1984
2020
Patty Jenkins

Assurément l’un des films les plus appréciés du DCEU, le premier Wonder Woman fut effectivement une bonne surprise, les critiques étaient excellentes, les ventes physiques qui ont suivi les excellents chiffres en salle (818 M$ dans le monde) furent très encourageantes, et la hype était à son maximum pour cette suite. Qu’importe la qualité du film, cette suite avait aligné toutes les conditions nécessaires pour assurer le milliard au box-office, mais c’était sans compter sur cette fameuse saloperie qu’on appelle Covid. Le film devait sortir en juin 2020, puis a été décalé en novembre, et il est finalement sorti fin décembre dans un contexte où les premières salles rouvraient péniblement dans quelques pays, et le film se voulait justement être le fer de lance de la réouverture. Seulement voilà, re-fermeture, sortie simultanée sur HBO Max, piratage massif et confinement sur une grande partie du globe ont fait de cette tentative de reprise l’un des cinq plus gros ratage de l’histoire : 200 M$ de budget brut (donc 350 M$ minimum avec les trois campagnes marketing pour les différents reports) pour des revenus bruts de 166 M$. Un carnage qui s’explique en très grande partie par le choix de sortir le film contre vents et marées de covid, et fut d’ailleurs pendant quatre mois le second plus gros « succès » de l’ère covid. En France, le film fut proposé en VOD en mars 2021, avant de débarquer en vente physique le mois suivant comme un vulgaire film de série B. Triste sort qui a pour l’instant tué la franchise, mais au delà du désastre commercial, impossible à pleinement évaluer de part l’omerta sur les chiffres en VOD/streaming, le film est malheureusement aussi en grande partie un désastre artistique.

Alors que les autres films de l’univers DC étaient clairs sur le fait que la super-héroïne n’avait pas renfilé son costume depuis la Première Guerre Mondiale, voilà une suite se déroulant pourtant dans les années 80. Suite ou pas vraiment suite ? Univers alternatif ? Aucune réponse, mais de quoi parle donc le film ? Eh bien comme par hasard, une pierre exhaussant tous les vœux va atterrir là où travaille Diana Prince (Gal Gadot), et comme par hasard un homme d’affaire raté (Pedro Pascal) cherchant désespérément ladite pierre va justement faire un don d’argent qu’il n’a pas à ce même institue, et comme par hasard il va tomber sur la pierre, et comme ça tombe bien il va réussir à la subtiliser à une employée (Kristen Wiig) qui bah alors là si si on vous jure c’est pas une facilité scénaristique, ça tombe incroyablement bien parce que c’est justement son type d’homme et elle va le laisser partir avec. Comment, les gens sont dégoutés que Steve Trevor (Chris Pine) soit mort dans le premier film ? Bah la pierre va le ressusciter !

Ce film devrait être étudié comme cas d’école sur à quel point tous les mauvais choix ont été fait. Ce qui fait avancer le scénario est systématique des coïncidences de l’enfer, et le film échoue à créer des enjeux. Comment se dire que Steve va rester, que le monde va vraiment partir en vrille définitivement quand on connaît déjà l’état du monde quelques décennies plus tard ? Et surtout, comment craindre pour qui que ce soit dans un film sans méchant ? Car oui, et c’est sans doute le plus gros ratage du film : le fameux arriviste et juste quelqu’un qui veut rendre fier son fils et prouver au monde qu’il n’est pas un raté qu’on peut laisser en marge de la société, et la Cheetah est juste une conne. Aucune transformation physique, du pouvoir mais sans but derrière, et au final ça ne change pas qui elle est au fond. En vrai la méchante du film serait Wonder Woman elle-même, préférant délaisser l’humanité et même voler le corps d’un innocent pour y projeter le souvenir de son aimé. Des enjeux inexistants donc, mais pire encore, le chemin pour arriver à l’une des conclusions guimauves les plus navrantes jamais vue doit passer par des pans entiers ne servant absolument à rien. Le film se veut grandiose, épique, international, et dans cet optique pour redynamiser un milieu de film qui ne fait que prolonger l’exposition d’introduction, on nous sort une bonne demi-heure de film en Afrique du Nord sur un sultan cupide, mais au final personne n’en ressort avec quoi que ce soit de plus, cela ne fait avancer aucune intrigue principale ou même secondaire, tout cela pour offrir des séquences d’action poussives et toujours sans le moindre enjeu. Mais au final le plus gros point noir du film est son époque : 1984. Alors que moult films ont su tirer parti de la nostalgie pour proposer quelque chose de frais et attachant, c’est ici un contexte qu’on oubliera sans cesse tant rien ne vient le rappeler, tant visuellement que thématiquement. La critique du capitalisme est limite moins pertinente à l’époque que maintenant, l’accent est très peu mis sur les costumes ou technologies de l’époque, et au niveau de l’étalonnage le film est très gris, loin des teintes colorées et décomplexées des années 80. Donc non, rien ne justifie d’avoir placé cette histoire en 84, et le film ne s’en sert à aucun moment, ou de manière totalement anecdotique.

Naufrage absolu donc ? Eh bien pas loin effectivement, car si tenter de ranimer l’humanité de l’espèce humaine fait écho au grand cœur de notre chère amazone, et si constater que son amour pour Steve est toujours palpable des décennies plus tard est touchant, dans les fait le développement est juste catastrophique, à la limite du nanardesque mais sans faire rire pour autant. Juste navrant. Reste donc une Gal Gadot toujours éblouissante, des effets spéciaux très corrects globalement (enfin vu le prix c’est tout de même la moindre des choses) et une intro sur l’île des amazones très réussie, mais les nouveaux personnages sont mal branlés, trop gentillets pour faire de véritables antagonistes, le scénario est poussif au possible, les enjeux saccagés, le rythme atroce (2h31 et plus de la moitié ne sert à rien) et globalement le constat est irrévocable : c’est juste chiant.

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Black Widow


Black Widow
2021
Cate Shortland

Alors que le monde ne s’est pas encore relevé totalement du covid et que les blockbusters continuent d’afficher de bien mornes scores – certes aussi en grande partie à cause de la Chine qui pulvérise des records en salles tout en interdisant 99% des films étrangers – le studio aux grandes oreilles a su tirer pleinement profit de la pandémie avec son service de streaming Disney+, mais depuis la réouverture des salles, le bilan est catastrophique. Diverses tentatives ont été faite : sortie en salle, en salle et en simultané sur Disney+, et maintenant du cas par cas en fonction des pays, en optant si possible pour une exclusivité en salle de 45 jours. Subissant de plein fouet ce tâtonnement, la mise sous cloche de la Chine et la mise en place de passes sanitaires dans certains pays, précipitant sa fin d’exploitation, le bilan en salle fut désastreux : 379M$ dans le monde pour un budget astronomique de 200M$ (auquel se rajoute, en plus des coûts marketing, probablement un chèque de 50M$ pour l’actrice qui a jugée que son intéressement aux profits avait été saccagé par la sortie streaming simultanée), ce qui est fait le second film le moins rentable du MCU devant L’incroyable Hulk. Alors certes, on parle aussi de recettes avoisinant les 100M$ sur leur service de vidéo à la demande, mais quand bien même, pour un fameux chant du cygne d’une « figure emblématique » des Avengers à la sortie décalé trois fois pour cause de covid, finir si loin du milliard quasi standard quand le dernier Fast & Furious sorti à la même période a fait presque deux fois mieux, il y avait de quoi se remettre en question.

L’histoire du film s’intercale entre les événement de Civil War et Infinity War, alors que Natasha Romanoff (Scarlett Johansson) est en fuite, mais va se voir rattrapée par son passée. Elle pensait que l’organisation ayant détruit sa jeunesse avait été dissoute, mais il n’en est rien, et pour lutter contre elle va devoir réunir son ancienne famille fictive (Florence Pugh, Rachel Weisz, David Harbour) de l’époque où ils étaient des espions soviétiques aux Etats-Unis.

C’était la grande question sur ce projet : comment créer des enjeux autour d’un personnage dont on connaît déjà le funeste sort ? La solution la plus simple aurait été de mettre en images les fameux événements de Budapest qui ont fait d’elle une membre du SHIELD, mais non seulement ce n’est pas l’option choisie, mais au contraire le film saccage cette idée en expliquant qu’au final cette fameuse mission n’avait servi à rien, le grand vilain misogyne courant toujours. Pourtant, le film démarre assez fort : le flashback sur son enfance est touchant, et derrière on découvre une Florence Pugh exceptionnelle, plus belle, plus gentille, plus sensible, plus émouvante. Et ironiquement, elle présente un problème de taille. Le film est centré sur Natasha Romanoff, qu’on sait morte dans le temps présent, donc le film se devait de réussir là où Endgame a échoué en nous faisant ressentir quelque chose quant à son sort. Mais entre un air prétentieux alors qu’elle est incontestablement la plus inutile et faible des Avengers, son absence d’émotions et l’écart ahurissant avec une sœur plus intéressante sur absolument tous les points et qui a même plus d’enjeux personnels au sein de ce film, non seulement le film échoue à nous faire regretter la veuve noire initiale, mais il nous prouve qu’elle avait si peu à offrir et que la relève s’annonce plus engageante. Pour un film à sa gloire, c’est moche…

Mais outre ce basculement d’héroïne, qui ne se fait pas sans heurt, une fois passé une très bonne introduction, que vaut le reste du film ? Eh bien pas grand chose : trop d’action pour de l’action sans forcément de logique scénaristique. Pourquoi les filles se battent-elles à leur retrouvailles ? Pourquoi ne pas avoir imaginé une évasion moins stupide et tonitruante ? Broum explosion ! On s’en fatigue vite, car c’est justement quand le film reste à échelle humaine, dans des décors naturels splendides comme la Norvège, qu’il fait mouche, et plus il essaye de masquer sa faiblesse d’écriture dans des fusillades, combats et course-poursuite dont a que trop soupé, plus on s’ennui. Une occasion manquée pour ce qui est probablement le plus inutile et oubliable film du MCU.

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Squid Game


Squid Game
2021
Hwang Dong-hyuk

/!\ Obligation de spoiler à blinde, donc article réservé à ceux qui ont vu la série /!\

Plus une œuvre est acclamée, plus il y a de chances, dans un contexte de quasi sacralisation générale, d’aboutir à une immense déception. Assurément le model de consommation de séries le plus populaire au monde, le géant Netflix a régulièrement fait l’objet de buzz dantesques sur des séries qui ont comme rarement fait consensus, et souvent à juste titre comme les claques Stranger Thing, Daredevil, Punisher ou The Witcher. Mais parfois, le mot surcoté s’impose : La Casa de Papel. Mais l’heure n’est pas à un règlement de compte avec l’équipe de braqueurs la moins appréciable, la moins intéressante et intelligente qui soit. Aujourd’hui, il est temps de parler d’un phénomène coréen, qui après Blackpink, Parasite ou Le Dernier train pour Busan, prouve que l’amertume finale est chez eux supplantée par les bonnes idées, mais que je ne saurais passer outre.

Pour ceux qui ne sont pas au courant, la série est un mélange de Hostel et Battle Royale (et pas grand chose à voir avec Hunger Games, hormis ce que la saga pompait déjà sur le précédent cité). Malgré le fait que le coût de la vie soit 5% inférieur à chez nous et que le salaire moyen soit 40% supérieur, de par des inégalités sociales ahurissantes une organisation secrète met régulièrement en place des battles royales où des gens dans le besoin vont s’affronter dans des jeux mortels pour gagner un pactole mirobolant de 45 milliards de yuans (soit environs 33 millions d’euros). Le principe ? Des jeux pour enfants comme 1 2 3 soleil où ceux qui perdent sont tués, jusqu’à ce qu’il n’en reste qu’un.

Avant de parler des choses qui fâchent, expliquons d’abord pourquoi se fâcher. En effet, si tous les concepts de la série sont pompés sur les trois exemples cités plus haut, et que sur la plupart des points la série est inférieure à ses modèles, elle avait néanmoins un potentiel assez massif. En termes de fond pur d’intrigue, ce sont surtout les personnages qui sont développés, donc « l’univers » restera assez vide, mais l’emballage est juste extraordinaire. Le travail sur les décors est excellent, les costumes des membres de l’organisation sont une parfaite combinaison de froideur, impersonnel et simples, permettant de comprendre vite le système hiérarchique. L’ambiance sonore est juste folle, terrifiante et angoissante avec le fameux thème des voix comme à l’agonie ou en état de choc. Les jeux sont ce qu’ils sont, des jeux d’enfants, donc dans l’ensemble ennuyeux, mais la gestion du stresse est brillante, notamment grâce à l’attachement aux personnages, enfin une poignée d’entre eux. C’est en effet le gros point fort de la série, car même si la plupart des intervenants sont des figurants là pour mourir en laissant « comme par hasard » les « héros » survivre le plus longtemps, tous nous font ressentir quelque chose. L’anti-héros Seong est une sombre merde qui fait constamment le mal autour de lui en étant le plus irresponsable et égoïste, nous faisant donc espérer sa mort. Son ancien ami Cho, le petit géni du village, froid et calculateur, nous fout hors de nous par ses manipulations ordurières, et pendant une grande partie de la série ses actions restent supportables. On a Ali, le pakistanais trop bon trop con. Jang, le mafieux, connard absolu qui rajoute du stress en plus des épreuves. Le vieux, que certains trouvent attachant. Le policier, aussi couillu que génie absolu. Mais la vraie force de la série c’est sans débat possible Kang (Jung Ho-Yeon), l’écorchée vive irrésistible à la beauté de glace. Suite à la série, la mannequin dont c’est le premier rôle a vu son nombre de followers sur Instagram exploser, passant de quelques dizaines de milliers à plus de 20 millions actuellement.

Donc l’ambiance est très réussie, le concept est bon puisqu’il a déjà montré ses fruits, et hormis quelques exceptions comme « la sorcière » au surjeu chaotique, le casting est vraiment excellent. Qu’est-ce qui ne va pas alors ? Eh bien place aux spoilers de l’enfer, soyez prévenus. Jusqu’à l’épisode 8 sur les 9 que comporte la série, les sept premiers étaient vraiment bons, et je pardonnais même la traitrise nous ayant coûté la vie à Ali, car même si on la sentait venir, on osait croire à tant de machiavélisme et d’ingéniosité. Je pardonnais même à Seong, personnage principal, d’être encore en vie malgré que ce soit le pire déchet qui soit et que je me disais même que ce serait plus appréciable de voir le mafieux gagner. Mais vient donc l’épisode 8, el famoso… Que ce soit au niveau mérite, pureté d’âme, logique scénaristique et enjeux de part le sacrifice touchant au jeu des billes et pour retrouver son petit frère qui l’aime, alors que de leurs côtés Seong allait sans l’ombre doute retrouver sa mère morte vu son état et l’urgence de l’opérer, et on ne doutait pas qu’il resterait la même merde humaine, et pour Cho il n’aurait pas échappé à la prison et au déshonneur, donc lui non plus sa victoire n’aurait aucune saveur. Donc quoi qu’il arrive, la seule fin possible était de faire gagner la fille, il le fallait. A la rigueur on aurait pu avoir un twist à la Hunger Games avec plusieurs gagnants, voir aucun d’ailleurs avec la fameuse troisième règle. Petit mot au passage sur l’arrêt de l’épisode 2. Ok ça fout sur le cul de voir que le choix est respecté et appliqué dans le plus grand des calmes, et ça fonctionne, mais au niveau narration, mise à part introduire la policier dont la conclusion n’est pas claire, ça brise surtout le rythme d’une mauvaise manière.

Revenons donc à la conclusion de tout ça, qui est foncièrement un échec. Finalement non seulement la fille ne gagne pas, elle est même tuée lamentablement et lâchement. Et de fait, c’est l’étron insipide qui l’emporte, pour rien. Il reste le même déchet, n’aide personne, et ô surprise à force d’être restée isolée et se tuant à la tâche avec une infection terrible, à son retour il trouve effectivement sa mère morte. Il finira par se bouger un an plus tard, se prenant au passage pour un chanteur kpop à peine pubère alors qu’il frôle la cinquantaine avec ses ridicules cheveux rouges. J’en serais presque à espérer la même introduction que Hostel II si une seconde saison verrait le jour, mais à vrai dire je ne sais pas si je la regarderais, d’autant que la série a moisi pendant dix ans dans des cartons avant d’en sortir, que son créateur a un autre projet en cours et que de fait il est certain qu’une potentielle saison 2 mettrait plusieurs années à voir le jour, donc tout le monde sera passé à autre chose. On en retiendra la musique, les fameux masques Sony, quelques personnages et notamment la frêle mais badass et terriblement sensuelle numéro 67 / Kang / Jung. Elle était l’âme de la série, et sans elle à quoi bon ? Une œuvre est un tout, et on ne peut faire abstraction d’un tel échec final quand c’est justement la conclusion qui se doit d’être le point le plus abouti, car qu’importe le voyage, seule compte la destination. Que serait le premier Saw sans la dernière pièce du puzzle ? Que serait The Mist sans la violence du désespoir ? Sans l’ombre d’un doute, la série a de quoi marquer et possède de solides arguments, mais un tel ratage sur la dernière ligne droite nous laisse amer et entache lourdement le bilan.

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Hook


Hook
1992
Steven Spielberg

Tout d’abord désolé à tous les fans du film, à tout ceux qui sont fan du dessin animé de Disney et tout ceux dont cette revisite / suite live-action a bercé l’enfance. J’aurais dû être de ceux là, mais j’ai toujours trouvé le film d’animation comme l’un des pires de la firme aux grandes oreilles, et j’ai mainte fois essayé de revoir ce fameux Hook sans jamais réussir à adhérer. C’est bien simple, de toutes les adaptations de la pièce de théâtre / roman de J. M. Barrie, la seule que j’ai trouvé aboutie était la version de 2004 de Peter Pan. Les années passent, l’esprit critique s’affine, l’esprit s’ouvre, et cette fois j’étais bien décidé à donner une énième fois sa chance au film.

L’histoire se place quelques 70 ans après les évènements du roman. Lors d’une de ses visites à Wendy (Maggie Smith), ce petit garçon qui ne voulait pas grandir va tomber amoureux de la petite fille de Wendy : Moïra. Il va alors décider de rester dans le monde réel pour vivre cet amour, oubliant peu à peu qui il était. Désormais père de famille, Peter (Robin Williams) a laissé le travail empiéter sur tout le reste, délaissant sa famille. Mais le passé lui ne l’a pas oublié : ruminant sa défaite depuis toutes ces décennies, le Capitaine Crochet (Dustin Hoffman) va débarquer dans le monde réel et capturer les enfants de Peter. S’il veut les sauver, il devra se rappeler son passé et replonger au pays imaginaire.

L’idée du film est foncièrement bonne : quand on devient adulte, on en oublie les joies simples, les jeux d’enfant, et il faut apprendre à vivre simplement. L’idée de prendre l’incarnation de la jeunesse qui ne veut pas grandir pour incarner un adulte qui rejette tout enfantillage ou amusement est cathartique, donc potentiellement brillant, et avec en prime Julia Roberts en fée Clochette et Gwyneth Paltrow pour la version jeune de Wendy montre la puissance du casting. Avec un réalisateur de renom à la barre, le projet ne pouvait qu’être génial. Et pourtant, c’est un ratage total. J’aimerais vous dire que le film est excellent, que c’est un régal, mais non.

Rien dans la façon de faire ne va. L’écriture est poussive au possible, abusant de caricatures, de clichés absolus comme le père trop occupé pour aller voir le match de son fils, qui fait en permanence des promesses qu’il ne tient pas. Et puis bon, on ne parle pas d’oublier les 4-5 premières années de sa vie, mais des décennies entières jusqu’à l’âge de 12-13 ans ! Qui n’a aucun souvenir avant cette époque ? En cas de traumatisme oui, mais là c’est tout l’inverse : c’est le bonheur de l’amour qui lui fait sacrifier son pays imaginaire. Or où est le sacrifice si on oubli ce qu’on a perdu ? Le coup du « vieil » homme rouillé est bon, mais son amnésie est maladroite et bancale. Et malgré les 2h24 le film va trop vite sur l’évolution du héros, qui rame trop longtemps pour une prise de conscience instantanée. Et s’il n’y avait que l’écriture qui posait problème… On excusera les effets spéciaux catastrophiques ou les décors en carton pâte immondes, même si la scène de fin dans le ciel fait très mal aux yeux, en revanche ce qui ne pardonne pas c’est vraiment le casting en roue libre comme jamais. Oui, diriger des enfants est difficile, mais à ce point ? Et même les adultes surjouent dans des propensions dantesques, juste insupportable. Le rire du Crochet bat des records en la matière… L’idée était sympathique, le casting alléchant, mais l’écriture, les effets spéciaux et surtout le jeu des acteurs sont si laborieux que le film est juste foncièrement raté.

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Il faut sauver le soldat Ryan


Il faut sauver le soldat Ryan
1998
Steven Spielberg

Grand classique de film de guerre qu’on se doit d’avoir vu. Déjà trois bonnes raisons de ne pas voir un film : classique veut dire surcoté, de guerre donc pas ma cam, et qu’on se doit d’avoir vu donc très très surcoté. N’étant pas amateur de film de guerre, sauf si ça permet d’apporter une vision nouvelle ou d’éviter que des moments pratiquement jamais abordés ne sombrent dans l’oubli, que le film se place encore et toujours du point de vue américain lors des événements de la Seconde Guerre Mondiale n’augurait rien de bon, mais j’ai fait l’effort de lui donner le plus possible sa chance : acheter le Blu-ray 4K et subir d’une traite les 2h40 de long-métrage.

Probablement l’un des scénarios les plus stupides jamais pondu par un être vivant, le film raconte comment l’état major américain, se rendant compte que la guerre avait déjà coûté la vie de trois frères sur quatre de la fratrie Ryan et que leur mère ne supporterait pas de perdre son dernier fils James (Matt Damon), va tout mettre en œuvre pour le retrouver et le sauver, porté disparu depuis une opération de parachutage en France. Alors en 1944, la guerre bat son plein, les soldats meurent par millions, mais le gouvernement va mobiliser l’escouade du Capitaine Miller (Tom Hanks) pour retrouver et sauver un seul soldat, peut-être déjà mort et qui devra vivre dans le cas contraire avec le traumatisme démultiplié de la guerre, qui outre son âme et son honneur, l’aura privé de sa famille. Des génies !

A quelques occasions le film soulignera la stupidité de la mission, mais « les ordres sont les ordres ». Ah on parle d’américains, et le premier et dernier plan du film est un drapeau des Etats-Unis flottant au vent. On parle de psychopathes là pour massacrer du nazi, tirant à s’en vider le chargeur sur des hommes désarmés sortant les drapeaux blancs. Au moins le film aura le mérite de reconnaître la monstruosité de la guerre, de tous bords : tous pourris. Mais s’en moquer ou rire avec ne change pas le constat. Le film est d’une stupidité déconcertante, tout n’est qu’inutile, futile, et on devra supporter la naïveté clinique d’un Vin Diesel qui se fera heureusement plomber bien vite. Quasi figurant, la liste des seconds rôles campés par des noms d’envergure donne le tournis :  Jeremy Davis (Faraday dans Lost), Giovanni Ribisi, Paul Giamatti ou encore Bryan Cranston. Enfin pour replacer les choses dans leur contexte, la plupart de ses acteurs étaient peu ou pas connus à l’époque, donc on est loin du cache-misère intentionnel.

Mais donc pourquoi le film a eu tant de nominations, de prix (dont l’Oscar du meilleur réalisateur) et un tel succès avec pratiquement un demi-milliard en salles ? L’immersion, la démesure, les moyens mis en œuvre. Encore aujourd’hui, la scène du débarquement reste mémorable, dantesque, et le film est tout le temps sous tension. Quelques personnages attachants, notamment le capitaine, et ça se laisse regarder. Mais en terme de puissance visuelle, difficile de garder l’émerveillement quand on a eu depuis des films comme Dunkerque, ou au niveau immersion et tension l’immense plan séquence de 1917, quoique souffrant lui aussi d’un scénario effroyablement vain. Le film n’est que haine, violence, un endoctrinement lamentable plutôt qu’un esprit de camaraderie, et toutes ses qualités techniques incroyables pour l’époque ne sont plus un argument valable aujourd’hui. Le film n’est pas mauvais, mais ses arguments d’époque n’ont plus lieu d’être, et à moins d’être nostalgique de la claque prise à l’époque, difficile d’y trouver un grand intérêt, comme c’est aujourd’hui le cas des films reposant uniquement sur la technique et le grand spectacle : les progrès en la matière rendront immanquablement désuets les maîtres du genre actuels.

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